Si Royal était présidente, m'aurait-on demandé mon avis?

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Les chroniqueurs de Slate ont reconstitué le passé pour revisiter le présent.

Nicolas Sarkozy est à mi-mandat. Où en serions-nous aujourd'hui, si le 6 mai 2007, c'était le visage de Ségolène Royal qui s'était affiché sur nos écrans? Où en serions-nous sur le plan «identitaire», économique, social, international... sportif? Aurions-nous plus de néologismes et moins de copiés-collés? Les chroniqueurs de Slate ont reconstitué le passé pour revisiter le présent.

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Au début, c'était une boutade mêlée à une légère dose de provocation. Quand les chefs de Slate.fr ont lancé la série d'articles sur le thème «qu'est-ce qui aurait changé si Ségolène Royal avait été élue», j'ai répondu qu'ils auraient peut-être demandé leur avis à davantage de femmes journalistes. Et à mon grand étonnement, mon charmant rédac-chef m'a répondu «ok, fais-le, écris ton point de vue». En toute honnêteté, je n'étais pas si sûre de mon affirmation. Mais concrètement, si on fait le point sur les contributions, pour le moment, du côté hommes ont répondu: Jean-Laurent Cassely, Kléber Ducé, Pierre Malet et Yannick Cochennec. Côté femmes: Oriane Claire. Un rapport de 1 à 4 donc. En me rajoutant, on double carrément les données certes, mais on n'arrive quand même qu'à 2/4. (Il est à noter qu'en général, les rédacteurs qui travaillent pour Slate sont à une large majorité des hommes, il était donc logique que ce déséquilibre se retrouve dans les contributions sur le sujet.)

Quel est le lien entre la cuisine interne de Slate.fr et l'élection de Ségolène Royal à la présidence de la République?

Il s'agit en fait de se demander si, dans le cas d'une victoire de la candidate socialiste en 2007, la vision et conséquemment la place des femmes dans la société française auraient changé. Et cela parait à peu près incontestable. Pas forcément en mieux d'ailleurs. Vu les aléas d'un quinquennat présidentiel, nul doute qu'une femme aurait également déçu mais au moins les choses auraient évolué dans un sens plus égalitaire. Par exemple, certains auraient peut-être cessé de dire que les femmes allaient sauver la politique — ce qui aurait été un progrès considérable du point de vue de la misogynie positive. Un constat que font également une partie des rédactrices de DoubleX en partant de l'hypothèse d'une victoire d'Hillary Clinton en 2008.

La fonction ou la femme?

Et plus profondément, si Royal avait gagné, on peut se demander dans quel sens se serait effectuée l'évolution des mentalités: si la femme aurait changé la fonction ou si la fonction aurait changé la femme. Est-ce que notre vision de la présidence aurait été modifiée sous l'influence de la présence d'une femme à l'Elysée? Une image de la présidente mère en lieu et place de la vision très paternaliste que l'on a toujours eue de nos dirigeants. Ou est-ce ce n'est pas précisément l'inverse qui se serait produit et qu'une vision plus dure des femmes aurait pris forme? On pense alors à Margaret Thatcher — mais elle n'a pas vraiment fait évoluer la vision des femmes. Elle a davantage été considérée comme une femme dénaturée. Il est évidemment impossible de déterminer ce qui aurait dominé dans le regard que nous aurions porté sur une femme présidente. Mais changement il y aurait forcément eu tant la fonction présidentielle dans notre pays a une charge symbolique forte. La réponse se situe sans doute quelque part mi-chemin entre ces deux extrêmes, chacun aurait teinté l'autre de sa connotation. Les femmes n'auraient plus été ces êtres auréolés d'angélisme, accusés de fragilité. Et l'exercice politique serait peut-être devenu plus unisexe.

Fiction

Mais c'est aussi toute la limite de l'exercice de fiction politique, parce qu'en 2007, une femme n'a pas remporté l'élection présidentielle. Parce qu'en 2007, une femme n'aurait pas pu remporter l'élection présidentielle. Il ne s'agit pas de dire que Ségolène Royal a perdu parce qu'elle était une femme mais simplement qu'aucune femme n'aurait pu remporter cette élection. Néanmoins, ce qu'on ne peut pas retirer à Royal, c'est d'avoir ouvert la voie et osé prétendre à la fonction dite suprême avec la même ambition qu'un homme. Elle a ainsi prouvé que les femmes commençaient à aspirer au pouvoir au même titre que leurs homologues masculins.

Titiou Lecoq

Image de Une : Ségolène Royal, photo Stéphane Mahe/Reuters

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