Au début du XXe siècle aux États-Unis, les employés étaient censés acheter des cadeaux de Noël pour leurs patrons afin de rester dans leurs bonnes grâces. À New York, un groupe de femmes, dont de nombreuses vendeuses dans les grands magasins, ont décidé d'entrer en résistance contre cette pratique.
Soutenu par la célèbre actrice Eleanor Belmont et par la fille du banquier JP Morgan, Anne Tracy Morgan, ce groupe de femmes a créé en 1912 la Société pour la prévention des cadeaux inutiles (en anglais, la Society for the Prevention of Useless Giving, dont l'acronyme était SPUG). Au moment de sa fondation, mille femmes ont d'emblée rejoint l'association. L'idée était que ces militantes (appelées Spugs) se grouperaient en équipes de cinq dans les magasins –en portant un badge distinctif– afin de résister ensemble à la nécessité de faire des cadeaux à leurs supérieurs. Certains de ces cadeaux pouvaient en effet coûter l'équivalent de deux semaines de salaire.
Un article de 1912 du New York Times décrivait ainsi l'esprit du groupe:
«Est-ce que vous faites des cadeaux de Noël? Si oui, est-ce par générosité ou seulement dans l'espoir que vous obtiendrez des cadeaux et des faveurs en retour? Si c'est ainsi que vous faites vos cadeaux, et si vous voulez vous rebeller contre cette hypocrisie, alors vous pouvez faire partie du club des SPUGS.»
Combat progressiste
La Société de prévention des cadeaux inutiles était au départ réservée aux femmes, mais l'ouverture aux hommes s'est faite dès décembre 1912, lorsque l'ancien président Theodore Roosevelt a officiellement apporté son soutien au mouvement et promis de porter le badge en public:
«Je pense qu'un groupe peut accomplir ce qu'un individu ne peut pas –en l'occurence le remplacement graduel de la coutume actuelle d'échange de cadeaux par un vrai esprit de générosité de Noël».
Son enthousiasme avait aidé au recrutement: à la fin de 1912, environ deux mille femmes et cinq cent hommes étaient devenus membres. Comme le rappelle un article de Slate.com, les idéaux du club étaient marqués par un certain progressisme. La presse de l'époque avait notamment rapporté que lors d'un meeting, des membres avaient parlé d'organiser une grève anti-mariage de toutes les filles célibataires pour obtenir une journée de travail de huit heures.
Le mouvement est parvenu à se ranimer pour la saison de Noël 1913: lors d'une manifestation de SPUGS à Washington, la fille du président Woodrow Wilson, Margaret, avait rejoint les militantes sur scène pour défendre leur cause. Mais après l'été 1914, avec le début de la Première Guerre mondiale, la Société pour la prévention des cadeaux inutiles a commencé à disparaître. L'actrice Eleanor Belmont s'était déjà désintéressée de la cause, et avec l'arrivée de la guerre, Anne Tracy Morgan a concentré ses efforts sur l'aide humanitaire en Europe. Le mouvement aura duré deux ans à peine mais les SPUGS étaient à la pointe du combat contre la commercialisation de Noël, une lutte qui demeure d'actualité.