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Sarkozy cherche-t-il à éviter Poutine?

Temps de lecture : 2 min

L'ancien président russe sera reçu par François Fillon à Paris.

Vladimir Poutine en 2008, REUTERS/RIA Novosti
Vladimir Poutine en 2008, REUTERS/RIA Novosti

Il y a quelques jours encore, les journaux russes annonçaient que lors de sa prochaine visite en France, le Premier ministre russe Vladimir Poutine serait reçu par le président Nicolas Sarkozy en personne. Désistement de ce dernier, un peu comme avec les maires de France. Le premier ministre russe, qui séjournera à Paris jeudi et vendredi 26 et 27 novembre, dans le cadre de la réunion de la commission franco-russe sur la commission bilatérale, devra se contenter de rencontrer son homologue, François Fillon.

Au fond, il n'est en rien choquant, qu'un Premier ministre rencontre un Premier ministre, même s'il a été Président par le passé. On peut toutefois s'interroger sur les raisons de ce changement de programme. L'entourage de Nicolas Sarkozy s'est peut-être hâté d'avancer un emploi du temps surchargé afin d'éviter une rencontre qui aurait pu mettre notre Président mal à l'aise, à moins que l'on n'ait ainsi voulu marquer la désapprobation française face à l'actualité russe.

Réprobation

Il y a une semaine, lundi 16 novembre, un juriste russe, Sergueï Magnitski, est mort en prison, à Moscou. Alors qu'il souffrait d'une maladie grave du système digestif, il a été privé de médicaments par les autorités pénitentiaires, depuis un an qu'il était retenu en détention provisoire en attendant son procès. Il est mort, selon les autorités russes, d'un «arrêt cardiaque», à moins que ce ne soit d'une «ouverture de la paroi abdominale» ou encore d'un «choc toxique».

Sergueï  Magnitski était l'un des avocats du fonds d'investissement Hermitage, créé en 1996, sous Eltsine, par William Browder, un amoureux de la Russie, petit-fils de l'un des fondateurs du Parti communiste américain. Hermitage a été l'un des plus puissants fonds d'investissement sur la place moscovite. Sa direction a pourtant longtemps dénoncé la corruption des entreprises russes, privées ou publiques. Jusqu'à ce que son directeur, William Browder, sans doute devenu par trop agaçant, soit refoulé à l'aéroport de Chermetievo, à Moscou, en 2005, et interdit de territoire russe, sans autre explication. Hermitage retire alors la plupart de ses investissements de Russie et conserve simplement trois entreprises inactives. En 2007, celles-ci sont violemment perquisitionnées par la police, lors d'une opération menée par le lieutenant-colonel Kouznetsov. Disparition des ordinateurs, des documents et surtout, des originaux des titres de propriété des trois sociétés.

Quelque temps plus tard, Hermitage et la banque HSBC, son partenaire, apprennent que les trois sociétés perquisitionnées ne leur appartiennent plus. Un dénommé Viktor Markelov, ancien repris de justice, condamné pour homicide alors sorti de prison, a mis la main dessus. Par une manœuvre douteuse, il réclame au fisc russe le remboursement de sommes que les entreprises auraient versées de façon superflue; le fisc accepte en envoie rapidement 230 millions de dollars.

Magnitski

Colère d'Hermitage et de ses avocats, parmi lesquels Sergueï Magnitski. Celui-ci va jusqu'à porter plainte contre le lieutenant-colonel Kouznetsov. Il l'accuse d'avoir fourni directement à Markelov les titres de propriétés des trois entreprises perquisitionnées et d'avoir ainsi rendu possible cette invraisemblable manigance. Kouznetsov arrête Magnitski en retour, l'accusant de fraude fiscale. Ce dernier meurt en prison, privé de soins - une attitude assimilée à de la torture et interdite par la convention européenne des droits de l'homme, que la Russie s'est engagée à respecter en 1996, lorsqu'elle est devenue membre du Conseil de l'Europe.

En Russie, le traitement réservé en prison à Magnitski a suscité quelques commentaires- peut-être d'avantage qu'à l'ordinaire dans ce genre de situations. Le quotidien Vedomosti, qui n'est pas perçu  comme un média très critique envers le pouvoir, a déploré une «vengeance médiévale»: «Un homme innocent d'un point de vue juridique est mort en prison de la façon la plus primaire», condamne-t-il. «Personne n'y a prêté attention et, de cette façon, Sergueï Magnitski était voué à la mort», accuse le quotidien libéral Novaïa Gazeta, qui a l'habitude de défendre la mémoire des martyres de la lutte anti-corruption. Bien entendu, au sein de la population russe, on entend des voix expliquer que Magnitski est mort «parce qu'il était malade, et qu'il est normal de mourir quand on est malade, en prison ou ailleurs». Mais l'histoire ne passe pas inaperçue.

Macha Fogel

Image de Une: Vladimir Poutine en 2008, REUTERS/RIA Novosti

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