Un enregistrement de la colère de Christian Bale contre un cameraman sur le tournage de «Terminator Salvation» a fuité lundi, mettant l'acteur et la production, Warner Bros, dans l'embarras. Dans une tirade de trois minutes bourrée d'insultes, Bale hurle sur le directeur de la photographie pour être passé devant le champ de la caméra pendant une scène. L'acteur menace de lui «casser [sa] putain de gueule». (Pour l'écouter c'est ici, lire le verbatim c'est là). Question: la violence verbale peut-elle être hors-la-loi?
Oui. Le Premier Amendement américain protège toutes sortes d'insultes mais pas un langage que l'on peut qualifier de «mots belliqueux» ("fighting words"). En 1942, dans l'affaire Chaplinsky contre New Hampshire, la Cour Suprême a défini les mots belliqueux comme le langage qui crée la menace d'un conflit physique immédiat, ou qui «par le simple fait d'être énoncé inflige une blessure». Pour que Bale soit jugé coupable dans un procès civil, le plaignant devrait d'abord établir que les mots de l'acteur auraient pu conduire à des coups.
Les victimes d'injures assignent généralement en justice pour agression ou détresse émotionnelle. La définition de l'agression inclut un geste menaçant qui amènerait une personne raisonnable à craindre un contact nuisible imminent, comme pointer un révolver sur quelqu'un et dire «Je vais tirer!». Pour prouver qu'il y a eu détresse émotionnelle, le plaignant doit montrer que le comportement de l'agresseur était «scandaleux» - défini par un manuel de droit comme un cas «où, à l'issue du récit des faits, tout membre de la collectivité en voudrait à l'acteur et se verrait déclarer “Scandaleux !”». D'autre part, il doit démontrer que la détresse était absolument insupportable.
Les insultes peuvent également être jugées sous des rubriques plus larges comme «conduite contraire aux bonnes mœurs» ou comme «trouble de l'ordre public». Mais généralement cette législation ne s'applique qu'aux lieux publics. Dans un endroit privé, comme un plateau de tournage hollywoodien, il n'y a pas d'ordre public à troubler.
Explication bonus : Est-ce que la fuite de cet enregistrement viole une clause de confidentialité ? C'est presque certain. Aujourd'hui, la plupart des sociétés de production requiert que les acteurs, les décorateurs, les perchistes et toutes les autres personnes présentes sur un tournage signent un contrat incluant des clauses de confidentialité. (Exemple ici). Si l'enregistrement de Bale en train de péter un câble a été donné à la presse par quelqu'un qui travaillait sur le film, il y a de fortes chances que cette personne a rompu son contrat. L'autre possibilité, c'est que l'enregistrement ait été divulgué quand Warner Bros. l'a envoyé à sa compagnie d'assurance. (Warner Bros. avait peur que Bale ne termine pas le tournage). Dans ce cas, la fuite violerait probablement une clause de confidentialité du contrat avec l'assureur. Et même s'il n'y avait pas d'accord de non-divulgation explicite, on peut raisonnablement penser qu'il existe un accord tacite de confidentialité entre assureur et assuré qui pourrait donner lieu à un procès.
Cet article, traduit par Cécile Dehesdin, a été publié sur Slate.com le 4 février 2009.