Culture

«Wolf and Sheep», la fable surprenante qui déplace le regard sur l'Afghanistan

Temps de lecture : 2 min

À contrepied des clichés sur son pays, la jeune réalisatrice Shahrbanoo Sadat invente un film entre chronique et conte fantastique, où chaque séquence est une surprise.

(© Pretty Pictures)
(© Pretty Pictures)

«L’accroche», comme disent les journalistes, n’est que trop évidente. Un premier film d’une jeune femme afghane, exotisme, féminisme, cause humanitaire… En fait ce film-là, on l’a déjà vu, il y a huit ans, il s’appelait À 5 heures de l’après-midi, réalisé par Samira Makhmalbaf (qui n’est pas afghane mais iranienne).

Wolf and Sheep, c’est tout autre chose. Presque le contrepied méthodique des imageries, loin d’être toutes fausses bien sûr, en provenance de cette partie du monde. Pas de guerre en vue. Pas de misérabilisme. Pas de plaidoyer contre cette burqa qui n’est pas, très loin s’en faut, l’habit habituel de la plupart des femmes afghanes.


En lieu et place, un étrange récit, entre chronique et conte fantastique, dans un monde à la fois très réaliste et ouverts aux quatre vents des mythes.

Le loup qui tue et le loup qui enchante

«Le loup et les moutons» est le nom d’un jeu que pratiquent ces enfants, villageois d’une région montagneuse plus souvent envoyés garder les troupeaux qu’apprendre à l’école. Ce sont eux les principaux protagonistes du film: vifs, mal embouchés, inattendus.

Le loup, c’est le prédateur bien réel qui dévore le bétail, et vaut aux gosses en charge de pâtures de brutales et injustes punitions. Et c’est le surnaturel Loup Kasmir, qui hante les récits autour du feu, et, peut-être, les ruelles du village la nuit.

Est-ce lui, ou plutôt la Fée verte, cet être fluorescent aux généreuses formes féminines et à la tête d’animal qui émerge d’une brume dont on ne sait s’il s’agit de celle des montagnes ou de celle des rêves?

Faire coexister plusieurs mondes

En tout cas les non moins vertes insultes que s’adressent les gamins, et les gamines, sont bien réelles. Comme leurs désirs et leurs peurs, le froid et la fatigue, la connivence entre copines et les vacheries entre garçons et filles, l'énergie et la joie aussi.

S’ils sont les «moutons» de la fable, ces enfants et ces adolescents sont loin d’être un troupeau indifférencié. Inventifs, avides d’expériences, pouvant être terriblement méchants ou généreux les uns avec les autres, ils composent un monde, dans ce film en apparence tout simple mais qui réussit à faire exister simultanément plusieurs mondes.

Dans Wolf and Sheep, on ne cesse en effet de transiter du monde des enfants à celui de la nature et d’une société pastorale archaïque, où existe pourtant la proximité de la ville d’où revient la grande sœur mariée à un citadin, et au monde des légendes.

Sans début ni fin

Ni folklorique, ni édifiant, le film de Shahrbanoo Sadat surprend constamment, par sa capacité à déplacer le regard (sur ce qu’on subsume sous le terme «l’Afghanistan»), l’angle d’approche (de situations quotidiennes, d’inventions ludiques ou magiques, de modes particuliers d’existence de «l’enfance»), la focale (du détail de la fabrication d’un feu pour cuire des patates à l’immensité du paysage comme à l'insondable des désirs).

Lorsque le film se termine, ou plutôt s’interrompt –il n’y a pas à proprement parler de fin, pas plus que de début–, on n’est pas sûr de ce qu’on a vu, imaginé, éprouvé. C’est que Wolf and Sheep, sous apparence simples, est une sorte de filtre, qui met en contact mental avec une multitude de sensations, certains très connues, d’autres appartenant à des univers qui nous sont très éloignés. Soit un des plus beaux cadeaux que puisse faire le cinéma.

1 — De toutes les questions que suscite le film, la seule qu'on aurait aimé ne pas avoir à se poser est: pourquoi un titre en anglais?

Wolf and Sheep

de Shahrbanoo Sadat, avec Sediqa Rasuli, Qodratollah Qadiri, Amina Musavi, Sahar Karimi, Masuma Hussaini.

Durée: 1h26. Sortie le 30 novembre.

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