«On n'en croyait pas nos yeux», lance Rodrigo Pacheco-Ruiz, un membre de l'expédition Black Sea Maritime Archaeology Project, à l'origine d'une des plus importantes découvertes dans les fonds marins. Ce scientifique du centre d'archéologie maritime de l'université de Southampton en Grande-Bretagne explique au New York Times: «C'était du jamais vu en archéologie.»
Qu'ont-ils vu alors? Cet automne, ces explorateurs ont fait descendre, au large de la Bulgarie, un robot à l'aide d'une très longue corde et éclairé les fonds marins pour prendre des photos en haute résolution. Ces images ont été rassemblées sur ordinateur pour créer des modélisations. Les bateaux sont si bien préservés que l'on peut distinguer des gouvernails, des cordes et des décorations élaborées presque intacts. Un autre archéologue, Brendan P. Foley, rattaché à la Wood Hole Oceanographic Institution à Cape Cod dans le Massachussets, souligne que le bon état des bateaux laisse à penser que ce qu'il y a à l'intérieur de la coque peut aussi être resté en parfait état:
«On pourrait retrouver des livres, des parchemins, des documents. Qui peut savoir tout ce qu'ils transportaient? Maintenant, nous avons la possibilité de savoir. C'est incroyable.»
Ces vaisseaux révèlent beaucoup de l'histoire du commerce. «On peut s'attendre à trouver des éléments très intéressants pour notre compréhension du fonctionnement des anciennes routes commerciales», affirme Shelley Wachsmann de l'institut d'archéologie nautique à la Texas A&M University. Celui en photo ci-dessus, retrouvé à 800 mètres de profondeur, est un bateau médiéval qui a fait naufrage entre le XIIIe et le XIVe siècle, selon les archéologues. Jamais un bateau n'avait été retrouvé aussi préservé. Ils estiment qu'il venait sûrement de Venise car la ville avait des avant-postes dans la mer Noire.
44 bateaux
Les bateaux retrouvés vont des périodes de l'Empire byzantin à l'Empire ottoman. Marco Polo est passé par la mer Noire, suivi par des marchands italiens. Pour les Européens, cette mer permettait d'accéder à la partie nord de la Route de la soie par laquelle transitaient... la soie, le satin, les parfums, les épices et les bijoux. La mer Noire a longtemps été le chemin incontournable pour se rendre dans les steppes eurasiennes, dans le Caucase, en Asie mineure, en Mésopotamie.
Cette découverte dans les eaux bulgares pourrait donner l'idée à d'autres pays, comme la Georgie, la Roumanie, la Turquie ou l'Ukraine –qui contrôlent le reste des eaux la mer Noire–, de se joindre aux recherches. L'un des scientifiques qui a exploré ces bateaux affirme que tout ce qui est dans la mer Noire a de grandes chances d'être préservé. L'explication tient à l'eau des fleuves d'Europe de l'Est qui se déverse dans la mer, ce qui empêche l'oxygène de passer et de détruire les épaves.
Rodrigo Pacheco-Ruiz et son équipe disent pour l'instant avoir découvert et photographié quarante-quatre bateaux, et ils n'ont encore exploré que les eaux bulgares dans la mer Noire. Selon le site de l'expédition, un documentaire est en préparation sur cette incroyable découverte.