L'économiste Thomas Piketty n'en démord pas. Après avoir demandé, en juillet 2016, à Jean-Luc Mélenchon de prendre ses responsabilités et d'accepter de participer à la primaire de la gauche, plutôt que de se lancer seul à la course à la présidentielle, l'auteur du Capital au XXIe siècle a une nouvelle fois interpellé le député européen et ancien président du Parti de gauche, cette fois sur l'antenne de France Inter, le 2 décembre 2016.
«Je souhaiterais et je lui demande instamment d’aller dans la primaire de gauche pour l’emporter. Et je pense, en plus, que ça améliorerait sans doute son diagnostic; c’est-à-dire que débattre seulement avec ses partisans, ça ne l’aide pas.»
À gauche, au cours des dernières semaines, Thomas Piketty est loin d'être le seul à avoir tenté de convaincre Jean-Luc Mélenchon, fort d'une cote de popularité grandissante, à se frotter à l'exercice de la primaire. Avant lui, d'autres personnalités politiques s'y sont déjà essayé... en vain. Jean-Christophe Cambadélis avait ainsi appelé Jean-Luc Mélenchon, mais également Emmanuel Macron, à se plier à l'exercice, le 24 novembre. Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, avait quant à lui demandé que Jean-Luc Mélenchon «vienne exprimer au sein de la primaire sa différence».
Arnaud Montebourg, lui, a, à son tour, lancé un appel du pied, le 30 novembre. Ce dernier estimait que la multiplication des candidatures n'avait «aucun sens» et invitait Jean-Luc Mélenchon à rejoindre la compétition afin de pouvoir «bâtir l'union des gauches». Le lendemain, c'est finalement Benoît Hamon, candidat déclaré à la primaire à gauche, qui a lancé un appel à Jean-Luc Mélenchon sur France 2.
«Si Jean-Luc Mélenchon pense être le meilleur, il est encore très simple qu'il participe à la primaire de la gauche. Il la gagnera et il sera le candidat de toute la gauche. Ce serait formidable. [...] Mais, apparemment, il n'en est pas capable.»
«Très simple»? Pas si simple, en fait car, en l'état, la primaire de gauche, officiellement dénommée «citoyenne», n'est pas si accessible, puisqu'elle repose davantage sur la volonté des partis que sur celle des «citoyens».
Pour se présenter, il y a deux possibilités. Soit être adhérent du Parti socialiste et satisfaire aux conditions de parrainage fixées par le Conseil national du parti, c'est à dire recueillir les signatures de 5% des membres d'un des groupes suivants: membres titulaires du conseil national; parlementaires socialistes; conseillers régionaux et départementaux socialistes représentant au moins quatre régions et dix départements; maires socialistes de villes de plus de 10.000 habitants représentant au moins quatre régions et dix départements. A priori, on imagine mal Jean-Luc Mélenchon redemander, huit ans après son départ, sa carte du PS, sans compter que celle-ci pourrait lui être refusée.
L'autre possibilité est de faire adhérer La France insoumise, le mouvement politique qu'il a fondé en début d'année, à la Belle Alliance Populaire, la coalition lancée par le PS et qui organise la primaire. Ses partis «satellites», l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), le Front démocrate et le Parti écologiste, sont en effet dispensés des conditions de parrainage, ce qui pourrait permettre à leurs dirigeants –François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias– d'être directement candidats à la primaire. De la même manière, Jean-Michel Baylet (PRG) et Jean-Frédéric Poisson (PCD) avaient pu candidater aux primaires de gauche de 2011 et de droite de 2016 sans remplir les critères.
Mais concrètement, cela voudrait dire que Jean-Luc Mélenchon devrait rejoindre une alliance créée par le PS de Jean-Christophe Cambadélis et longtemps vue comme une rampe de lancement pour une candidature de Hollande. Difficile à imaginer, donc, compte tenu des relations pour le moins tendues, voire délétères, qu'il a conservé avec son ancienne formation politique.
La probabilité de voir un Mélenchon à la primaire de gauche semble donc assez faible, surtout s'il l'on garde en tête sa position relativement favorable dans les sondages et les soutiens sur lesquels il peut –ou pourra– compter en vue de la présidentielle. Désormais, Jean-Luc Mélenchon patiente en attendant le dénouement de la primaire, qu'il prédit comme déjà comme une «machine à disloquer le PS».