Une tribune de Damien Carême, maire PS de Grande-Synthe, Vice-président de la CUD, Conseiller régional.
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Au palmarès français des villes qui perçoivent le plus de taxe professionnelle, Grande-Synthe arrive bien placée. Cette année, ma ville devrait toucher, si l’on additionne les diverses dotations qui nous sont reversées, environ 40 millions d’euros.
Au palmarès français du revenu moyen le plus faible par habitant, Grande-Synthe fait aussi la course en tête avec 5.000 euros par an.
Au palmarès français enfin du taux de logement social le plus élevé, Grande-Synthe est toujours bien placée avec 64%.
Ces trois «palmarès» illustrent bien comment l’industrie lourde a apporté, ces 50 dernières années, à la fois une extrême richesse et une pauvreté extrême au territoire dunkerquois. Dans les années 60, Grande-Synthe n’était qu’un village. L’arrivée de l’industrie lourde, sur ordre de l’Etat, a tout bousculé. Des gens nourris de l’espoir d’une vie meilleure ont quitté leurs pays et leurs régions d’origine pour venir s’installer ici. Ces habitants n’en ont pas été remerciés à la hauteur de ce qu’ils auraient pu attendre. Ils ont pourtant travaillé. Dur et sans se plaindre. Qu’offre aujourd’hui l’industrie à leurs enfants pour la plupart diplômés? De moins en moins d’emplois, de plus en plus précaires. L’intérim est devenu le premier employeur local. Confrontés au chômage, les jeunes descendent à Lille ou à Paris pour rechercher des emplois que le territoire n’a pas été en mesure de créer.
Bien sûr l’industrie lourde a généré une énorme taxe professionnelle, grâce à laquelle Grande-Synthe a pu mettre à la disposition de ses habitants des équipements, des services, des dispositifs d’aide, de formation et d’insertion de qualité. De quoi créer les conditions d’une compétitivité prouvée dont l’industrie a largement profité. A dire vrai, j’aurais préféré que nous ayons moins de taxe professionnelle et des habitants actifs, mieux payés, plus confiants pour l’avenir de leurs enfants.
Aujourd’hui, avec mon équipe municipale, nous sommes les seuls élus de l’agglomération dunkerquoise à vouloir dire stop. Stop à la pollution, stop aux risques industriels, stop à notre image de repoussoir autant efficace sur les entreprises propres que sur les médecins ou les cadres. C’est une réalité que nous vivons ici: les médecins-spécialistes désertent, les cadres de l’industrie préfèrent vivre à Lille car leurs conjoints, souvent des femmes, cadres elles aussi, y trouvent du travail dans le tertiaire.
Je suis le seul maire, aux côtés d’associations écologistes, à m’ériger contre le projet de construction d’un 14éme site Seveso, un terminal méthanier. On me dit que je crache dans la soupe, que j’oublie la manne financière que l’industrie lourde a apportée à ma ville. Non je ne l’oublie pas. Mais dans un contexte de suppression de la taxe professionnelle, je ne vois plus très bien au nom de quoi j’exhorterais la population à se sacrifier encore une fois. Au nom de quoi et pour quels bénéfices.
L’industrie lourde n’est pas l’avenir de l’emploi. Ce constat, tous les économistes s’accordent à le faire. Voilà pourquoi je me prononce pour que, dès à présent, nous commencions à rééquilibrer le développement économique du Dunkerquois. Ne supprimons pas l’industrie, donnons-nous juste une chance de ne pas en mourir dans un contexte où bientôt, le dernier lien unissant les entreprises et leur territoire sera rompu. Qui voudra désormais accueillir l’industrie lourde? Personne. Le président de la République en a décidé ainsi.
Damien Carême
Maire PS de Grande-Synthe, Vice-président de la CUD, Conseiller régional
Image de Une: Un haut-fourneau Heinz-Peter Bader / Reuters