Chaque année, au moment des fêtes, les Allemands se posent cette question rituelle: est-ce qu'il neigera à Noël? Car, même s'il fait en général plus froid en Allemagne qu'en France, fêter Noël sous un toit enneigé et avec des stalactites aux fenêtres est loin d'être une garantie. Outre-Rhin, un «Noël blanc» («Weiße Weihnachten»), selon l'expression consacrée, est un critère presque aussi important que le menu qui sera servi à table pour déterminer le degré de perfection d'un réveillon de Noël.
Au point qu'avant chaque Noël, les médias s'emparent de cette question le plus sérieusement du monde. Le site de prévisions météo Wetter.de a même mis en ligne ce 23 décembre 2016 une carte d'Allemagne des «probabilités d'un Noël blanc» très décevante, selon laquelle la plupart des villes allemandes ont actuellement 0% de chances de fêter Noël sous la neige et les plus chanceux pourraient être les habitants de Hof, une ville du nord-est de la Bavière, qui a actuellement 40% de chances. À côté, Munich n'a elle cette année que 10% de chances de voir ses rues recouvertes d'un épaisse couche de neige. Et ce, alors que Der Spiegel expliquait en 2013 dans un article qui analysait les données statistiques du Service météorologique allemand, que Munich est la ville allemande qui a le plus de chances d'être enneigée fin décembre:
«La capitale bavaroise est couverte d'un manteau de neige du 24 au 26 décembre deux années sur cinq. Dresde ne célèbre un Noël blanc que tous les cinq à six ans, Hambourg et Francfort-sur-le-Main tous les neuf ans.»
Et le dernier Noël que les Berlinois ont passé sous la neige remonte à 2010... Pourtant, chaque année, les Allemands l'espèrent et les spéculations vont bon train. Et à la fin, tout le monde est déçu.
«Comme une page blanche dans un cahier neuf»
«Pourquoi rêvons-nous d'un Noël blanc?», se demande sans doute pour la énième fois Der Spiegel, qui est allé poser cette année la question à des universitaires. Pour le chercheur en histoire culturelle Thomas Macho, la réponse est à chercher dans la blancheur immaculée de la neige:
«C'est comme une page blanche dans un cahier neuf, sur laquelle personne n'a encore rien écrit. On écrit dessus avec grand soin. Cela s'accorde avec Noël, en tant que fête de fin d'année, qui annonce un nouveau commencement.»
Des recherches menées par la climatologue suisse Martine Rebetez ont montré que les cartes postales de Noël ont commencé à présenter des paysages enneigées à partir des années 1860. Jusqu'alors, le Père Noël était représenté en train d'enfourcher des cheminées sur des toits aux briques impeccables.
Le chercheur Thomas Macho estime que cette obsession pour la neige pourrait donc tirer son origine du romantisme allemand, «qui a un rapport bien plus intense à l'hiver que les autres époques».
Données météorologiques à l'appui, le psychiatre Arno Deister estime lui que les grands-parents qui racontent à leurs petits-enfants que quand ils avaient leur âge, il neigeait alors bien plus souvent à Noël, ont tendance «à projeter leurs émotions sur leur enfance» et à mélanger leurs souvenirs:
«Faire de la luge en février est associé à Noël, parce qu'on a reçu un traîneau à ce moment-là, les deux constituent de bons souvenirs.»
Selon lui, les Allemands sont donc nombreux à se souvenir de «Noël blancs» qui en réalité étaient gris et pluvieux.