Économie

Etats-Unis: l'emploi va vite repartir

Temps de lecture : 4 min

Pour faire face à la reprise de la demande, les entreprises américaines n'auront bientôt plus d'autre choix que d'embaucher.

File d'attente dans un centre pour l'emploi,  REUTERS/Jonathan Ernst
File d'attente dans un centre pour l'emploi, REUTERS/Jonathan Ernst

A la manière d'un écrivain gothique très productif, le Bureau des statistiques du travail américain livre chaque premier vendredi du mois un nouveau chapitre noir du même conte. En octobre, le taux de chômage a atteint 10,2% - un record depuis avril 1983. Depuis décembre 2007, en tout 7,3 millions d'emplois ont été détruits. Le ratio entre les chômeurs et les créations d'emploi est de 6,1 pour 1; en décembre 2007, il était de 1,7 pour 1.

Mais si l'on se fie à certaines données récentes et à ce que l'on sait du comportement des entreprises lors des différentes phases du cycle économique, tout porte à croire que des emplois vont être créés sous peu.

Avant que la situation ne s'améliore, elle doit d'abord empirer. C'est ce qui est en train de se passer. Après la crise du crédit, les entreprises se sont préparées pour Armageddon en taillant massivement dans leur masse salariale. Entre novembre 2008 et avril 2009, les employeurs se sont ainsi débarrassés de 645 000 salariés par mois. Mais en octobre, le Bureau des statistiques du travail a indiqué que l'économie américaine n’avait perdu que 190 000 emplois, et a revu à la baisse ses chiffres d'août et de septembre. Le nombre de premières inscriptions au chômage diminue au plus bas depuis septembre 2008.

D'autres chiffres nous donnent des raisons d'espérer. Au troisième trimestre, la productivité – le fait, pour les entreprises, de produire plus avec le même personnel – a augmenté de 9,5% en rythme annuel. Nous avons tout simplement assisté ces deux derniers trimestres au plus grand bond de productivité depuis la première année de l'administration Kennedy. Les économistes interprètent ces signes comme les prêtres romains lisaient dans les entrailles des poulets. Voici l'une de leurs explications. Tout comme les investisseurs et les hommes d'affaires ne croyaient pas, quand le contexte économique était favorable, que les choses pouvaient mal tourner, ils ont maintenant du mal à imaginer que la situation puisse s'améliorer alors que l’on se trouve au bord du gouffre. C'est pourquoi ils répondent à la demande non pas en employant, mais en incitant leurs salariés à travailler plus.

Mais il y a des limites à l'accroissement de la productivité. «Si vous observez l'économie sur plusieurs siècles, vous voyez que la productivité ne peut pas augmenter de 7 à 9% pendant plus de 2 ou 3 trimestres», explique Lakshman Achuthan, directeur général de l'Economic Cycle Research Institute de New-York, dont les principaux indicateurs de l'emploi sont à la hausse. «Au bout d'un moment, les gens ne peuvent plus en faire davantage. Si au quatrième trimestre, l'économie croît comme prévu au même rythme annuel qu'au troisième trimestre (3,5%), les entreprises n'auront pas d'autres choix que d'embaucher» ajoute Michael Darda, économiste en chef chez MKM Partners. «Il se pourrait que l'on assiste à une croissance de l'emploi d'ici la fin de l'année.»

En octobre, même lorsque les entreprises licenciaient, les usines de John Deere et Caterpillar ont rappelé des salariés remerciés, et City Center, le gigantesque complexe de casino, d'hôtels et d'appartements de LasVegas, a commencé à embaucher 12 000 personnes en vue de son ouverture de décembre. Selon le cabinet Challenger, Gray & Christmas, les entreprises avaient annoncé qu'elles comptaient recruter en octobre 57 520 salariés – un record depuis juillet 2007, et presque 8 fois le chiffre d'octobre 2008.

Du côté des grandes entreprises, les licenciements et les restructurations se poursuivent: Time Inc., Johnson & Johnson et Microsoft ont annoncé des suppressions d'emplois ces dernières semaines. Ce n'est donc pas dans le Fortune 500 (les 500 premières entreprises américaines) qu'il faut s'attendre à des créations d'emplois. Selon une nouvelle étude de la Fondation Kauffman, ce sont les entreprises de moins de 5 ans qui sont à l'origine de près des deux tiers des créations nettes d'emplois en 2007.

La croissance viendra peut-être de ces deux gars qui sous-louent un bureau à Palo Alto et qui sont peut-être en train de créer le prochain Google, ou encore de ce tout petit resto mexicain qui pourrait être le prochain Chipotle.

C'est ce que Leo et Oliver Kremer espèrent. Ces deux frères d'une vingtaine d'années ont quitté l'an dernier l'université de Berkeley pour s'installer à New York. Victimes d'un marché du travail peu favorable, ils ont décidé de créer leurs propres emplois en ouvrant une petite cantine mexicaine près de Union Square, à Manhattan, le Dos Toros Tacqueria. «C'était vraiment le moment idéal pour monter une boîte», raconte Leo Kremer. «Vous pouviez négocier de bons loyers et trouver de très bons endroits.» Après quelques annonces passées sur le site Craigslist et près de 200 CV épluchés, ils ont embauché 8 salariés à plein temps et 7 à temps partiel. Avec ses accessoires biodégradables, ses chaises en bois récupéré et son poulet élevé localement, le Dos Toros, qui a ouvert la veille d’Halloween, exploite le filon du développement durable.

Si la reprise de l'économie qui pointe actuellement le bout de son nez s'avère durable, et si l'on surmonte cette crise de l'emploi, ce sera grâce à des types comme ça.

Daniel Gross

Lire également: L'économie repart sans force.

Image de une: File d'attente dans un centre pour l'emploi, REUTERS/Jonathan Ernst

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