France

Le classement alternatif des hôpitaux et des grandes écoles en France

Temps de lecture : 9 min

Voici la première partie de notre «Guide Google de la société française». Où nous nous penchons sur la notation des hôpitaux et des grandes écoles par les internautes et sur leurs commentaires laissés sur Google.

Montage Slate.fr | photo: MATTHIEU ALEXANDRE / AFP
Montage Slate.fr | photo: MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Slate.fr a décidé d'exploiter la mine d'informations à l'état brut contenue dans le service Google My Business. Ce service propose, en lien avec la carte du monde de Google, Google Maps, une page d'informations pour chaque établissement existant sur la planète (commerce de proximité, siège ou succursale d'entreprise mais aussi équipements collectifs, lieux de culte, espaces naturels, etc). Mais le service le plus précieux est la possibilité pour les internautes d'évaluer (de 0 à 5) et de commenter les lieux, qu'il s'agisse d'une boulangerie, d'une sandwicherie, d'un hôpital, d'un bureau de Poste ou d'un cimetière.

Parking, église, cimetière, Pôle emploi: où s'arrête la notation du monde?

Difficile de recenser tout ce qui peut être noté par les internautes. Selon Google, les pages du service My Buisness peuvent être créées par n'importe qui, qu'il s'agisse du propriétaire du lieu ou d'un simple usager. En revanche, seul le propriétaire a le droit d'administrer la page. On distingue ensuite les lieux selon qu'ils peuvent être commentés et notés, comme les commerces, ou qu'ils peuvent uniquement être commentés mais pas notés, sans qu'on comprenne toujours ce qui les distingue. Les pages Google My Business peuvent également être générées automatiquement par les algorithmes de Google qui visitent le vaste web, et déduisent la fonction du lieu et ses caractéristiques d'informations laissées sur internet.

Sur Google My Business, il est possible de noter:

- Des équipements publics collectifs: stades, écoles, hôpitaux, cimetières, mais aussi ports de plaisance, gares ou même stations de métro et espaces verts;
- Des équipements collectifs privés: parkings, aires de repos d’autoroutes, péages, tunnels;
- Des lieux de loisir: restaurants, cafés, bars bien entendu mais aussi campings, stations de ski (non, on ne peut pas encore noter ni commenter les télésièges ou la piste rouge);
- Des lieux culturels: monuments, musées, salles de concert, cinémas;
- Des espaces naturels: forêts, sommets montagneux;
- Des lieux de culte: église, mosquée, synagogue;
- Des lieux de services: agences bancaires, d’assurances, etc.

Dans cet article nous nous penchons sur deux catégories qui font l'objet de classements réguliers par la presse pour les comparer aux évaluations qu'en font les internautes:

1/ les meilleurs hôpitaux,

2/ les meilleures institutions scolaires et universitaires de France.

Le classement Google des hôpitaux

Du coté des hôpitaux, notre point de référence est le palmarès réalisé par le magazine Le Point. Notre classement alternatif, ou plutôt celui des internautes sur Google, s'éloigne quelque peu du trio de tête de ce classement, dans lequel les meilleurs établissements sont les CHU de Bordeaux, de Lille, de Toulouse puis de Strasbourg.

A cause d’eux je suis décédé

Un utilisateur Google à propos d'un CHU

Pour Google, Strasbourg, Toulouse et Nancy se hissent sur le podium érigé par les utilisateurs. En observant les remarques de ces derniers, on se rend très vite compte que l’aspect instantané et émotif de la chose rend les avis très tranchés. Difficile, donc, de trouver des notes ou des commentaires faisant dans la demi-mesure et, à défaut d'une méthode fiable d'évaluation, on évitera de se tourner vers les «avis utilisateurs» d'internet pour s'informer sur la qualité de soin des hôpitaux.

Le classement des hôpitaux (cliquez sur Google My Business ou Palmarès Le Point pour organiser les colonnes)

Si les deux premières villes n’ont récolté que peu d’avis, Nancy suscite les passions des anciens malades ou des familles. Les adjectifs «sympathique» et «gentille» pullulent sur la page du CHU, en compagnie d’autres commentaires plus originaux. Kose M. note ainsi, pour justifier sa note de 5/5 à l’établissement:

«Les mecs j avait une infection au cheville ils m ont gueri dans les autres hopitaux ils avaient pas trouver»

De vrais pros, donc.

Même en descendant dans le classement, les avis se font souvent contradictoires. Sur le CHU de Montpellier, qui obtient une moyenne de 3,2, David T. affirme: «top, je recommande»; tandis qu’Aurélio G. écrit à propos du service cardiologie qu'il est «à éviter absolument si vous voulez vivre… ou être respecté et traité comme un être humain.»

Pas facile de s’y retrouver. Le cas du CHU de Rouen, qui obtient une moyenne de 3,2, résume parfaitement la vision que Google My Business donne des hôpitaux. Entre les récriminations contre le personnel et les volées de remerciements, il est quasi-impossible de tirer une conclusion sur la qualité de l’établissement, même si la moyenne en donne un aperçu. Comme c’est souvent le cas, l’absurde tient aussi une part importante dans cette partie du site. En témoignent par exemple ces quelques mots de Thimothé D., toujours à propos de Rouen:

«A cause d’eux je suis décédé».

Le classement Google de l'éducation nationale

Avant d'être un hobby sur Google, l’évaluation est une passion scolaire. Pas seulement celle des élèves, sujet sur lequel la réflexion est engagée au plus haut niveau, mais celle des établissements. Des classements sont publiés par la presse dès le collège et surtout pour les lycées puisqu’il est facile de s’appuyer sur une mesure simple: la réussite et les mentions obtenues au baccalauréat, classement d’ailleurs tempéré par un palmarès proposé par l’éducation nationale elle-même et qui tient compte d’autres indicateurs, par exemple de l’origine sociale des élèves, et qui est lui aussi repris par la presse à chaque parution.

La cantine y était pas trop mal entre 2001 et 2005

Un utilisateur Google à propos du Lycée Henri IV

Dès lors, il est tentant de comparer les palmarès de la méritocratie à ceux des internautes, qu'ils aient été d'anciens élèves, des parents ou qu'ils donnent leur avis... sans lien apparent avec l'établissement. Pour le lycée Henri IV, qui obtient, grâce à une sélection très dure des élèves, des résultats mirifiques tant au baccalauréat que pour ses classes préparatoires, les commentaires Google permettent d’accéder à des avis très pragmatiques, selon des critères d'excellence trop souvent minorés par les classements officiels, à commencer par la qualité de la cantine:

«La cantine y était pas trop mal entre 2001 et 2005.»

«Y a même pas de distributeur de bouffe quand on a la dalle !»

Côté université, il faut ici rappeler l’existence du classement de Shangaï des universités, classement très médiatisé publié chaque année en septembre. La première université française est parisienne, on l'appelle parfois encore Jussieu mais son vrai nom, c’est UPMC, université Pierre et Marie-Curie. En 2016, l’UPMC a obtenu la 7e place européenne et atteint la 39e au niveau mondial dans le classement Shangaï. Et pour les mathématiques l’UPMC occupe la 5e position mondiale. La classe non? Les avis trouvés sur Google My Business tempèrent un peu cet enthousiasme académique tout en rappelant qu’une fac bien située dans la ville, c’est agréable pour les étudiant:

«Une université grande et rénovée fais pour étudier dans de bonnes conditions.»

(Note personnelle: dans les années 90, Jussieu c’était l’enfer, les bâtiments étaient dégoûtants et le vent qui soufflait sur la dalle vous glaçait le sang en hiver, les longs travaux ont donné un visage plus amical à cette université! La rénovation a coûté des millions, c’est amusant qu’un internaute en note le bénéfice).

Poursuivons avec d'autres évaluations de l'UPMC:

«Les cours dispensés sont intéressant malgrè certains profs incompétents.»


«Sa proximité avec le Jardin des Plantes est un atout non négligeable.»

Des avis aussi décisifs permettront-ils aux étudiants de se décider à choisir l’UPMC dans leur choix d'orientation post-bac sur APB?

Le classement Google des écoles de commerce

Pour les écoles de l’enseignement supérieur, écoles d’ingénieur, écoles de commerce, les classements ont une telle importance que tout le monde les connaît. HEC est la plus célèbre, c’est aussi la meilleure école de commerce européenne, l’Essec et l’ESCP Europe font partie des écoles les plus cotées. Du côté des écoles d’ingénieur, Polytechnique, Centrale-supélec sont à la fois des établissements bien classés et des noms connus de tous.

Ecole remplie de gosses de riches qui ont tous un boulard énorme parce qu'ils croient être arrivés par leur seul mérite.

Un utilisateur Google à propos de l'École Polytechnique.

Cela étant, si on sourit en lisant les commentaires Google, la réputation est bel et bien un vrai sujet pour les établissements. Récemment, un ouvrage rendait compte des recherches académiques sur le sujet: Les écoles et leur réputation. L’identité des établissements dans un contexte de marché, de Hugues Draelants et Xavier Dumay (édition Deboeck).

En creusant un peu le sujet, on découvre qu’au-delà des places obtenues dans les classements, les écoles du supérieur développent un storytelling autour de l’atmosphère, du cadre, de l’émulation et des débouchés qu’elles offrent. Il est par exemple déroulé lors des journées portes ouvertes avec, m’a-t-on raconté, des pom pom girls et shows sur certains campus. Les écoles ont aussi adopté depuis longtemps la panoplie marketing qui va du joli logo (mention spéciale à l’école navale de Brest et à la Comue de l'université Toulouse Midi Pyrénées qui a choisi Minerve en emblème) au mug et bien sûr au sweatshirt qui fait de leur étudiants les porte-drapeaux de leur établissement.

Mais les opinions qui s’expriment sur Google My Business sont beaucoup plus drôles que tous les classements et les efforts pour assoir une belle réputation. A première vue, on remarque que les notes Google sont bonnes:

Le palmarès alternatif des écoles de commerce
Create your own infographics (cliquez sur Google My Business ou Palmarès L'Étudiant 2017 pour organiser les colonnes

Mais l’Essec, par exemple, malgré de nombreux éloges voit apparaître en première position des commentaires peu amènes:

«Bien dommage que cette formidable école soit dans une ville si pourrie !»

Dieu merci, un usager anglophone prend la peine de souligner quelques faits centraux dans la vie étudiante: «it has a really a coo bar. The library is cool too» (en substance: le bar y est cool, et la bibliothèque aussi).

D'autres commentaires sont beaucoup plus sérieux. Ainsi, une certaine Laura S. déclarait-elle il y a trois ans:

«L’IESEG est une école qui prépare bien à la diversité des métier et des parcours, je continue mon parcours atypique actuellement avec l’OTAN et je le dois à richesse de son enseignement. Les routes qui mènent à l’IESEG sont nombreuses, et il est fort possible que certains diplômés soient intervenants sur les cours intensifs. Le monde bouge, l’IESEG avance!»

Quant à HEC, l'indéboulonnable tête de classement des grandes écoles de commerce, elle est sévèrement rétrogradée en bas de tableau dans le classement alternatif des internautes.

Le classement Google des écoles d'ingénieur

Du côté des écoles d’ingénieur, les notes sont également satisafaisantes. Mais les évaluations alternatives des internautes donnent une épaisseur supplémentaire à ces classements. Pour ces prestigieux établissements, Google agit parfois comme un défouloir, un endroit où on pourrait dire ce qu’on a sur le cœur. À propos de Polytechnique, on peut lire:

«L'école de mon Grand-père, qui l'a emmené très loin de son environnement d'enfance très compliqué avec un père cheminot.
L'élite de France.»

Un commentateur, qui signe sous le pseudonyme de Tony Parker, se fait plus tranchant:

«Ecole remplie de gosses de riches qui ont tous un boulard énorme parce qu'ils croient être arrivés par leur seul mérite. Une grosse part de bizuts, heureusement, il y a harcore roufré la roufrète jean girette qui a grandi dans la cuvette...»

Le palmarès alternatif des écoles d'ingénieur (cliquez sur Google My Business ou Palmarès L'Étudiant 2017 pour organiser les colonnes)

Citons encore cet utilisateur qui, il y a deux ans, exprimait une opinion qu’on pouvait lire sous la plume de l’essayiste anglo-saxon Peter Gumbel dans un livre sur l’élitisme français:

«Meilleure machine à sélectionner des esprits scientifiques... pour les transformer en hauts fonctionnaires ronds de cuir ou managers plan-plan dans les grosses sociétés du CAC 40. Dommage, l'ambition était belle, les moyens à la hauteur mais victime de son succès et de la propension du français à se reposer sur ses lauriers, l'école forme rarement de vrais ingénieurs qui innovent ... que dis-je se contentent de produire!»

Cet article présente nos palmarès des hôpitaux et des écoles selon un service de Google, Google My Business.

A suivre: une déambulation dans les commentaires des lieux évalués par le même service.

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