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Pour dialoguer avec Trump, la France a besoin d'un président golfeur

Temps de lecture : 6 min

Le Premier ministre Shinzo Abe a récemment montré l'exemple: pour réchauffer les relations avec le 45e président des États-Unis, rien ne vaut un 18-trous.

Donald Trump et Shinzo Abe lors d'une partie de golf, le 11 février 2017 en Floride. JIJI PRESS / AFP.
Donald Trump et Shinzo Abe lors d'une partie de golf, le 11 février 2017 en Floride. JIJI PRESS / AFP.

Depuis qu’il est entré à la Maison-Blanche, Donald Trump continue d’«envoyer du bois» sur les réseaux sociaux ou à travers ses interventions médiatiques. L’expression pourrait être golfique –un bois est le club le plus long que chacun peut avoir dans son sac pour tenter d’envoyer la balle le plus loin possible– si elle n’était basque. Mais cette région de France est aussi celle qui fait la part la plus belle à ce jeu de balle en raison de l’histoire qui y est attachée et de ses tracés à la réputation internationale, qui pourraient faire les délices d'un président américain à la «culture golf» très affirmée.

De manière intéressante, le magazine Politico a récemment fait allusion à la relative importance du «sujet golf» lors des premières prises de contact diplomatiques de Donald Trump avec ses nouveaux interlocuteurs internationaux, qui tentent de découvrir à qui ils ont vraiment affaire. Bill English, le Premier ministre néo-zélandais, a ainsi abattu la carte golf en évoquant, semble-t-il, l’ancien champion néo-zélandais Bob Charles, vainqueur du British Open en 1963, en guise d’apéritif à leur échange.

D'après Politico, «l’astuce pour avoir une bonne conversation avec Donald Trump, selon deux membres du personnel de la Maison-Blanche, c’est de jouer davantage sur l’alchimie personnelle que de parler d’accords politiques. Ce qu’a tout à fait compris le Premier ministre néo-zélandais, Bill English, en bavardant du golfeur Bob Charles avec son interlocuteur américain. Ce n’est qu’après cette conversation amicale qu’il a exprimé son désaccord vis-à-vis de la politique d’immigration de l’administration Trump».

«Un triomphe de la diplomatie du golf»

Dans le chaos des premiers pas du nouveau «maître du monde» sur la scène internationale, il est un pays qui a au moins su nouer un début de relation de confiance avec la nouvelle administration républicaine: le Japon. Et le golf n’y est pas pour rien.

En effet, après avoir été reçu au cœur de la Trump Tower dès novembre lors de la phase précédant la passation de pouvoirs avec Barack Obama, Shinzo Abe, le Premier ministre nippon, a eu les honneurs, en février, d’une première visite officielle à Washington et d’un week-end passé ensuite dans l’une des demeures du président américain en Floride. Au menu, à chaque reprise, il a été question, bien sûr, de relations bilatérales, mais aussi de golf, véritable passion qui rapproche les deux responsables politiques.

Lors de leur première rencontre à la Trump Tower, ce sport s’était ainsi invité à la table des discussions à travers un cadeau offert par Abe à Trump sous la forme d’un driver très haut de gamme de la marque japonaise Honma, dont la valeur a été estimée à 3.755 dollars. La deuxième fois, les deux hommes ont joué ensemble en Floride en compagnie du Sud-Africain Ernie Els, ancien numéro un mondial et vainqueur de quatre tournois majeurs. Cette rencontre club en main renvoyait à une autre partie de golf organisée en 1957 entre Dwight Eisenhower, alors à la Maison Blanche, et Nobusuke Kishi, le grand-père de Shinzo Abe et Premier ministre japonais de l’époque. Sur un parcours du Maryland, les deux gouvernants du moment en avaient profité pour réchauffer les relations entre les États-Unis et le Japon, quelques années seulement après les déchirements de la Seconde Guerre mondiale. «Un triomphe de la diplomatie du golf», avait-il été dit.

Le golf, on le sait, est au cœur de la réussite financière de Donald Trump, qui possède dix-sept domaines prestigieux répartis sur la planète, notamment celui de Bedminster, dans le New Jersey, qui accueillera l’US Open féminin en juin prochain –c’est bien la première fois qu’un président américain sera, en quelque sorte, l’organisateur d’un tournoi du Grand Chelem. Mais il est aussi le fil rouge constant des loisirs de tous les présidents américains. Depuis William Howard Taft, premier président golfeur de 1909 à 1913, il n’y a même eu que trois présidents non golfeurs: Herbert Hoover (1929-1933), Harry Truman (1945-1953) et Jimmy Carter (1977-1981). Et les incessantes parties de golf de Barack Obama n’ont cessé d’alimenter la chronique au cours de ses deux mandats, suscitant notamment les féroces critiques de Donald Trump, qui n’est plus à une contradiction près.

Un loisir mal vu

La diplomatie du golf existerait donc, puisque Donald Trump a indiqué qu’il avait appris à mieux connaître Shinzo Abe au cours des quelques heures de jeu passées côte-à-côte sur les fairways et les greens de Floride. Ce qui nous entraîne à nous demander, avec amusement, quelle peut bien être la stratégie de la France en la matière?

Elle est, hélas, proche du néant tant le golf, dans nos frontières, a gardé une réputation sulfureuse de sport de classe. Sur un CV politique, un tel aveu aurait davantage l’allure d’un handicap que d’un avantage pour un homme ou une femme politique.

Parmi les présidents de la Ve république, un seul a véritablement osé le golf en la personne de François Mitterrand, qui avait l’habitude de se rendre le lundi matin, en catimini, au Golf de Saint-Cloud, en compagnie souvent d’André Rousselet, qui fut brièvement son directeur de cabinet avant de diriger Havas puis Canal+. Mitterrand, à qui il arrivait aussi de jouer dans les Landes en compagnie d’André Boniface, l’ancien international de rugby, bénéficiait de l’aide d’un «professeur» de golf, un certain Laurent Raillard, à qui la juge Eva Joly s’était intéressée dans le cadre de l’affaire Elf. L’ancien chef de l’État avait également, paraît-il, ses entrées au golf de Morfontaine, dans l’Oise, l’un des plus fermés de l’Hexagone, où se côtoie une certaine élite française dans le secret le plus absolu des bois environnants. François Mitterrand était un golfeur des plus discrets, là encore dans un souci probablement de ne pas apparaître comme un grand bourgeois aux yeux des Français.

Il est très difficile de savoir quels sont les hommes politiques de premier plan qui jouent au golf en France, même s’il est possible de croiser régulièrement Jérôme Cahuzac sur les vertes déclinaisons du parcours de La Boulie, en région parisienne. Mais lier le golf à l’ancien ministre du Budget ne sera probablement pas un atout pour la discipline à cause de ses mensonges et de ses déboires fiscaux, qui l'ont poussé à la démission en 2013. Voilà trois ans, alors que l’auteur de ces lignes s’essayait à mener l’enquête afin de connaître les politiques ayant un réelle empathie pour le golf, il s’était vu répondre, par mail, par l’un des conseillers d’un futur candidat à la présidentielle: «Je doute qu’un politique souhaite s’afficher sur un terrain de golf en ce moment et accepte de témoigner.» Hélas vrai.

Et pourtant, de 1987 à 2012, un practice de golf, inauguré par Jacques Chaban-Delmas, alors président de l’institution, avait été installé sous les bâtiments de l’Assemblée nationale à l’initiative, semble-t-il, du député socialiste normand Louis Darinot. En effet, durant la IIIe République, des bunkers avaient été bâtis à cet endroit pour sécuriser les hauts fonctionnaires en cas de guerre et étaient devenus sans utilité dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, pour le plus grand bonheur des députés golfeurs bien des années plus tard. L’Assemblée nationale possède désormais sa propre association de golfeurs où Jean-Yves Le Déaut, député socialiste de Meurthe-et-Moselle, et Jean Launay, député socialiste du Lot, exercent des responsabilités au sein du bureau. Le député Les Républicains Gilles Carrez, grand spécialiste du budget, est également connu pour son goût pour la petite balle blanche.

«Mon handicap? Le Congrès»

Quelle que soit la personnalité qui sera élue en mai prochain à la présidence de la République, et même si elle ne s’intéresse absolument pas au golf, il ne serait pas inintéressant pour elle de songer à une «opération golf» pour établir au moins un lien de confiance, si ce n’est d’amitié, avec Donald Trump. Lors d’une prochaine visite officielle, pourquoi ne pas lui ouvrir, par exemple, pour un 18 trous très présidentiel, les portes du Golf National qui, du 28 au 30 septembre 2018, accueillera la plus médiatique des compétitions de golf, la Ryder Cup, ce match Europe-Etats-Unis aux airs si nationalistes? Voilà de quoi offrir une vue d’ensemble du parcours à celui qui ne manquera pas, évidemment, de dire publiquement ce qu’il en pense à la veille de la rencontre.

Et ne pas hésiter non plus à lui faire les honneurs de Mortefontaine, puisque c’est là qu’a été signé en 1800 le traité de Mortefontaine, une convention d’amitié entre la France et les Etats-Unis: Dwight Eisenhower, le plus golfeur des présidents américains, avait d'ailleurs eu les honneurs du célèbre golf des lieux quand il était commandant en chef de l’Otan, dont le quartier général était basé à Paris. Ou comment faire d’une pierre (balle) deux coups, en reliant la grande histoire et la passion sportive.

À l’heure où la France se cherche une diplomatie sportive et où elle se gratte la tête pour tenter de comprendre le mode de pensée de Donald Trump, le golf est à coup sûr une bonne entrée en matière. Un jour, alors que le président démocrate Lyndon Johnson (1963-1969) faisait un passage par Augusta, cadre du Masters de golf, un journaliste lui demanda quel était son handicap: «Le Congrès», répondit-il. Voilà un trait d’humour que le nouveau locataire de l’Elysée aurait tout intérêt à avoir en mémoire pour tenter de se mettre l’imprévisible Trump dans la poche…

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