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«Et si on assassinait Assad?»

Temps de lecture : 2 min

La question a semble-t-il été posée par un attaché parlementaire américain, preuve de l'exaspération croissante de Washington face à l'enlisement du conflit syrien.

BULENT KILIC / AFP
BULENT KILIC / AFP

Les faucons du Congrès poussent depuis longtemps la Maison-Blanche à considérer des options plus agressives en Syrie, des frappes de missiles de croisière à l’imposition d’une no-fly zone en passant par des corridors humanitaires. Mais au cours d’une réunion officieuse à Capitol Hill la semaine dernière, un des membres de l’entourage du représentant Doug Lamborn (Républicain, Colorado) a lancé une idée clairement plus hardie.

«Et si on assassinait Assad?», a déclaré cet attaché parlementaire devant trois personnes ayant assisté à la scène et qui nous l’ont rapporté.

Cette proposition a provoqué quelques remous dans l’assistance, composée d’environ 75 attachés parlementaires reçus par le Conseil des Relations Internationales. L’expert à qui la question était posée n’est autre que Philip Gordon, ancien coordinateur de la Maison-Blanche pour le Proche Orient, et il a rejeté l’idée, aussi illégale qu’inefficace, selon un autre attaché du Congrès qui a bien voulu en parler à Foreign Policy à la condition que son anonymat soit respecté.

Sa réponse fut, en gros: «C’est contraire à la loi et cela ne changerait rien à la situation, parce que les Russes continueront d’avoir des intérêts en Syrie et les Iraniens continueront d’avoir des intérêts en Syrie», a t-il dit. L’attaché parlementaire ayant posé cette question n’a pas pu être identifié, les personnes ayant assisté à cet échange et que Foreign Policy a interrogés ont refusé de le nommer.

«À l'encontre de la politique américaine»

Depuis 1976, un ordre exécutif interdit explicitement les assassinats; il a été promulgué par le président Gerald Ford, après que des révélations dans la presse aient porté à la connaissance du public les multiples tentatives de la CIA d’assassiner le président cubain Fidel Castro. Tous les président qui ont suivi ont respecté cette interdiction, dont un des passages stipule:

«Aucun employé du gouvernement des États-Unis ne doit effectuer ou conspirer en vue d’effectuer un assassinat politique.»

Un des attachés de Lamborn, qui a bien voulu parler sous condition d’anonymat lorsque je l’ai contacté pour cet article, m’a dit: «Les discussions qui ont pu se tenir lors de cette réunion ne reflètent pas la pensée du représentant Lamborn.»

Quand je lui ai parlé de la question sur l’assassinat d’Assad, cet attaché a reconnu qu’un telle idée «allait à l’encontre de la politique américaine.»

«Il est clair que pour que les choses en aillent autrement, il faudrait de gros changements, a-t-il ajouté. Je n’ai pas entendu parler de ce sujet d’une quelconque manière sérieuse.»

Il est hautement improbable que le prochain président américain approuverait une nouvelle stratégie visant à l’assassinat d’Assad, mais les responsables de la politique étrangère américaine envisagent de plus en en plus des solutions militaires plus agressives afin de résoudre cette crise vieille de six ans maintenant.

Chaos à Damas

Une série de nouveaux rapports produits par des think tanks, dont le plutôt libéral Center for American Progress, propose une montée en puisse des actions militaires afin de faire pression sur le régime d’Assad et les forces Russes, dans l’espère de promouvoir une transition politique.

Mais même si l’assassinat d’Assad était décidé, les experts affirment qu’il entraînerait de nombreux risques et pourrait devenir un piège.

«Je pense que l’assassinat d’Assad provoquerait un véritable chaos à Damas, me dit Andrew Bowen, expert sur la Syrie au Wilson Center. Mais il ne provoquerait pas nécessairement l’effondrement du régime, et tant la Russie que l’Iran offrent une protection personnelle renforcée à Assad et à sa famille. Une tentative pourrait fort bien échouer.»

«Par ailleurs, je ne suis pas vraiment sûr que nous souhaitions lancer le précéder de la décapitation de dirigeants, comme à l’époque de la Guerre froide, ajoute Bowen. Si, d’une manière ou d’une autre, Assad mourrait ou était tué, l’essence du conflit –un régime soutenu par les Russes et les Iraniens contre l’opposition– pourrait fort bien ne pas changer d’un pouce», conclut-il.

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