Un sondage Rasmussen publié mercredi révèle que 60 % des personnes interrogées souhaitent que la tuerie sur la base militaire de Fort Hood «fasse l'objet d'une enquête militaire en tant qu'acte terroriste». L'ancien Attorney General (équivalent du ministre de la Justice) Michael Mukasey et le sénateur Joe Lieberman sont de ceux là: ils ont tous deux parlé de «terrorisme» en évoquant le massacre de Fort Hood. En revanche, le président Obama, jusqu'ici, a évité d'employer ce terme. Par ailleurs, 27 % des américains «veulent que cette affaire fasse l'objet d'une enquête civile en tant qu'acte criminel». Techniquement, la fusillade folle de Fort Hood est-t-elle un acte terroriste ou criminel?
109 définitions pour le terrorisme
C'est une question de sémantique. Il n'existe pas de définition internationale précise de «terrorisme» ou de «terroriste». Une étude réalisée en 1988 répertorie 109 définitions du concept de terrorisme. Et on peut dire sans risque de se tromper qu'il y en a beaucoup plus aujourd'hui.
Le Code des Etats-Unis contient plusieurs catégories à l'étendue variable. La plus vaste est peut-être celle dont le gouvernement américain se sert contre les immigrés, selon laquelle est terroriste toute personne qui utilise «des explosifs, des armes à feu ou toute autre arme ou engin dangereux (pour des raisons autres que le simple appât du gain personnel), avec l'intention de compromettre [...] la sécurité d'une ou de plusieurs personnes ou de causer d'importants dégâts matériels.» Cette catégorie s'applique donc à quelqu'un qui commet une attaque à main armée avec des motivations autres que financières.
Un terroriste a des motivations politiques
Dans un contexte criminel, les définitions sont plus précises. Pour être inculpé de terrorisme national, l'agresseur doit avoir eu l'intention d'«intimider ou de contraindre une population civile; d'influencer la politique d'un gouvernement par l'intimidation ou par la contrainte ou de peser sur le comportement d'un gouvernement par des destructions massives, des assassinats ou des enlèvements.» En ce qui concerne le terrorisme international, il faut que les actes soient en outre perpétrés hors des Etats-Unis ou qu'ils «dépassent les frontières nationales s'agissant des moyens mis en œuvre pour leur exécution.»
L'Organisation des Nations unies n'est pas d'une grande aide dans ce domaine. Une résolution votée en 1999 condamne avec force «tous les actes terroristes et toutes les méthodes et pratiques du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, qu'elle juge criminels et injustifiables», mais ne caractérise pas véritablement ces «actes». En réponse au 11-Septembre, l'Assemblée générale des Nations unies a tenté d'élaborer une définition exhaustive. Le terrorisme désigne «toute action (...) qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d'un tel acte est (...) d'intimider une population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir». Mais cette définition n'a pas été officiellement adoptée.
Les mobiles du tueur de Fort Hood restent obscures
Le critère de «contrainte», tel qu'il est décrit dans le Code des Etats-Unis et envisagé par les Nations unies, ne permet pas de déterminer clairement si la tuerie de Fort Hood peut être qualifiée de terrorisme. Le tireur, Nidal Malik Hasan, était, dit-on, opposé aux guerres d'Irak et d'Afghanistan et qualifiait la guerre contre la terreur de «guerre contre l'islam».
Il est évident que ces renseignements n'impliquent pas nécessairement que Nidal Malik Hasan ait eu l'intention d'influencer la politique du gouvernement américain. La disposition du Code des Etats-Unis qui sanctionne l'«intimidation» d'une population civile pourrait s'appliquer à la folie meurtrière de Fort Hood, car des civils étaient présents. Mais il est possible que le tireur ait simplement craqué, auquel cas il serait difficile de prouver une quelconque «intention».
Par ailleurs, concernant une possible inculpation de Nidal Malik Hasan pour terrorisme international, de nombreuses sources d'information indiquent qu'il était en contact avec Anwar Al-Awlaki, un religieux musulman né aux Etats-Unis qui vit actuellement au Yémen et qui serait au service d'Al-Qaïda. Si Al-Awlaki a d'une manière ou d'une autre encouragé Hasan ou l'a aidé à préméditer sa fusillade, les procureurs pourraient soutenir que cette affaire «dépasse les frontières nationales».
Les mots ont leur importance pour Obama et ses adversaires
La désignation de la tuerie de Fort Hood - selon qu'on parle de terrorisme ou de tragédie - aura des répercussions sur les poursuites de Nidal Malik Hasan. S'il est inculpé pour avoir commis un acte de terrorisme, il sera susceptible d'être jugé dans un tribunal fédéral. Dans le cas contraire, Hasan tombera sous la juridiction l'armée et comparaîtra devant une cour martiale. Dans les deux cas, le tireur peut théoriquement encourir la peine de mort même si, historiquement, la justice militaire a toujours découragé les exécutions capitales.
Naturellement, le fait de poursuivre Nidal Malik Hasan pour des faits terroristes revêt une dimension politique. Les autorités gouvernementales ne sont pas censées prévenir les «tragédies». En revanche, elles ont le devoir de contrecarrer le terrorisme. Une inculpation pour des actes de terrorisme engendrerait donc un débat visant à savoir pourquoi les agences de renseignement américaines, qui avaient intercepté des communications entre Hasan et Al-Awlaki, n'ont pas mené une enquête plus approfondie. Et les républicains pourraient en profiter pour dénoncer un attentat terroriste qui s'est produit sous la présidence d'Obama.
Juliet Lapidos
Traduit par Micha Cziffra
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Image de une: cérémonie de commémoration de Fort Hood, REUTERS/Kevin Lamarque