Les Français veulent comprendre l'économie. Ils désirent décoder l'actualité, appréhender les enjeux, gérer leur épargne, comprendre leurs banquiers. Le sondage exclusif BVA pour le CODICE (Conseil pour la Diffusion de la Culture Economique) fait apparaître que «deux français sur 3 ont soif d'économie». 65% des sondés se disent «mal» informés des changements qui se produisent dans la vie économique en France et pourtant 74% d'entre eux pensent que l'économie est plus importante que la politique..
Etonnamment, la télévision reste le premier média d'information économique des français (pour 76% des sondés). On retrouve ensuite, plus en retrait, la presse écrite à 44%, la radio 37% et Internet 28%. La plupart des sondés souhaite une information simplifiée, plus claire pour des débouchés pratiques et une grande majorité d'entre eux réclament des émissions de décryptage aux heures de grande écoute (79%).
A regarder la qualité de l'information économique sur les grandes chaînes de télévision, on s'aperçoit que ce qui est proposé frôle pourtant le niveau zéro de l'information. Les programmes ne parlent pas d'économie, ils expliquent comment faire des économies ou comment éviter les arnaques, c'est du conso mag, rien de plus. Mais, pour les spécialistes de l'audiovisuel: la télévision ne peut pas proposer autre chose, l'économie n'est pas visuelle, elle ne rend pas sur écran.
Certes. Mais, a contrario, les sujets qui sont traités aujourd'hui peuvent être nuisibles à la compréhension de l'environnement économique et néfastes à la croissance. Prenons le dernier sujet «économique» traité à la télévision. Il parlait de l'envol du surendettement des ménages. La source de cette actualité, le quotidien, le Parisien, qui constitue la référence des journalistes télé en matière d'informations économiques. Nous voilà donc embarqués au journal du 20 heures dans un reportage exposant la spirale infernale de certains ménages croulant sous les dettes. L'éclairage se porte sur des familles monoparentales, sans emploi, mais aussi sur des ménages de classe moyenne incapables d'honorer leurs crédits...
C'est une réalité, la Banque de France a reçu depuis le début de l'année plus 150 000 dossiers de surendettement. Et c'est une réalité dramatique pour les familles touchées. Pour autant, ne pas mettre ce sujet en perspective n'informe pas sur la situation réelle de l'endettement en France. Ce topo rapide fait peut-être de l'audience, en partant de l'invariable postulat que les téléspectateurs aiment se nourrir de la misère des autres. Mais il n'exprime pas la réalité économique. Le surendettement touche 0,6% des foyers français. Alors oui, c'est un sujet grave, qu'il ne faut pas négliger mais ce n'est pas un phénomène de société qui fait trembler notre économie.
Nous sommes bien loin des ménages américains qui ont pris l'habitude de vivre à crédit. Bien au contraire, nous sommes les champions de l'épargne. Notre taux d'épargne avec plus de 15% de notre revenu global, est un des plus élevés au monde, derrière le Japon. Et c'est justement parce que nous épargnons qu'il est possible à l'Etat français de s'endetter sans craindre la banqueroute. Nous finançons la dette publique avec l'argent que nous thésaurisons. Telle est notre réalité économique. D'ailleurs, le sondage l'exprime très bien, les français souhaitent disposer d'une meilleure information économique pour mieux gérer leur épargne, pas pour financer leur endettement.
Ainsi, traiter de l'envol du surendettement en France, au plus fort de l'audience, peut avoir des conséquences désastreuses dans l'inconscient collectif. Il attise les craintes en laissant penser que des familles entières françaises sombrent dans la ruine. En réaction, les téléspectateurs, qui n'ont pourtant, en grande majorité, pas le moindre problème de surendettement, seront tentés d'épargner davantage. En économie, c'est la confiance qui oriente les indicateurs à la hausse. Mais, en France, on préfère raconter des «histoires» à la télévision... Les français ne sont donc pas prêts de pouvoir satisfaire leur soif de connaissance économique sur le petit écran.
Oriane Claire
Image de Une: Le siège de TF1 Charles Platiau / Reuters