France

François Fillon, le lapin sorti du chapeau de la primaire

Temps de lecture : 4 min

L'ancien premier ministre est donné (selon des résultats très provisoires) largement en tête du premier tour de la primaire.

François Fillon (Les Republicains) le 12 novembre 2016 à Bayonne GAIZKA IROZ / AFP
François Fillon (Les Republicains) le 12 novembre 2016 à Bayonne GAIZKA IROZ / AFP

Cet article publié le 15 novembre a été mis à jour le 20, à l'issue du premier tour de la primaire, alors que François Fillon la remporte haut la main.

François Fillon est un magicien. Il a réussi à faire oublier qu’il fut le premier, à droite, à s’attaquer au bilan de Nicolas Sarkozy, en faisant l’inventaire dès la défaite du président de la République. «L'UMP ne peut vivre immobile, congelée, au garde à vous, dans l'attente d'un homme providentiel!», lâchait-il en 2013, appelant chacun à «refaire ses preuves». Il a surtout réussi à faire oublier qu’il fut, pendant cinq ans, le premier ministre zélé de son quinquennat. Il est même parvenu à masquer son discours néo-libéral, en se faisant passer pour un héritier de Philippe Séguin, qui fut longtemps à la gauche du RPR. Et pour lequel il avait pleuré lors de son oraison funèbre en 2010. «Il me manque, mais son souvenir m’accompagne», dit-il encore.

François Fillon est un magicien. Ou, pour ses fidèles partisans, le lapin qui sortira du chapeau de la primaire au soir du premier tour. «François Fillon peut créer la surprise», prévient son bras droit et porte-parole, le député de l’Oise Jérôme Chartier. «Les Français ressentent qu’il est le candidat qui allie la plus grande détermination et le projet véritablement en mesure de redresser le pays».

Depuis sa prestation remarquée au premier débat télévisé, les sondages lui donnent des ailes. Après avoir joué le second rôle pendant des années, voilà qu'il endosse le costume de troisième homme, piquant la place à un Bruno Le Maire qui, pourtant, tente d'incarner le renouveau tant pour son âge que ses idées. Sondage Kantar-Sofres publié par Le Figaro le 13 novembre: 18% des intentions de vote pour François Fillon (+7 points), derrière Alain Juppé avec 36 points (-6) et Nicolas Sarkozy avec 30 points (+2). Sondage Odoxa pour Franceinfo quelques jours plus tôt: un bond de +9%, (20%), derrière Nicolas Sarkozy (26%, stable) et Alain Juppé, 36% (-7%). De quoi espérer, alors que Donald Trump vient de prouver que tout est possible (et surtout le plus improbable). François Fillon en rêve. Il ironise et se régale d'avoir berné son monde.

Pour neutraliser Sarkozy sans voter Juppé, votez Fillon

Car depuis des mois, tout le monde le donnait mort. «Son erreur, c’est d’avoir attaqué bille en tête Sarkozy», décrivait un candidat à la primaire il y a quelques mois. «On ne s’attaque pas à Johnny Hallyday.» Visiblement, les électeurs de droite sont prêts à pardonner. La peur de Nicolas Sarkozy - dont le rejet est puissant parmi la base - a longtemps gonflé les voiles d'Alain Juppé, qui fait campagne en tête en prenant le moins de risque possible. Il fallait neutraliser l'ancien président en plébiscitant Alain Juppé... même si son identité heureuse ne fait pas chavirer la droite. Alors pourquoi pas François Fillon?

Après tout, même s'il s'est démarqué de Nicolas Sarkozy, il est comptable de son bilan. De sa stratégie droitière. Mais pas forcément de ses outrances. Pour s'éviter Nicolas Sarkozy tout en ayant une politique de droite, François Fillon est l'alternative. N'a-t-il pas le soutien de Sens commun, l'émanation politique de la Manif pour Tous, quand bien d'autres ont tergiversé sur la question du mariage gay? Catholique et fier de l'être, François Fillon est conservateur sur les moeurs (il avait voté contre la dépénalisation de l'homosexualité en 1981). «Après le vote de la loi Taubira, que j'ai combattue, j'ai immédiatement indiqué que, si j'avais la charge de la présidence, je proposerais au Parlement de réécrire le droit de la filiation», souffle-t-il au Cirque d'Hiver fin septembre. «J'ai travaillé avec des juristes et des experts. Je propose un texte qui fige le principe qu'un enfant est toujours le fruit d'un père et d'une mère».

Tout le monde l'a copié

Et puis, l'ancien premier ministre sait qu'il n'a plus rien à perdre. Il prévoit un meeting par jour jusqu'au 20 novembre. Il arrêtera la politique s'il ne remporte pas cette primaire. C'est peut-être, aussi, ce qui plaît: parmi les candidats, il n'a aucun mal à apparaître le plus sincère. Son programme, en revanche, est loin d'être la révolution promise à longueurs de meetings et d'interviews. C'est surtout une purge libérale, à coups de suppressions de fonctionnaires, dans la veine d'une Thatcher à la Française qui veut redresser un pays en faillite. Avec François Fillon, c'est la joie dans la souffrance. La rédemption par le malheur et pas les lendemains qui chantent. Il ne cache pas son jeu: «Je ne promets pas du sang et des larmes. Le sang et les larmes c'est maintenant!», se défend-t-il. Alors pourquoi mettre de l'huile sur le feu, alors que la France paie cette concurrence mondialisée qui appelle plus de protectionnisme?

Si François Fillon revient en force, c'est que tous ses adversaires ont peu ou prou repris ses thèmes, ses idées et sa ligne. De Nicolas Sarkozy à Bruno Le Maire, tous chantent en choeur l'avènement d'une société libérée des contraintes administratives et des charges. De quoi renforcer sa crédibilité, lui qui veut libérer le pays depuis des années, et profite d'une stature à l'internationale. Comme premier ministre, il a représenté la France à l'étranger. Il est précis. Concret. Et veut rebasculer les alliances en soutenant plus clairement la Russie, quitte à prendre des coups. Des qualités qui plaisent à droite... Surtout dans une élection où les retraités formeront le bataillon le plus puissant des électeurs.

En 2016, la droite ne croit plus que tout est possible. Ni rupture avec l'ancien monde, ni conservatisme à toute épreuve: elle balance entre les deux. Dans la dernière ligne droite, elle aspire à François Fillon. Avec un large soupir en tête...

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