Après la première vague de nominations de Donald Trump, certains commentateurs proposent de désigner l'ère politique qui s'ouvre comme une kakistocratie. Comme tous les autres mots qui désignent un régime de gouvernement, le terme tire son étymologie du grec ancien. À l'inverse de l'aristocratie, de «kratos», le pouvoir, et «aristos», excellent, le gouvernement par les meilleurs, «kakistos» désigne «le pire»: une kakistocratie est donc le pire gouvernement, ou le gouvernement des pires, des plus mauvais.
Le terme fait son petit effet et commence à être brandi sur internet comme bannière de ralliement des opposants à l'administration qui se monte. Le blog Jury.me s'amuse de la consonance avec la manière enfantine de désigner les excréments humains, émettant l'hypothèse que l'administration Trump pourrait être «littéralement, le gouvernement des plus merdeux» («government by the shittiest»).
Encore faut-il savoir par rapport à quoi le trumpisme est le pire des régimes. Sur le fond, selon Jamelle Bouie, sur Slate.com, les «pires» sont en fait les «meilleurs» du point de vue du futur président, puisqu'ils incarnent une idéologie cohérente qu'il a défendue tout au long de sa campagne: «suprématistes blancs, autoritaires insignifiants, conspirationnistes». Certains se distinguent par leur radicalité et une expertise précise dans le domaine auquel ils sont affectés: c'est le cas de Michael Flynn, nouveau conseiller pour la sécurité intérieure, un ancien militaire qui a dirigé l'agence de renseignements de la défense, et s'est distingué récemment pour avoir affirmé dans un tweet que «la peur des musulmans [était] RATIONNELLE».
Idiocratie
D'autres allient indigence intellectuelle et incompétence ou à tout le moins absence d'expérience. Mais selon l'éditorialiste de Slate.com, ils incarnent bien cette kakistocratie nouvelle, qui n'a pris personne en traitre puisque Trump l'avait promise et a fait campagne dans ce sens.
De quoi redonner une actualité à un autre régime de gouvernement que le phénomène Trump a contribué à réactiver: l'idiocratie. Dans cette comédie un peu oubliée sortie dix ans plus tôt, le héros est un militaire d’intelligence très moyenne qui se réveille d’un long sommeil cryogénisé 500 ans plus tard, dans une société où le niveau de QI a baissé au point qu’il est désormais largement plus intelligent que la moyenne. Dans ce futur, le président des États-Unis est une star du porno et un ancien champion de catch…
Comme l’a noté Michael Atlan sur Slate, le président fictif d’Idiocratie et celui qui n’était encore que candidat partagent certains traits de caractères et éléments biographiques: «démagogie extrême, confiance en soi et égo démesurés, brutalité, affirmations si stupides qu’elles confinent à l’absurde et exploitation sans limites d’une célébrité acquise dans divers domaines –qui n’ont évidemment rien à voir avec la politique.»