France / Économie

Retraites des fonctionnaires: la convergence public-privé est déjà une réalité

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Le rapprochement des régimes de retraite fait partie des programmes de certains candidats à l’élection présidentielle, mais il a été engagé dès 2003.

En 2003, François Fillon, alors ministre des Affaires sociales du gouvernement Raffarin,  travaillait déjà au rapprochement des régimes de retraite. DANIEL JANIN / AFP
En 2003, François Fillon, alors ministre des Affaires sociales du gouvernement Raffarin, travaillait déjà au rapprochement des régimes de retraite. DANIEL JANIN / AFP

Si, comme l’a démontré la primaire de la droite, l’objectif pour le prochain locataire de l’Elysée consiste à alléger le poids de la fonction publique dans la gestion de l’Etat, la réduction du nombre de postes de fonctionnaires est l’une des pistes privilégiées.

On l’a vu avec François Fillon, vainqueur de cette primaire: il fixe un objectif de 500.000 postes en moins sur un quinquennat, soit près de 10% des 5,4 millions d’agents publics, fonctionnaires ou titulaires, qui représentent 20% de l’emploi total en France (soit, selon l’OCDE sur la base de statistiques de l’Organisation internationale du travail, une part de l’emploi public dans l’emploi total en France pas plus élevée qu’au Canada et même plus basse qu’en Grande Bretagne, en Belgique, en Pologne et dans les pays scandinaves).

Mais les effectifs ne sont pas la seule cible. Les retraites en sont une autre, et l’objectif consisterait alors à raboter les avantages du système dont bénéficie le secteur public pour le rapprocher du privé.

De ce point de vue, certains fantasmes ont la vie dure. Ils sont alimentés par l’importance de l’enveloppe consacrée aux 5,7 millions de pensionnés du public: sur la base du rapport publié en annexe de la loi de finances pour 2016, le montant a atteint 73 milliards d’euros en 2014 (dont 51 milliards pour les fonctionnaires civils et militaires, 17 milliards pour les agents des fonctions publiques territoriales et hospitalières, le reste revenant notamment aux ouvriers d’Etat et aux agents contractuels). Y aurait-il du grain à moudre pour qui veut traquer les économies? Il est vrai que, s’agissant des seuls fonctionnaires et ouvriers d’Etat, la part des dépenses de pensions est passée de 8% du budget général de l’Etat en 1990 à 13% vingt cinq ans plus tard.

Alignement public/privé

Les retraites du public —non inclus les régimes spéciaux comme à la SNCF ou à la RATP où les agents ne sont pas des fonctionnaires— représentent aujourd’hui près du quart (24%) du total des dépenses des régimes de retraite en France, alors que les fonctionnaires occupent un emploi sur cinq. Ce qui semble induire une possibilité d’ajustement et d’économies dans le cadre d’un alignement du public sur le privé. En réalité, le processus est déjà largement engagé.

Le syndicat Solidaires soutient que, suite aux réformes Balladur (1993), Raffarin (2003), Fillon (2010) et Ayrault (2014), «les règles de calcul entre les systèmes publics et privés ont déjà été considérablement rapprochées». Surtout depuis celle de 2003 s'agissant des fonctionnaires. Et dans son récent rapport d’octobre 2016, la Cour des comptes en convient, notant que «la convergence des règles entre les régimes de la fonction publique et ceux des salariés du secteur privé est aujourd’hui une réalité sur des points essentiels: les âges d’ouverture des droits pour les fonctionnaires sédentaires (portés à 62 ans), la durée d’assurance ou les règles de la décote et de la surcote sont désormais harmonisées».

De même, les cotisations des fonctionnaires sont en cours d’alignement sur celles des salariés du privé, et les pensions dans le secteur public sont maintenant indexées sur les prix à la consommation comme les retraites du privé.

L’ancien Premier ministre François Fillon le sait bien puisque, avant même la réforme de 2010 voulue par Nicolas Sarkozy et menée par son gouvernement avec Eric Woerth à la manœuvre, il avait lui-même conduit la réforme de 2003 dans le gouvernement Raffarin, faisant entrer le secteur public dans le champ de la réforme dix ans après le secteur privé. Mais tout à son projet de reculer l’âge de la retraite à 65 ans pour tout le monde (l’une des quinze mesures phares de son programme), il veut parallèlement mener l’unification tous les régimes de retraite alors que beaucoup a déjà été fait.

Un processus en cours

Il est vrai que cette unification est encore imparfaite. La convergence est en cours, mais est encore incomplète.

Un exemple avec les fonctionnaires des catégories actives, distinctes des sédentaires. La Cour des comptes note, au titre de la convergence public/privé, que l’âge effectif du départ à la retraite des fonctionnaires sédentaires a reculé de deux ans et est désormais pratiquement identique à celui des salariés du privé.

La diversité des modes de calcul rend les comparaisons public/privé encore plus complexes

Mais elle constate que ce départ est «plus précoce, de quatre années en moyenne, pour les agents des catégories actives», soit environ 700.000 fonctionnaires (dont près de 500.000 dans la fonction hospitalière) exerçant des métiers difficiles comportant des risques particuliers. Ce qui, selon les Sages, crée des inégalités de traitement entre des personnes exerçant le même métier dans la fonction publique et le secteur privé, «comme c’est le cas pour les aides soignantes». Seule une minorité de fonctionnaires est toutefois concernée.

Par ailleurs, alors que les pensions du privé sont calculées à partir des salaires des 25 meilleures années d’une carrière, le traitement de référence dans le public est celui des 6 mois qui précèdent la cessation du service. Un avantage pour le public. Mais les primes, qui sont prises en compte dans le privé, ne sont pas intégrées au traitement dans le calcul de la retraite d’un fonctionnaire. Ce qui, cette fois, pénalise le public.

Les assiettes considérées pour établir les pensions sont différentes, les modalités de calcul également, et les taux de liquidation (72,1% en moyenne pour les salariés du privé nés en 1946 et 73,8% dans le public) aussi. Pas facile de s’y retrouver.

Cette diversité des modes de calcul rend les comparaisons public/privé encore plus complexes, surtout si on intègre les perspectives d’évolutions du montant des pensions qui, selon Conseil d’orientation des retraites (COR) dans un rapport de juin dernier, montrent une baisse du niveau de vie des retraités d’ici à 2040 et au-delà. Dans ces conditions, la convergence, fragile, pourrait n’être que temporaire.

Simplification, harmonisation

Aussi, diverses formules ont été envisagées pour à la fois harmoniser et simplifier les systèmes de retraites. L’une d’elle consisterait à rattacher les fonctionnaires en activité aux régimes des salariés du secteur privé, pour la totalité de leur carrière. Mais selon que la réforme s’appliquerait aux fonctionnaires aujourd’hui en activité ou seulement aux nouveaux embauchés, la phase de transition pourrait s’étendre de 30 à 70 ans ! Difficile à mettre en œuvre, surtout dans le cas où la réforme ne concernerait que les nouveaux embauchés, ce qui ferait cohabiter des régimes différents au sein d’une même fonction publique pendant plusieurs décennies.

Plus modestement et dans un premier temps, la Cour des comptes préconise de simplifier le système en créant une seule caisse de retraite des fonctionnaires de l’Etat (on compte aujourd’hui six régimes de retraite distincts). Elle propose aussi de réduire l’écart qui existe dans la prise en compte des assiettes entre le public et le privé en allongeant la durée de référence servant au calcul de la pension des fonctionnaires retraités, et d’intégrer dans ce calcul tout ou partie des primes qui en sont à ce jour exclues.

Ces dispositions auraient pour vocation de consolider la convergence public/privé tout en répondant à une partie des revendications des fonctionnaires sur la prise en compte des primes. Et introduiraient un peu de clarté dans le système de retraite français dont le financement global (public et privé confondus) porte sur 300 milliards d’euros par an, soit 14% du produit intérieur brut, rappelle le COR.

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