Slate.fr a lancé un appel à ses lecteurs sur l'identité nationale, et sur ce que signifiait le fait d'être français: C'est quoi, pour vous, être français? Vous avez été nombreux à répondre et à participer au débat. Pour achever la série de contributions, voici celle d'Hala Kodmani, journaliste.
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L’attachement à la France mérite mieux qu’un débat étriqué sur cette «identité» de papiers exigés par la police et les administrations et qu’il vaut mieux parfois laisser à la corbeille de nos pensées. Mais au lieu de nous soustraire à l’invitation politicienne d’un ministre en mal d’identité politique de réfléchir à ce qu’être Français veut dire, autant saisir l’occasion pour rappeler certains moments privilégiés, pas si lointains, où le sentiment partagé de fierté d’être français a exprimé notre cohésion nationale.
Plus qu’aux défilés du 14 juillet, les Champs Elysées étaient vraiment la belle avenue du monde en ce soir de juillet 1998 où dans les foules en liesse se mêlaient des mères de famille des beaux quartiers et des jeunes des banlieues pour célébrer la France championne du monde de Foot. Le drapeau français peint sur les joues des jeunes filles très brunes ou très blondes, les portraits au laser des Zidane, Thuram, Blanc… projetés sous l’Arc de Triomphe. Les peuples du monde entier s’enthousiasmaient devant ces images et nous enviaient notre bonheur rassembleur: ce sont ces moments-là qui ont forgé notre fierté nationale.
A son tour, la Place de la République a bien porté son nom en ce dimanche de mai 2002 quand des centaines de milliers de manifestants ont envahi toutes les artères qui y menaient pour dire leur regret et leur rejet de ce vote d’un 21 avril qui avait amené au deuxième tour de l’élection présidentielle le candidat de l’identité nationale extrême, celle qui veut exclure et détester et qui finit par exclure la France du cœur de ceux qui l’aiment et la respectent.
Qu’elle a été estimée, la France, ce jour de février 2003 où son ministre des Affaires étrangères a été applaudi au Conseil de Sécurité de l’Onu comme dans des millions de foyers télévisés à travers le monde pour avoir exprimé, au nom du droit et de la justice, le rejet d’une guerre contre l’Irak, dont on ne mesurait encore pas tout à fait le désastre!
C’est quand le Prix Nobel de littérature 2008 reconnait l’immense talent de Jean-Marie Gustave Le Clézio, un grand blond français qui se revendique aussi mauricien et dont les romans ont pour cadre les déserts, l’Afrique ou l’Amérique latine ou quand les grands prix littéraires français récompensent un Congolais, un Libanais ou un Russes qui ont choisi la langue française pour patrie que notre créativité est valorisée. Quand la presse américaine s’émerveille de la capacité des femmes françaises à être à la fois les plus actives, les plus sveltes et les plus élégantes tout en donnant naissance au plus grand nombre d’enfants dans les pays industrialisés, ne boudons pas notre plaisir d’être ainsi complimentées.
Probablement plus sensibles que les autres à l’image de leur pays dans le regard du monde, les Français d’adoption savent aussi davantage nourrir leur sentiment d’appartenance à la France qui les a accueillis et leur a tant appris. Si elle s’interroge aujourd’hui sur l’identité nationale c’est que la France va mal et ne trouve pas des raisons de parier sur la fierté nationale. C’est d’ailleurs quand l’équipe de France de Foot a perdu qu’on s’est aperçu que ses joueurs nés ailleurs ne chantaient pas bien la Marseillaise.
Hala Kodmani, journaliste
Image de une: Reuters,Robert Pratta Volontaires nus posant pour le photographe américain Spencer Tunick, à Pouilly-Fuisse.
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