Personne ou presque n'y croyait et pourtant... Donald Trump a été élu président des États-Unis, dans la nuit du 8 au 9 novembre 2016. Depuis l'annonce officielle de sa candidature à l'élection présidentielle le 16 juin 2015, nombreux étaient ceux qui pensaient qu'il ne s'agissait qu'une éventualité improbable, d'un scénario catastrophe irréalisable.
À coup d'affirmations martelées, de convictions personnelles diffusées, de moqueries spontanées et d'argumentations démontrées par A + B, les médias ont été les premiers à ne pas croire à la possibilité de cette élection. Tout simplement parce que c'était impossible. Mais relire aujourd'hui tous ces titres de journaux nous donne un goût bien amer et l'on réalise qu'à force de crier au loup, le loup est entré dans la bergerie. Ou plutôt: Donald Trump a conquis les États-Unis.
Si Trump gagne, je me demande comment vont réagir tous les journaux qui ont martelé qu'il ne gagnerait pas !
— Pseudal Version Bêta (@Pseudalbeta) 23 septembre 2016
Les exemples sont multiples. Durant des mois, la presse a titré qu'une telle élection n'était possible. À commencer par nos confrères de Slate.com, dont nous avions traduit l'article, qui affirmaient dur comme fer que non, Donald Trump ne serait pas le président des États-Unis.
Les prédictions de @slatefr le 6/11 https://t.co/OMteBX6WFn
— Renaud - Nutt (@Nutornot) 9 novembre 2016
Le New York Times et la «quête improbable»
En fait, dès le départ, la candidature de Trump semblait être vouée à l'échec à en croire les commentateurs de la vie politique américaine. Le New York Times commence ainsi son article consacré à la candidature de Trump à la primaire républicaine, en juin 2015:
«Donald Trump, le volubile promoteur immobilier dont le nom a orné des complexes résidentiels, des hôtels, des cravates siglées Trump et des steaks siglés Trump, a annoncé ce mardi son entrée dans la campagne présidentielle, brandissant sa richesse et sa célébrité comme compétences premières dans une quête improbable de l'investiture républicaine.»
Quelques jours plus tard, The Nation titre: «Relax, Trump can't win» tandis que Les Échos estiment un mois plus tard que «la victoire quasi impossible [pour] Donald Trump».
En juillet, lorsqu'il est invité d'une émission sur ABC News, le député Keith Ellison mettait en garde contre une possible victoire de Donald Trump, pour qui tout allait bien alors et dont la route vers la nomination semblait se dégager quelque peu. Le présentateur George Stephanopoulos et la journaliste politique du New York Times, Maggie Haberman lui rient alors au nez.
«Je vous le dis. Des choses plus bizarres que ça ont déjà eu lieu.»
Un mois plus tard, c'est le Guardian qui explique en longueur pourquoi Donald Trump ne sera pas le candidat investi par le parti républicain. Pour Les Échos, qui reprennent un étude, sa voix doit l'empêcher d'accéder à la Maison-Blanche.
L'erreur de l'oracle
En fait, même les plus pragmatiques se sont laissés aller. Nate Silver, l'oracle des deux élections précédentes, qui avait notamment réussi à prédire comment allaient voter tous les États en 2012, demande ainsi aux médias, au mois de novembre, d'arrêter de paniquer avec la candidature de Donald Trump, alors que certains en faisaient alors un favori pour la primaire républicaine. Silver fera son mea culpa quelques mois plus tard.
À l'époque, même les poids lourds du parti, comme le conseiller de George W. Bush, Karl Rove expliquent ne pas voir comment Donald Trump pourrait s'imposer lors de l'élection générale, un an plus tard:
Rove répète presque la même chose presque un an plus tard, indiquant qu'il ne voit pas le candidat républicain l'emporter. Rove doute alors des capacités de Trump à jouer le jeu.
En janvier, alors que la possibilité d'un Trump candidat du parti républicain, un journaliste de Vox explique pourquoi il continue de croire que Trump ne sera pas élu président.
Obama n'y croit pas
En février, alors que Trump n'était pas encore officiellement le candidat républicain pour la présidence, Barack Obama indique ne pas croire dans les chances du magnat de l'immobilier:
«Je continue de croire que M. Trump ne sera pas président. Parce que j'ai beaucoup de foi dans le peuple américain. Et je pense qu'ils reconnaîtront qu'être président, c'est un boulot sérieux. Ce n'est pas présenter un talk-show ou une émission de télé-réalité.»
Deux mois plus tard, c'est le candidat à la primaire démocrate, Bernie Sanders qui, dans une interview avec Spike Lee pour le Hollywood Reporter, indique que «Donald Trump ne deviendra pas président des États-Unis. Ça, je peux vous le dire».
Dix raisons pour lesquelles...
En mars dernier, Atlantico donne huit motifs pour lesquels la victoire de Donald Trump était –en fait– impossible. En juillet, Pop Sugar donne six raisons pour lesquelles il était impossible que Donald Trump ne remporte l'élection ce 8 novembre. En octobre, The Unprofessionnals en énonce douze.
En mars, là encore, le site israélien de centre-gauche, Haaretz annonce que Donald Trump ne sera probablement pas président, notamment car les élécteurs blancs ne sont pas assez nombreux pour l'élire.
Début avril, c'est au tour du magazine conservateur, The Washington Examiner de dire que Trump ne peut pas l'emporter. Un mois plus tard, c'est le site progressiste Salon –qui reprend un article paru sur The Conversation– qui explique à son tour que le candidat républicain ne peut pas être élu président.
En septembre, Olivier Ravanello, d'iTélé nous assure «à peu près» que l'ancienne secrétaire d'État va l'emporter parce qu'il «s'intéresse à un truc de vieux, qui s'appelle la science politique, pas aux plans de comm, aux déclarations des uns et des autres. Ça, c'est pour amuser la galerie. Mais simplement à la manière dont les électeurs votent d'élection en élection».
Le problème, c'est que le «mur bleu» d'Hillary Clinton est tombé.
Quelques jours plus tard, c'est un édito publié dans le Charlotte Observer, quotidien dans cet État-clé qu'était la Caroline du Nord, qui donnait les raisons pour lesquelles Donald Trump ne pouvait l'emporter.
«Il ne peut pas revenir après ça»
C'est cependant surtout après les révélations sur cet enregistrement où l'on entend Trump parler d'«attraper les femmes par la chatte», ressorti en octobre, et qui l'a fait chuter dans les sondages, que les titres se font plus péremptoires. Le site australien News.com relaie ainsi alors en titre l'avis d'un professeur de politique américaine au centre d'études américaines à l'université de Sidney qui assure que le candidat républicain «n'a aucune chance de revenir après ça», et le deuxième débat.
Même chose pour la version australienne de GQ, qui se base sur la loi des probabilités pour assurer ses lecteurs que le candidat républicain ne peut pas s'imposer.
Si le Boston Globe n'imagine pas une victoire de Trump, il y a encore deux semaines, le média américain souligne que le candidat républicain ne s'arrêtera probablement pas là, et qu'il fera de cette élection un tremplin pour la suite. De son côté, la revue suisse Bilan donne encore il y a quelques jours, cinq raisons à l'impossible élection du candidat républicain.
Si aucun média n'a annoncé une victoire prématurée et erronée d'Hillary Clinton dans la soirée, cette énorme surprise rejoindra très probablement le «Dewey bat Truman» au panthéon des erreurs médiatiques américaines.