1.Le caviar
Les fêtes de fin d’année sont une période bénie (ventes +40 à 60%) pour les caviars issus des esturgeons d’élevage, puisque le caviar sauvage de la Caspienne essentiellement est prohibé en Iran et en Russie. La mer nourricière ne l’est plus, hélas.
En revanche, les caviars d’élevage sont produits dans un nombre sans cesse croissant de pays, il y a des bassins aquacoles dans tous les continents, et des qualités variables selon les sites de production: la Chine en plein boom, la Bulgarie pour la qualité, l’Italie près de Venise, la France (dans le Sud-Ouest, région d’origine, en Sologne depuis peu), sur les rives du Danube, du fleuve Amour, en Amérique du Nord, au Canada et au Moyen-Orient.
Des centaines de fermes d’esturgeons plus ou moins contrôlées par des importateurs de tous pays livrent 300 tonnes de caviar par an: il faut dix ans pour qu’un esturgeon femelle donne des poches d’œufs noirs ou gris, divine matière première à peaufiner qui fait saliver n’importe quel gourmet –comme les truffes noires ou blanches.
Qui disait que le caviar bien travaillé était le plus fascinant produit alimentaire au monde? Joël Robuchon peut-être qui propose dans l’Atelier du Drugstore des spaghettis al dente au caviar osciètre de la Maison Nordique (80 euros).
On compte vingt-sept espèces de caviars dont cinq se retrouvent dans les principaux élevages du globe: le Baïka ou Baeri, un esturgeon sibérien, l’Alverta ou Transmontanus, l’Ossetra ou esturgeon russe, le Daurenki ou l’esturgeon du fleuve Amour et le Beluga, l’Huso Huso ou l’esturgeon géant de grande réputation –et le plus cher.
«Le caviar n’est pas un produit générique. Non seulement les espèces sont différentes, tout comme les origines, les principes de travail, la surveillance scientifique des esturgeons, les soins apportés à l’élevage car il faut bien connaître les secrets, les méthodes, les points forts des fermes d’esturgeons, une centaine répartie sur tous les continents. Où sont les meilleures, les plus fiables dans le temps?», indique Armen Petrossian, l’oracle de la profession, le maître à préparer les boîtes bleues de 1,8 kilo.

Caviars Petrossian
À Paris, le quinqua Armen Petrossian vend lui-même, aux côtés de Cécile son épouse, les précieux grains (on peut les goûter) pour les fêtes de fin d’année: c’est directement du compositeur des boîtes bleues au consommateur, la garantie est là signée Petrossian –des boutiques aux États-Unis et ailleurs.
Les caviars sont préparés à la main dans les ateliers Petrossian de la périphérie de Paris: les poches de grains noirs ou gris sont transformés, préparés et salés selon des techniques originales, il y a toute une chaîne de qualité et de savoir-faire pour obtenir les fameuses boîtes bleues, à partir de 50 grammes jusqu’à 10 kilos.
Armen Petrossian, devenu l’Hermès du caviar grâce à sa science des œufs de poissons, est un perfectionniste rigoureux. Les fermes en contact avec lui et ses caviarologues ont un cahier des charges à respecter, les caviars bruts sont analysés, dégustés, critiqués, il s’agit de respecter les goûts vrais, les saveurs d’iode, de noisette, de fruits secs –et une sorte de beauté visible à l’œil nu.
Il y a des caviars dont la robe varie de l’ambre clair au miel ou à l’or: ce sont des grains prodigieux, un miracle de suavité et d’intensité.
Le maestro Petrossian sait tout cela, c’est un négociateur imperturbable quand il juge, inspecte, goûte les boîtes expédiées des fermes spécialisées en affaire avec lui –il n’est pas rare qu’il renvoie les poches de caviar pour manque de profondeur en bouche et, pire, de goût moyen. Au prix où il est vendu –jusqu’à 5.000 euros le kilo, il n’y a pas à tergiverser. Il faut la top qualité, c’est évident.
«Il y a des requins cyniques dans le petit monde des revendeurs de caviar. Par exemple, on emploie le mot caviar comme si c’était un terme générique, c’est une arnaque. Les variétés d’esturgeons conditionnent le type, la finesse des grains, les saveurs marines et la longueur en bouche. Il faut être séduit et conquis, c’est notre métier», souligne Armen Petrossian, savourant un Ossetra d’une incroyable sensualité, les grains roulent dans le palais.
Oui, les grands caviars de maisons anciennes et reconnues valent leur prix, il n’y a aucun doute sur ce point. Leader mondial au regard perçant, Petrossian peste contre l’offensive récente des caviars de supermarchés vendus 10 euros les 15 grammes, un caviar bas de gamme qui ne vaut pas plus: c’est le prix de l’arnaque et de la médiocrité.
Jamais les acheteurs filous de ces ersatz ne goûtent les caviars qu’ils revendent 600 euros le kilo à des grandes surfaces.
«Tout cela est navrant et néfaste pour l’amateur qui est grugé. Ces pratiques médiocres n’ont rien à voir avec la démocratisation du caviar, un vœu pieu. Le prix élevé des grands caviars se mérite car ils ont la valeur de la rareté et un coût: il faut trouver sur le globe les bonnes fermes de qualité où les œufs sont frais, brillants et goûteux.»
Dégustation de quatre caviars Petrossian
• Caviar Baïka® Tsar Imperial, couleur gris foncé et noir, goût assez doux, fruité, iodé, bonne fraîcheur, idéal au début du repas. 72 euros les 30 grammes.
• Caviar Ossetra® Tsar Imperial, couleur ambre foncé, les grains roulent entre le palais et la langue, saveurs amples, emballant, 88 euros les 30 grammes.
• Caviar Daurenki® Royal, gros grains fermes et lumineux de couleur bronze à doré, brioché, belle tenue en bouche, beau à l’œil. 72 euros les 30 grammes.
• Caviar Beluga Tsar Imperial, issu du plus gros des esturgeons, grains couleur gris perle d’exception, texture fondante, beurrée, douce, délicate, tout en équilibre. 294 euros les 30 grammes pour un chef-d’œuvre incontestable.
144, rue de l’Université 75007 Paris. Tél.: 01 44 11 32 32. Boutique de vente et restaurant à l’étage: œuf de poule au caviar, 28 euros. Menu au déjeuner à 39 euros. Carte de 90 à 120 euros. Fermé dimanche et lundi.

Duo œuf coque, pommes de terre ratte écrasees au caviar Tradition chez Prunier
Prunier
Les caviars de la maison d’Émile Prunier, pionnier des pêches en mer du Nord, sont issus de la Manufacture de Gironde dynamisée par Pierre Bergé, aussi propriétaire du grand restaurant Art Déco de l’avenue Victor Hugo et du Café Prunier place de la Madeleine où l’on présente quatre types de caviars bien différenciés et à des prix étudiés.
• Caviar Tradition, saveurs franches de noix et d’amandes, les grains bien formés occupent la cavité buccale, une vraie volupté pour l’amateur, le préféré du chef de Prunier, Éric Coisel. Idéal avec un Chablis. 72 euros les 30 grammes.
• Le Saint-James, la quintessence de la marque. Un caviar produit depuis 1932, grains ronds, iodés, racés, façon iranien. Superbe en bouche, un rêve. 119 euros les 30 grammes.
• Le Paris, peu salé, subtil et crémeux, singulière complexité aromatique, parfait à l’apéritif avec un champagne blanc de blancs ou rosé. 135 euros les 30 grammes.
• Héritage, gros grains clairs, goût délicat, une symphonie de saveurs pour bons connaisseurs. 288 euros les 30 grammes. Au menu pour le réveillon de la Saint Sylvestre, un beau dîner au caviar et truffe noire à 260 euros, six plats.
Kaviari
Cette maison parisienne doit sa notoriété et son expertise grâce à Jacques Nebot, et à son compère associé Raphaël Bouchez, très bon dégustateur, quarante ans d’expérience dans l’univers clos du caviar de qualité. Ce fondateur secondé par sa fille Karin a acquis ses lettres de noblesse dans le milieu du caviar sauvage d’Iran, puis Kaviari est passé en douceur dans le monde des fermes d’élevage où Jacques Nebot et Raphaël Bouchez se soucient en premier lieu de la pureté de l’eau des bassins, de la qualité des nourritures offertes aux esturgeons et du bien-être animal, une éthique de seigneurs des grains noirs.
Le prince du laboratoire, Bruno Higos, un maître de la dégustation, se charge de préparer et d’affiner les caviars sélectionnés.
À noter que Kaviari s’est forgé une forte notoriété dans le cénacle des chefs très étoilés du Michelin: Alain Ducasse, Arnaud Lallement à Reims et Julien Gatillon, deux étoiles, au restaurant le 1920 au Chalet du Mont d’Arbois à Megève.

Caviar Kristal chez Kaviarii
Dégustation de trois caviars kaviari
• Transmontanus, belle matière iodée, comme du caviar pressé sur le palais. 48 euros les 30 grammes.
• Osciètre gris de Bulgarie, les grains roulent en bouche, c’est long, fin, frais, joli goût d’amande, à peine salé. 75 euros les 30 grammes.
• Kristal, le meilleur de la marque, compact, peu salé, d’une étonnante finesse, on en redemande. 90 euros les 30 grammes.
La maison de la rue de l’Arsenal (75004) va ouvrir au début janvier un parcours culturel sur le caviar avec films, conférences et dégustations pour les passionnés des œufs d’esturgeons.
2.Le saumon
En 2016, le prix des saumons importés de Norvège, d’Écosse, des Îles Féroé a cru de 40 à 60% tandis que la demande explosait: le saumon frais ou fumé reste le poisson préféré des Français. Au Chili, grand pays fournisseur des marchés mondiaux, un accident industriel a ralenti la production très affectée par une invasion d’algues toxiques d’où une rareté dommageable pour les revendeurs.
C’est la Norvège, premier producteur du monde, qui a engrangé un surcroît de profit pour Marine Harvest, le géant leader mondial des salmonidés. En Norvège, il y a le pire saumon et le meilleur, tout dépend des fermes, des soins sanitaires, du suivi, de la fumaison apportés aux salmonidés. Où acheter la matière première en Norvège?
Tout saumon sous plastique est suspect. Le tranchage au moment est une garantie d’excellence.

Saumon fumé le Borvo © Gilles Puech
Saumon Le Borvo
Installée près d’Auxerre, à Chemilly-sur-Yonne, dans des bâtiments modernes, cette maison artisanale, fondée et dirigée par Daniel Raymond, un ancien chef étoilé à Paris, est depuis quarante ans une référence de qualité en matière de fumage du saumon – seulement 300 tonnes, c’est très peu.
Les saumons norvégiens, écossais, irlandais sont fumés et salés à la main au bois de hêtre à une température de 23 à 26 degrés. Après le repos en chambre froide, le saumon est tranché à la main et reconstitué en tranches de deux à huit unités. C’est un régal. Dès le début, Joël Robuchon a été un grand client.
Le Borvo livre ses saumons, 50 euros le kilo tranché main, 47 euros tranché machine. Cœur de filet de 200 grammes à 13,70 euros. Commandes par téléphone au 03 86 47 82 44. Livraison à 13,90 euros. En vente à la Grande Épicerie de Paris.
Saumon fumé Petrossian
Depuis les années 1930, la famille a mis au point des techniques secrètes de fumage à la sciure de bois: après vient le moment de la maturation (24 heures), du tranchage à la main devant le client pour une consommation immédiate. Saumon royal à 159 euros le kilo, mariné à l’aneth à 159 euros, la coupe du tsar, la meilleure partie du poisson à 189 euros, à la caucasienne, herbes et épices à 189 euros.
Saumon fumé Kaviari
Jacques Nebot et Raphaël Bouchez, les deux nez et palais savants de la marque, prospectent les fermes de saumons nordiques sauvages, élevés en pleine mer, d’une qualité indéniable, salés à la main comme il se doit.
Dans la sélection Kaviari, il faut privilégier le saumon irlandais bio, fumé au parfum d’algues et de bois –saveur douce, chair ferme, 135 euros le kilo.
• Le saumon fumé norvégien à la saveur fondante et douce aux notes iodées, 120 euros le kilo.
• Le saumon fumé des Îles Féroé à la texture proche du sashimi, fumage léger au sel marin et à la sciure de chêne, 130 euros le kilo.
• Le saumon sauvage fumé de la mer Baltique, texture onctueuse et peu grasse, à la chair pâle, pour amateurs connaisseurs, 165 euros le kilo.
• Le cœur de saumon élevé en pleine mer, prélevé dans la partie la plus charnue du poisson, il est recherché pour sa chair onctueuse et fondante, 69 euros les 500 grammes.
Manufacture Kaviari, dégustation et vente. 13, rue de l’Arsenal 75004 Paris. Tél.: 01 44 61 88 50.

Assiette gourmande chez Prunier
Saumon Balik de Prunier
Prunier distribue en exclusivité les filets de saumon Balik fumé dans une ferme d’altitude en Suisse à Ebersol, dans le Toggenburg. La recette secrète reproduit la méthode employée par le dernier fournisseur de la famille impériale russe, transmise en 1978 par Israël Kaplan, petit-fils du créateur. C’est le meilleur morceau du poisson, le filet de dos du saumon Balik qui est affiné et fumé selon une technique ancestrale, lenteur et soins précis.
Le saumon Balik en filets est une merveille de finesse, 110 euros les 320 grammes. Pour deux.
Au restaurant Prunier, le Balik est à 44 euros, et l’assiette gourmande de six variétés Balik à 39 ou 70 euros. Pour qui aime le saumon fumé avec art, c’est un grand moment de volupté –inoubliable.
• 16, avenue Victor Hugo 75016 Paris. Tél.: 01 44 17 35 85, et Café Prunier boutique, 15, place de la Madeleine 75018 Paris. Tél.: 01 47 42 98 91.