La période des fêtes de fin d'année arrive à toute allure et avec elle, la fameuse «trêve des confiseurs». Dans les journaux, on la voit partout pour signifier le ralentissement de nombreuses activités économiques durant les fêtes de fin d'année. Mais il faut bien avouer que, prise au premier degré, on a du mal à comprendre sa logique. Pourquoi parler d'une trêve des confiseurs, tandis qu'ils sont justement parmi les professionnels les plus actifs et sollicités durant les fêtes? Pour preuve, le Syndicat national du chocolat (qui recence aussi la consommation de confiseries) déclare qu'en moyenne, les Français consomment 1,5 kilo de chocolat et confiseries rien qu'au moment de Noël. Soit presque 8,5% du chiffre d'affaires annuel pour les chocolatiers-confiseurs.
Pour tout comprendre de cette expression aussi curieuse qu'ancienne, Slate.fr a donc fait appel à l'historien Jean Garrigues, spécialiste d'histoire politique et qui vient tout juste de publier aux éditions Le Faune Présidents. Au cœur du pouvoir. Une histoire politique? Oui, car c'est là que tout a commencé.
Une trêve politique pour relancer la consommation des Français
Il nous raconte cette histoire.
«La formule est vraisemblablement née au mois de décembre 1874. À ce moment, la France, au début de sa Troisième République, est très agitée par le débat qui oppose Monarchistes et Républicains. En cette fin d'année, les parlementaires sont tous fatigués par la tension des négociations qui s'éternisent, et souhaitent donner une occasion aux Français de souffler un peu. Ils s'entendent donc pour faire une pause dans leurs discussions (du moins publiques) et espèrent relancer la consommation des Parisiens pour les fêtes en encourageant aux achats. On a alors parlé de trêve “des” confiseurs, alors que c'était en fait une expression imagée qui se voulait favorable aux ventes des commerçants de sucreries».
À ce moment, la France sort effectivement d'une grande période d'instabilité durant laquelle le bien-être de la population n'a plus vraiment été la priorité. En instaurant ladite trêve des confiseurs, les dirigeants entendent remettre le plaisir des sucreries de fêtes au goût du jour. Jean Garrigues poursuit:
«Finalement, cette première pause politique n'aura que peu d'incidences économiques. Mais elle aura eu le mérite de faire les choux gras de la presse. Les journaux n'ont pas raté l'occasion de reprendre à l'ironie la formule pour se moquer de l'embonpoint des politiques, sujet récurrent de caricature à l'époque.»
Un jargon journalistique en désuétude
Depuis, la trêve des confiseurs est donc une métaphore couramment reprise par les médias pour signifier le ralentissement de la vie politique et de l'activité économique et sportive en fin d'année. «Un peu comme un marronnier journalistique continue notre historien, car pour ce qui est d'une utilisation plus courante dans le langage parlé, l'expression tombe peu à peu en désuétude». Pourquoi? Certainement parce que le métier de confiseur à proprement parler aujourd'hui est moins répandu. On parle davantage de chocolatiers que de confiseurs, et de bonbons ou friandises que de confiseries.
D'ailleurs, quand on demande à certains professionnels de la confiserie-chocolaterie leur avis sur l'expression en question, force est de constater que nous ne faisons pas mouche: ceux que nous avons interrogé n'avaient jamais entendu parler du dicton.