Royal-Peillon, divorce à la une

Temps de lecture : 3 min

Est-ce parce que le député européen Vincent Peillon sera le premier cobaye d'une émission de téléréalité politique que la réunion de l'Espoir à gauche (EAG) qu'il organise à Dijon depuis samedi tourne au mauvais feuilleton?

Depuis le congrès de Reims, rappelle Jean-Michel Normand sur son blog Puzzle socialiste, «la confrontation entre Ségolène Royal et Vincent Peillon était rude mais feutrée. Samedi 14 novembre, elle est devenue une guerre ouverte.» «La réunion organisée par le député européen devait être "le lieu où l'on invente la gauche de demain", explique Le Parisien. Avec la venue de Royal, il est devenu celui des règlements de comptes.»

Episode 1

A l'origine, rappelle Libération, «il ne devait y avoir sur le plan de table aucun candidat à l'Elysée, passé ou en puissance. Le casting initial, c'était donc, outre Peillon et le maire (PS) de Dijon, François Rebsamen: l'ex-patron du PCF Robert Hue, la numéro 2 du Modem, Marielle de Sarnez, la radicale de gauche Christiane Taubira. Et, par message vidéo interposé, l'écologiste Dany Cohn-Bendit». Sauf que Ségolène Royal, via Désirs d'avenir, annonce qu'elle viendra «féliciter et encourager ses amis engagés dans une réflexion de fond sur un sujet qu'elle considère et a toujours considéré comme majeur pour l'avenir, celui de l'éducation.» Pour Libé, il s'agit «de tenter de reprendre la main sur ce courant, qu'elle avait quelque peu laissé en jachère au lendemain de sa défaite au congrès, autorisant de fait une OPA de son ex-associé Vincent Peillon sur cette part du marché socialiste».

Episode 2

Vincent Peillon n'a pas apprécié la manœuvre et le fait sèchement savoir, vendredi sur Europe 1 :

«Je n'ai pas invité Ségolène Royal, a réaffirmé le député européen. Et je m'étonne d'apprendre par voix de presse d'ailleurs qu'elle s'auto-invite. Je ne voudrais pas que ce que nous avons à faire comme travail fondamental pour notre pays soit gâché par cette manière de faire. (...) On est contents d'avoir de ses nouvelles. Nous avons créé le courant sans elle au mois de janvier. Ce rassemblement a opéré, tout le monde l'a vu à Marseille, sans elle. Nous travaillons sur le fond depuis un mois et demi à un rassemblement. Elle n'a pas montré qu'elle avait beaucoup de talent pour le rassemblement. Je vais lui faire savoir qu'il n'y a pas de raison à ce qu'elle vienne. On m'annonce qu'elle viendrait pour déjeuner. C'est un débat d'idées. Qu'est-ce ça veut dire venir déjeuner?»

Episode 3

Samedi, à Dijon, «cinq tables rondes de bonne tenue sont organisées sur l'éducation, raconte Laurence Debril, l'envoyée spéciale de L'Express. Mais le "putsch" de Ségolène Royal, qui a annoncé vendredi en fin d'après midi son intention de participer aux rencontres, oblitère en grande partie toutes les questions de fond. Ségolène Royal est attendue vers midi et quart. Tout le monde ne pense qu'à ça: c'est l'heure de la récré.» Toute la journée de samedi, poursuit Jean-Michel Normand, les duettistes se sont échangés des amabilités par médias interposés. Royal veut s'imposer comme chef de file du mouvement, refaire parler d'elle, faire oublier  que «l'ancienne candidate à l'élection présidentielle s'est enfermée dans un isolement que les médias ne peuvent que constater» et que les idées portées par l'EAG (primaires, alliance avec le Modem, etc) sont d'abord les siennes.

C'est au culot qu'elle a mis le pied dans la porte, c'est au culot qu'elle passera l'après-midi. «Installée à une table avec ses fidèles, décrit Rosalie Lucas du Parisien, Royal s'est rapidement levée pour faire le tour des tables de militants. Tout sourire, elle a posé pour des photos, serré des mains et beaucoup embrassé. A peine assise, c'est Peillon qui a pris le relais, histoire de lui montrer que lui aussi était populaire.» Elle a ensuite cherché à attirer l'attention de Pierre Bergé, le mécène qui finance à la fois l'association de Royal, Désirs d'avenir, et le rassemblement de Peillon et des militants.

Peillon n'a pas réagi publiquement mais aux journalistes, il confie que «qu'elle a fait aujourd'hui est infantile et décalé. C'est un événement qui n'a que l'importance que l'on veut bien lui attribuer, ce n'est que de la communication politique. C'est un peu consternant. Surtout pour elle».

Au même moment, l'ancienne candidate à la présidentielle tacle son ancien porte-parole:

«C'est une faute politique et un dérapage verbal qui ne doivent plus se reproduire. Je n'ai pas fait vingt-cinq ans de vie politique pour me réfréner, ou pour être l'otage, ou être instrumentalisée, c'est-à-dire qu'on utilise mon nom, ma capacité de mobilisation des militants et ensuite qu'on utilise tout cela pour des rapports de force.»

Episode 4

Vous pensiez qu'ils en resteraient là ? Si Royal a assuré que les tensions «existent dans toutes les familles» et qu'elles sont suivies de «réconciliations», il y aurait bien en avant et un après Dijon. Invité dimanche sur Canal+, Peillon a estimé que Ségolène Royal «ne pourra pas nous faire gagner en 2012». L'ancienne candidate socialiste à l'Elysée «s'est disqualifiée», pour la prochaine présidentielle, juge-t-il. «Qu'est-ce que c'est que ce comportement?». «Tous ses amis s'en vont» car «ses comportements (...) ne sont pas bons», a-t-il jugé, en tançant la présidente de Poitou-Charentes: au lieu de rassembler, «tu divises toujours».

«Tous les opposants à Nicolas Sarkozy veulent gagner ensemble en 2012 et de quoi parle-t-on ce matin? On parle de Ségolène Royal et de la bisbille entre socialistes, c'est lamentable», a-t-il encore accusé. Au moins, la colère ne lui a pas soustrait sa lucidité. Les questions d'Education attendront.

JH

Newsletters

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio