Dans le débat actuel, il est couramment avancé que la jeunesse française serait «sacrifiée». Les causes de ce ressentiment sont assez bien connues. Cette jeunesse a été abandonnée à son sort sur le marché du travail depuis trop longtemps, comme l’illustre malheureusement le million de jeunes chômeurs de moins de 30 ans, les deux millions de jeunes sans diplôme, ni en emploi, ni en formation (les NEET) ou les 150.000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans aucun diplôme.
Pourtant, quelques réformes ont été tentées au cours du quinquennat qui s’achève. Le contrat de génération, mesure phare du quinquennat, devait bénéficier à 500.000 jeunes en 2017. Au final, c’est à peine 40.000 jeunes qui sont actuellement concernés. Après une période d’expérimentation concluante, on peut saluer la généralisation de la Garantie jeunes, dispositif à destination des 16-24 ans qui propose un parcours intensif de formation et d'accès à l'emploi. Cependant, ces mesures paraissent bien dérisoires lorsqu’on sait que le taux de chômage des jeunes est passé de 19% en 2008 à plus de 25% en 2016.
Dans le même temps, les inégalités n’ont cessé de croître en défaveur de cette classe d’âge. Durant les dernières décennies, la priorité a été légitimement de revaloriser les pensions des retraités et de favoriser les dépenses de santé en faveur des seniors. Cette priorité était alors justifiée compte tenu de la pauvreté qui sévissait chez ces derniers: ainsi, en 1970, un retraité sur quatre était pauvre. Mais ce n’est désormais plus le cas avec des retraités dont le niveau de vie moyen est largement à la hauteur de celui des actifs et dont le taux de pauvreté est même devenu inférieur à la moyenne (7,9% des retraités ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, contre 12,3% pour l’ensemble de la population). La photographie est par contre beaucoup moins reluisante s’agissant des plus jeunes, dont le taux de pauvreté est presque deux fois plus important que la moyenne nationale.
Face à ce constat, notre proposition, évaluée dans le cadre des travaux de la chaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE), est simple: exonérons en partie les moins de 30 ans du paiement de la Contribution sociale généralisée (CSG). En utilisant les données des comptes par générations, le coût de cette mesure peut être évalué à environ 4 milliards d’euros si elle était appliquée par exemple en deçà du salaire médian (environ 1.460 euros nets) dans cette catégorie d’âge.
Étant donné l’équilibre fragile, que l’on devrait enfin retrouver en 2017, des comptes de la Sécurité sociale, une telle mesure se doit d’être entièrement financée. Une partie de son coût pourrait être couvert par un alignement du taux de CSG normal portant sur les pensions de retraite (actuellement fixé à 6,6%) sur celui des actifs (7,5%), puisque le niveau de vie des retraités a maintenant rattrapé celui des actifs. Le produit attendu de cet alignement est toutefois loin d’être suffisant et se situe aux alentours de 1,5 milliard.
Une réflexion devrait donc être menée sur d’autres mesures permettant de financer cette réforme. Pour donner quelques ordres de grandeur, les 2,5 milliards manquant correspondent à une augmentation d’à peine 0,25 point du taux normal de CSG portant sur les revenus d’activité et de remplacement (qui passerait donc à 7,75%). Le sort de notre jeunesse ne mérite-t-il pas un effort de cet ordre, que nous avons par ailleurs déjà connu dans le passé au moment de l’instauration de la CRDS?
Que pouvons nous attendre au final d’une telle mesure? L’effet premier est de réduire les inégalités en accroissant mécaniquement le pouvoir d’achat des jeunes. Le coup de pouce est loin d’être négligeable puisqu’il représente environ 110 euros (hors prime d’activité) pour un jeune salarié rémunéré au SMIC. Dans une pure logique keynésienne, cette redistribution vers les plus jeunes, dont la propension à consommer est la plus forte, ne peut qu’accroître la consommation globale de la nation. En effet, le taux d’épargne médian est bien plus faible chez les moins de 30 ans (3% en 2009) que chez les plus âgés (entre 8% et 14% selon la tranche d’âge) ou les classes d’âge intermédiaires (entre 14% et 19% selon la tranche d’âge parmi les 30-59 ans). Enfin, en rendant le travail mieux valorisé dès l’entrée sur le marché du travail, cette réforme renforcerait le contrat social entre générations. Elle faciliterait l’acceptation par les plus jeunes des conséquences de cette nouvelle donne démographique, caractérisé par l’allongement de l’espérance de vie, qui semble si défavorable à cette génération.
Ne soyons pas naïf pour autant: si cette réforme permettra de corriger une partie des inégalités que subissent les plus jeunes, elle ne sera pas en pratique suffisante pour faciliter leur insertion sur le marché du travail. Il convient donc de poursuivre cette réflexion (c’est le programme de travail de la chaire TDTE en 2017) et d’accompagner cette réforme, par exemple, par des allégements supplémentaires des charges sociales sur les bas salaires, qui seraient spécifiques aux jeunes. Au final, il n’y a donc pas de fatalité à cette situation d’une jeunesse «abandonnée».