Les explications à la victoire de Donald Trump sont nombreuses et se classent dans trois catégories. Il a gagné à cause du rejet dans les classes populaires blanches de l’immigration, de la mondialisation et des élites qui y sont favorables. Il a gagné parce que Hillary Clinton était en fait très impopulaire dans l’Amérique profonde et une mauvaise candidate. Il a gagné parce que c’est un pays qui reste misogyne et raciste et il s’agit du contre coup de la présidence de Barack Obama.
Il y a une autre explication longuement développée dans New York Magazine: il a gagné grâce à Facebook.
Le magazine reproche en fait à Facebook d'avoir créé les conditions qui ont permis «l’accès au plus haut niveau du système politique à un homme tellement étranger à ce qui était jusqu’à aujourd’hui le monde politique qu’aucun ancien candidat à la présidence de son propre parti n’a voulu le soutenir».
Informations fausses et fabriquées
La façon la plus évidente dont Facebook a permis à Trump de mener sa campagne bien au-delà de ce qui était imaginable, c’est dans son incapacité ou son refus de traiter le problème des canulars et plus encore des informations fausses et fabriquées. Les fausses informations ne se trouvent pas uniquement sur Facebook, mais compte tenu de son audience et de son mécanisme de diffusion qui privilégie l’engagement émotionnel, les dégâts ont été considérables. Pas moins de 170 millions de personnes consultent chaque jour Facebook en Amérique du nord.
Facebook est aussi le seul réseau social qui a permis, par le fonctionnement de ses algorithmes et d’une armée de l’ombre d’éditeurs dont l’existence et les pratiques contestables ont été révélées par une remarquable enquête du New York Times, à une industrie de créations de contenus totalement fabriqués de se développer en attirant des lecteurs vers des sites couverts de publicités et réalisés assez souvent par des adolescents macédoniens!
Pour rappel, Facebook a ainsi servi à propager et à accréditer pendant la campagne présidentielle américaine des informations totalement fausses comme: le Pape a apporté son soutien à Donald Trump, Hillary Clinton a acheté pour 137 millions de dollars d’armes illégales, les Clinton ont acquis une propriété aux Maldives pour 200 millions de dollars… Et il y en a eu beaucoup d’autres qui ont eu des dizaines et des dizaines de millions de lecteurs. Les algorithmes de Facebook les ont d’autant plus distribué et diffusé qu’elles alimentaient une demande grandissante... et un flot de haine.
La recherche de l'audience et de sa fidélité par tous les moyens
Alors bien sûr, les mensonges et les exagérations ont toujours fait partie des campagnes électorales. Facebook permet simplement de les diffuser beaucoup plus facilement et beaucoup plus anonymement. Et le réseau social a aussi découvert qu’il pouvait le faire sans en subir la moindre conséquence négative et au contraire en gagnant encore plus d’audience et de fidélité. Les humains ont une attraction irrésistible pour les informations qui confirment leurs opinions et préfèrent les environnements où leurs convictions ont peu de chances d’être remises en cause. C’est exactement ce qu’offre Facebook.
«Il n’y a peu d’évènements plus importants au cours de la dernière décennie que la prise de contrôle dans son ensemble par ce réseau social de la fonction traditionnelle des médias d’informations sans parler de l’appareil des partis politiques… L’ascension de Trump est loin d’être la première conséquence matérielle de la conquête par Facebook de nos vies sociales, culturelles et politiques, mais elle est un rappel brutal de la capacité du réseau social à détruire les structures existantes et à transformer la société –et pas souvent pour le meilleur».