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Obama: La guerre en Afghanistan «n'est pas perdue»

Temps de lecture : 5 min

Barack Obama a justifié mardi l'envoi de renforts et affirmé que la guerre en Afghanistan n'a rien à voir avec celle du Vietnam.

Barack Obama a annoncé sobrement mardi 1er décembre l'envoi de 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan d'ici l'été 2010 et a présenté une nouvelle stratégie visant à intensifier la lutte contre les talibans et à rendre possible un retrait américain à partir de juillet 2011 au plus tard.

Après trois mois de consultations et d'hésitations, le président américain a exposé ses intentions dans un discours très attendu adressé aux élèves officiers de la prestigieuse académie militaire de West Point (New York). Il a annoncé l'envoi de 30 000 soldats supplémentaires et l'a justifié par la nécessité de changer le cours de la guerre.

«La guerre n'est pas perdue», a notamment affirmé le Président des Etats-Unis. La comparaison, fréquente, avec la guerre du Vietnam est selon lui «une lecture erronée de l'histoire». Contrairement au conflit vietnamien, a-t-il rappelé, les Etats-Unis sont soutenus en Afghanistan par 43 pays, et ils n'ont pas face à eux un soulèvement large de la population. «Nous ne permettrons pas à Al-Qaïda de disposer d'un havre sûr... C'est de là que nous avons été attaqués le 11-Septembre, et de là que de nouveaux attentats sont préparés alors que je parle».

«En tant que commandant en chef, j'ai établi qu'il était dans notre intérêt national suprême d'envoyer 30.000 soldats supplémentaires américains en Afghanistan. Après 18 mois, nos troupes commenceront à rentrer à la maison», a déclaré Obama. «Les 30.000 soldats supplémentaires (dont) j'annonce (l'envoi) ce soir se déploieront dans la première moitié de 2010 - au rythme le plus soutenu possible - afin de cibler l'insurrection et de sécuriser des zones habitées cruciales», a-t-il ajouté.

Le calendrier accéléré dévoilé par Obama a surpris certains experts du Pentagone qui tablaient plutôt sur une période de 12 à 18 mois pour le renforcement militaire en Afghanistan, où sont actuellement déployés 68.000 militaires américains et 42.000 soldats alliés.

Le général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, a salué la nouvelle stratégie dans ce pays annoncée mardi par le président Barack Obama, estimant qu'elle lui fournissait les «moyens» nécessaires pour mener à bien sa mission.

Ces renforts, a poursuivi le Président des Etats-Unis, «nous permettront d'accélérer le transfert des responsabilités aux forces afghanes et nous permettront d'entamer le retrait d'Afghanistan de nos troupes en juillet 2011... Ce qui est en jeu, ce n'est pas simplement un test de la crédibilité de l'Otan, ce qui est en jeu c'est la sécurité de nos alliés et la sécurité commune du monde», a-t-il dit, précisant que la guerre en Afghanistan n'était pas uniquement celle des Etats-Unis.

Le Pentagone espère voir les autres pays de l'Otan compléter l'effort américain en déployant jusqu'à 10.000 soldats et instructeurs mais la Grande-Bretagne a dit s'attendre à ce que les alliés ne fournissent que 5.000 hommes supplémentaires.

Le Premier ministre, Gordon Brown, a confirmé qu'il allait porter de 9.000 à 9.500 le nombre des militaires britanniques en Afghanistan. Le président français Nicolas Sarkozy a paru exclure de nouveaux renforts français. Il a apporté son «plein soutien» à Barack Obama.

«C'est un discours courageux, déterminé et lucide qui donne un nouvel élan dans l'engagement international et ouvre de nouvelles perspectives», a estimé M. Sarkozy. Le chef de l'Etat a souligné que «la France restera fermement engagée, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire, aux côtés du peuple afghan», sans annoncer de renforts pour les «près de 4.000 personnels, soldats, gendarmes, policiers» français présents en Afghanistan. Paris apportera «un soutien renforcé au Pakistan voisin dans sa lutte contre les forces de déstabilisation qui menacent toute la région».

Sur le plan intérieur, l'augmentation des effectifs militaires représente un risque de taille pour Obama. S'il a pris ses fonctions en promettant un effort plus concentré sur l'Afghanistan, le président se heurte aujourd'hui au scepticisme de la population et de certains démocrates à l'idée de mettre de nouveaux personnels et financements au service d'un gouvernement afghan réputé corrompu et incompétent. Conscient de ces réserves, Obama a souligné que l'engagement américain en Afghanistan n'avait rien «d'illimité».

Sur le plan financier, l'envoi des 30.000 soldats supplémentaires devrait coûter entre 25 et 30 milliards de dollars, portant à 95 milliards de dollars le coût total des opérations en Afghanistan pour l'exercice budgétaire en cours, soit bien plus que les 61 milliars de dollars dépensés dans le même temps en Irak.

Selon les sondages d'opinion, les Américains sont profondément divisés sur l'Afghanistan, une partie de la population étant lasse des opérations militaires engagées après les attentats du 11 septembre 2001. D'après une récente enquête Washington Post-ABC News, 48% des Américains désapprouvent la manière dont Barack Obama traite la question afghane, contre 45% qui l'approuverent.

Une sélection d'articles de la rédaction de Slate.com et de Slate.fr:

«Obama contre Obama» Le président américain doit répondre aux questions du sénateur qu'il fut au sujet de l'Afghanistan.

«Il faut plus de soldats (peut-être)» Un chroniqueur américain de Slate avoue qu'il n'arrive pas à savoir quelle est la bonne stratégie en Afghanistan.

«Pour gagner la guerre, il faut s'allier aux milices» La société afghane a toujours été structurée par les tribus. Il n'y a jamais eu de pouvoir central fort.

«Obama avec l'Afghanistan comme Johnson avec le Vietnam?» Le Président des Etats-Unis est-il naïf et faible ou habile et patient? Il est encore un peu tôt pour apporter une réponse.

«La corruption des Karzaï fera perdre la guerre» Les haut-gradés américains martèlent que la corruption et le trafic de drogue sont une menace aussi importante que les talibans pour la stabilité de l'Afghanistan.

«Il ne faut pas rester en Afghanistan» Les talibans seront vaincus le jour où la population trouvera qu'il est de son intérêt de soutenir le gouvernement. C'est loin d'être le cas aujourd'hui.

«Il faut rester en Afghanistan» «Gagner» signifie partir en laissant derrière nous un gouvernement qui soit un minimum acceptable, et «perdre» implique la prise du pouvoir par les talibans et le retour d'al Qaida.

«Le nouveau Vietnam» Pour gagner une guerre anti-insurrectionnelle, il faut renforcer la légitimité du gouvernement central. Cela s'annonce de plus en plus difficile en Afghanistan.

«Il existe une troisième voie» Entre le retrait et le renforcement des troupes, il existe un «plan C»: un changement radical de stratégie, qui se recentrerait sur la lutte contre le terrorisme et la formation des forces afghanes.

Image de Une: Barack Obama avec les cadets de West Point Jim Young / Reuters

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