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C'est quoi la mobilité durable?

Temps de lecture : 4 min

Le grand emprunt entend mettre l'accent sur une nouvelle mobilité dite «durable», gadget ou vrai progrès?

La mobilité durable fait son entrée en scène. En identifiant la «mobilité du futur» (3 milliards d'euros) et «la ville de demain» (4,5 milliards) parmi les axes prioritaires du grand emprunt, les deux anciens Premiers ministres Michel Rocard et Alain Juppé braquent le projecteur sur un concept qui, il n'y a pas si longtemps, faisait sourire les acteurs de transport. Mobilité durable?

Un hochet pour communication politique

En 2006, lorsque Jacques Barrot, commissaire européen en charge alors des transports, mettait l'accent sur la priorité à donner aux nouvelles technologies pour promouvoir des transports intelligents, plus efficaces et moins polluants, on l'écoutait par politesse. Les opérateurs avaient bien d'autres priorités, se préoccupant surtout de répondre à une demande en progression. L'approche, en matière de transports de voyageurs comme de marchandises, était plus quantitative que qualitative. Augmentation des trajets domicile-travail privilégiant les transports individuels à cause de l'inadéquation des transports publics, multiplication des flux de marchandises sous l'effet des délocalisations et des stratégies industrielles «zéro stock» avec approvisionnements en continu... Le découplage entre la croissance économique et les effets environnementaux des transports apparaissait comme un hochet pour homme politique en mal de communication. Ne pas transporter moins, mais transporter mieux; la formule semblait purement incantatoire.

Développement durable versus transport

Toutefois, des indicateurs qui avaient déjà viré au rouge commençaient à clignoter sérieusement. Par exemple, le coût des embouteillages routiers et de la congestion urbaine: estimé déjà à 1% du PIB de l'Union européenne, comment allait-il progresser avec une progression du trafic routier qui pourrait atteindre 50% en 2020 par rapport au début du siècle? Qu'en serait-il des émissions de CO2, alors que les transports sont à l'origine de 35% du total des émissions, qu'ils en produisent de plus en plus (à l'inverse de l'industrie qui a réduit ses émissions) et que la route en est responsable à 80% (deux fois plus pour les voitures que pour les camions)? Et alors que le concept de développement durable (qui lui-aussi faisait sourire en l'an 2000) devenait, dans les propos au moins, l'alpha et l'oméga de toute la politique, comment devait-il être décliné dans sa dimension transport? La mobilité durable émergeait, et le Grenelle de l'Environnement fixait des objectifs: «Réduire, dans le domaine des transports, les émissions de dioxyde de carbone de 20 % d'ici à 2020, afin de les ramener à cette date au niveau qu'elles avaient atteint en 1990».

Un engagement réitéré

Il n'était plus temps de sourire, d'autant que la règle des «trois 20» (20% d'économies d'énergie en plus, 20% d'émissions de gaz à effet de serre en moins et 20% d'énergies renouvelables en plus à l'horizon 2020) était réaffirmée dans la loi programme adoptée en France par le Parlement à l'automne 2008. L'engagement n'était pas que national: à la fin de l'année dernière, cette règle a servi également de socle au paquet énergie-climat adopté par l'Europe, et à la conférence des Nations Unies de Poznan (en Pologne) sur la lutte contre le réchauffement climatique. Le tout devant servir de toile de fond à la conférence de Copenhague qui, en décembre, aura pour mission de donner une suite au protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre.

Des applications pour le haut débit numérique

Plus question de prendre la mobilité durable à la légère. Les orientations du grand emprunt sur la mobilité du futur et la ville de demain enfoncent le clou. On va penser au co-voiturage, ou à l'auto-partage. Mais il ne suffit pas de s'installer à plusieurs dans une voiture: encore faut-il mettre en place de services autour de ces concepts pour organiser l'offre et la demande, et donc des réseaux de communication et d'information pour pérenniser ces modes de déplacement. Ce qui introduit la mobilité durable dans les enjeux de la diffusion des nouvelles technologies et du haut débit.

De la même façon, les débats actuels sur les véhicules électriques (qui, pendant vingt ans, ont joué l'arlésienne) et sur l'alimentation électrique des batteries entrent au premier chef dans la réflexion sur la mobilité durable, tout comme les logiciels de circulation pour indiquer les itinéraires les moins embouteillés afin de fluidifier la circulation. On retrouve, là encore, les hautes technologies.

Autres logiciels, ceux qui indiquent aux utilisateurs de transports publics, par le biais de leur téléphone mobile, la meilleure façon de se déplacer, en indiquant les heures de passages des trains ou des bus, et le temps total du trajet... pour rendre les transports en commun plus attractifs.

Les satellites aussi

Les technologies permettant aux transporteurs routiers d'accéder à des offres de fret électroniques pour réduire les trajets à vide et améliorer la productivité des transports, font partie des enjeux de la mobilité durable, tout comme la géolocalisation des véhicules qui permet aux entreprises de rester en contact avec les conducteurs des camions. La technologie existe, il faut ensuite inventer les services. Le tout s'inscrivant dans une approche multimodale, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, afin de privilégier les modes les moins polluants sans nuire à l'efficacité ; ce qui implique là-aussi d'améliorer la qualité les interfaces dans le domaine des technologies pour assurer un meilleur accès aux informations.

Des pôles de compétitivité comme Advancity à Evry en région parisienne, Mov'eo à Rouen, MTA à Poitiers, travaillent sur ces sujets, mais aussi d'autres comme Aerospace Valley en Aquitaine et Midi-Pyrénées car les liaisons satellitaires - et donc le projet Galileo - sont une composante de la mobilité durable.

Avec les projets déjà annoncés pour la construction d'infrastructures (7 milliards d'euros) qui donnent la priorité aux modes de transports les moins polluants, et la taxe carbone pour changer les comportements dans les modes de déplacement, la mobilité durable devient un élément structurant des choix politiques. Pour ses implications sur l'environnement, mais aussi le potentiel d'activités économiques qui peuvent être déployées dans cette perspective.

Gilles Bridier

Lire également: La voiture électrique n'est pas la solution miracle, Sept lieux communs sur les énergies alternatives et Le fret ferroviaire ne va pas dans le sens du Grenelle.

Image de Une: Trains de marchandise à Hambourg REUTERS/Christian Charisius

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