Monde / Culture

Le discours anti-Trump de Meryl Streep électrise des Golden Globes peu politiques

Temps de lecture : 4 min

Les présentateurs et les récompensés n'ont pas vraiment attaqué Donald Trump, mais les rares mentions du président-élu risquent d'être tout ce dont on retiendra de la cérémonie dans quelques années.

Meryl Streep avec le Cecil B. DeMille Award, le 9 janvier 2017; après les Golden Globes. KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
Meryl Streep avec le Cecil B. DeMille Award, le 9 janvier 2017; après les Golden Globes. KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Au-delà des récompenses, du triomphe de La La Land, de la reconnaissance de Donald Glover, de la victoire d'Isabelle Hupert et de Elle, ce que l'on risque de retenir de ces Golden Globes 2017, c'est le discours de Meryl Streep.

L'actrice américaine a reçu le Cecil B. DeMille Award, une récompense attribuée pour «sa contribution exceptionnelle au monde du divertissement». Elle en a profité pour prononcer un discours d'un peu plus de cinq minutes, dans lequel elle s'est attaquée frontalement à Donald Trump, le président-élu qui doit être investi officiellement la semaine prochaine, le 20 janvier, à Washington DC.

Faisant référence à l'association de la presse étrangère qui organise chaque année l'événement, elle explique faire désormais partie avec eux, et toutes les personnes présentes dans le public, des «parties les plus dénigrées de la société américaine, actuellement. Hollywood, les étrangers et la presse», déclenchant quelques rires au passage.

«Hollywood est rempli d'étrangers»

Elle a ensuite rappelé que de nombreux acteurs et artistes récompensés venaient de milieux divers, avant de se retrouver à Hollywood, aujourd'hui. Elle, du New Jersey, Viola Davis de Caroline du sud, Sarah Paulson née en Floride avant de grandir à Brooklyn avec une mère célibataire, Sarah Jessica Parker de l'Ohio, Ryan Gosling du Canada, «comme toutes les personnes gentilles», Ruth Negga est née en Éthiopie, avant de grandir en Irlande, Dev Patel, né en Inde, avant de grandir à Londres, Amy Adams en Italie, ou encore Natalie Portman à Jérusalem. «Où sont leurs certificats de naissance?», s'est-elle amusée à demander, à propos des deux dernières, en référence à la théorie du complot sur le lieu de naissance de Barack Obama, longtemps alimenté par Donald Trump.

«Hollywood est rempli d'étrangers. Et si on les expulse tous, vous ne pourrez plus regarder que du football américain et du MMA, les Mixed Martial Arts, qui ne sont pas des arts.»

Le tout avant d'évoquer l'interprétation qui l'a touchée plus que n'importe quelle autre cette année: celle de Donald Trump.

«Il n'y avait rien de bon dedans. Mais ça a été efficace et ça a fait le travail. Elle a fait rire le public qu'elle visait, et leur a fait montrer les dents. C'était à ce moment quand la personne demandant à s'asseoir dans le fauteuil le plus respecté de notre pays a imité un journaliste handicapé: quelqu'un qu'il dépassait en termes de pouvoir, privilèges, et la capacité de répondre.»

Cette histoire fait référence à la façon dont Donald Trump s'était moqué d'un journaliste du New York Times souffrant d'arthrogrypose, lors d'un meeting, pendant la primaire républicaine, en novembre 2015.

«Ça m'a brisé le cœur quand j'ai vu ça, a continué Meryl Streep. Et je n'arrive pas à l'oublier, parce que ce n'était pas dans un film. C'était la vraie vie. Et cet instinct qui pousse à humilier qui est mis en avant par quelqu'un de puissant, s'infiltre dans la vie de tout le monde, parce que cela autorise d'autres personnes à en faire de même. Le manque de respect appelle le manque de respect. La violence incite la violence.»

Des mots pas vraiment appréciés par Donald Trump, qui a réagi via son compte Twitter:

Meryl Streep, une des actrices les plus surcotées d'Hollywood, ne me connaît pas, mais s'en est pris à moi, hier soir, aux Golden Globes. C'est une...

laquais d'Hillary qui a perdu gros. Pour la centième fois, je me suis jamais «moqué» d'un journaliste handicapé (je ne ferais jamais ça), mais je l'ai simplement représenté...

«soumis», quand il a complètement changé une histoire vieille de seize qu'il avait écrit pour que j'ai le mauvais rôle. Un peu plus de médias malhonnêtes!

Streep a ensuite appelé les médias à dénoncer quand ils le doivent les sorties du futur président, et appelé à prendre la défense des journalistes pour défendre la vérité.

«C'est pourquoi nos fondateurs ont inscrit la liberté de la presse dans notre Constitution.»

Soirée calme

Ce discours arrivait après une soirée assez calme sur le plan politique. Slate.com souligne ainsi que Jimmy Fallon –pas vraiment connu pour être l'un des plus fervents opposants à Trump–, qui présentait la cérémonie, avait lancé quelques piques au futur président dans son monologue d'ouverture.

«Il a appelé les Goldens Globes, “l'un des rares endroits où les États-Unis continuent d'honorer le résultat du vote populaire”», en référence au résultat de l'élection, qui laisse Hillary Clinton avec près de trois millions de voix d'avance sur le plan national, mais l'élection américaine se jouant dans les États, Trump a fini avec bien plus de délégués.

«Il a plaisanté sur le fait que dans douze jours, nous allions découvrir comment ce serait si le roi Joffrey de Game of Thrones avait vécu, et plaisanté que même Florence Foster Jenkins, l'horrible chanteuse d'opéra, récemment interprété par Meryl Streep n'accepterait pas de chanter lors de l'inauguration. Et il a fait une blague sur le fait que le cabinet d'expertise comptable des Golden Globes, était Ernst & Young & Poutine.»

Il a fallu ensuite attendre Hugh Laurie, qui a noté que ce pourrait bien être les derniers Golden Globes, puisque «il y a les mots Hollywood Foreign Press [presse étrangère d'Hollywood] dans le titre».

Et si cela semble bien peu pour certains, Willa Paskin souligne sur Slate.com qu'au fond, peu importe. Selon elle, personne (ou presque) ne se souviendra des vainqueurs. Oui, on se souviendra des meilleurs films, séries et interprétations, mais sans que les Golden Globes n'y soient attachés. Et la seule chose dont la plupart des gens se souviendront de cette cérémonie, «ce sera le discours de Meryl Streep et peut-être de tous ceux qu'il a inspiré par la suite».

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