Anyss Arbib, étudiant en quatrième année à Sciences-Po Paris, s'est retrouvé mercredi au cœur d’une guerre. Mais d'«une guerre franco-française.»
Anyss Arbib a posté sur Facebook son témoignage de victime de «violences policières aveugles». C'était le soir du dernier match Egypte-Algérie, et ce soir-là les policiers français n'étaient pas tendres à l’égard des Français issus de l’immigration. Arbib et son ami se sont fait copieusement asperger de gaz lacrymogène par un CRS, abreuvé de: «Dégage, sale Arabe!»
Sur sa page Facebook, il écrit: «Je ne pouvais même pas lui répondre que j’étais au moins autant français que lui, la menace physique et l’impunité étant bien trop grandes. Mon honneur, mes valeurs et mes certitudes sous le coude, je rentrais chez moi blessé… par la nation. Blessé dans une guerre franco-française qui, malheureusement, semble être banalisée».
A Libération, il a expliqué comment il s'était rendu à Paris (il habite Bondy) pour faire la fête, et comment, arrivé dans la capitale avec un ami, il voit que les mouvements de foule commencent à dégénérer, qu'il y a des casseurs, et décide de rentrer. Il raconte comment il s'arrête Porte Maillot, en voiture, pour attendre d'autres amis, il raconte toutes les autres voitures de types qui attendent comme lui, les cars de CRS qui arrivent de plus en plus nombreux et le déchaînement de violence policière auquel il assiste.
Peu après, la voiture dans laquelle se trouve le frère de mon ami arrive. On décide de partir. A ce moment-là, on voit un CRS fracasser le nez d’un jeune d’un coup de matraque net et précis. On regarde, atterrés. Un CRS s’approche de notre voiture, tape du poing sur la tôle et lance: "Qu’est-ce que tu regardes ? Dégage, dégage !" Je commence à trouver cela révoltant. J’ai l’impression que nous ne sommes plus dans un Etat de droit. (...) Au policier qui me demandait ce que je regardais, je lui réponds : "Je regarde devant moi, je connais mes droits, je suis étudiant à Sciences-Po." Réponse: "J’emmerde Sciences-Po!" Je lui fais observer que je suis poli avec lui et qu’il n’a pas à utiliser un tel langage. Il coupe court: "Ferme ta gueule." Son collègue me pulvérise sur le visage un gel lacrymogène. C’est la première fois que cela m’arrive. C’est une agression gratuite. Un geste injustifiable. Je n’arrive plus à respirer. Je sors de la voiture, je m’allonge par terre. J’ai la sensation d’agoniser en étouffant. Mon ami est dans le même état. Quand je reprends mes esprits, j’essaie d’avoir des explications. On me dit : "Dégage, sale Arabe!" Après coup, mes copains m’ont dit : "Sciences-Po ou pas, tu restes un Arabe!"
Arrêts sur image souligne que ce qui frappe, dans le témoignage d'Anyss Arbib, «c'est finalement la rareté de ce genre de témoignage. Des contrôles au faciès, dans les quartiers dits «difficiles», nous avons de nombreux témoignages. Mais d'un indiscutable flagrant délit de racisme, par un policier en service, les témoignages sont rares.»
Arrêts sur image explique aussi que le jeune homme montrait de nombreux signes d'intégration, que c'est sans doute cela qui l'a aidé à faire émerger son témoignage, et que cette intégration-là, ce sont quelques signes positifs dans cette sombre histoire.
[Lire l'article complet sur le site de Libération (accès payant) ou sur le blog de Richard Descoings]
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