C’est le chouchou de la génération Y. Eternel et irremplaçable. Si vous êtes né entre le début des années 80 et le milieu des années 90, Macaulay Culkin a forcément squatté (et enjolivé) un pan de votre jeunesse. Le réalisateur québécois Xavier Dolan, pour ne citer que lui, ne dira pas le contraire, comme en attestent deux-trois plans de son sublime Mommy, lesquels sont frontalement inspirés de Maman, j’ai raté l’avion.
At last someone understands my real influences pic.twitter.com/saUXeDJpZL
— Xavier Dolan (@XDolan) April 12, 2015
Avec son allure fluette et ses mimiques espiègles, sa chevelure blonde et sa mine diaphane, c’est peu dire que l’ex-gloire du grand écran a durablement inscrit son nom et sa silhouette dans les fondations de la culture populaire. Une prouesse d’autant plus incroyable qu’il n’a fallu qu’une poignée de longs métrages, tournés entre 1990 et 1994, pour façonner cette empreinte indélébile et assoir son ultra célébrité. Avec à la clé: une série de personnages qui, in fine, n’en font qu’un.
Aujourd’hui (quasi) hors circuit, à l’exception d’apparitions absconses, le comédien de 36 ans continue pourtant de nourrir l’appétit gargantuesque des tabloïds, prêts à lancer les ragots les plus farfelus à son endroit. On le découvre ainsi émacié et épuisé devant l’objectif des paparazzis. On lui prête une consommation accrue de stupéfiants. On le traque à la moindre occasion. Sans relâche. Il y a presque une fascination malsaine à scruter les dérives de celui qui avait jadis un visage angélique. Un visage garant d’un avenir qui s'annonçait flamboyant et baigné d’une lumière inextinguible. «Dès que j’ai eu beaucoup de succès, vers 10 ans, je me suis fixé une ligne de conduite. D’un côté il y a Mac, l’homme; de l’autre il y a Macaulay Culkin, l’acteur, le personnage public. Faites ce que vous voulez de ce dernier. Fantasmez. Traînez-le dans la boue. Le plus important, c’est que je sais qui est Mac, ce qu’il fait dans la vie», a-t-il craché il y a quelques mois aux Inrocks, las des spéculations.
La traîtrise du vieillissement
En réalité, ce qu’était et représentait Macaulay Culkin semble, ni plus ni moins, manquer à tous. C’est à croire qu’on reprocherait à l’intéressé, d’une certaine manière, d’avoir grandi, d’être devenu un adulte, d’avoir abandonné un public orphelin. Car oui, depuis sa sortie des radars, aucune relève n’a été assurée, aucun SAV n’a tenu la distance. Sans préavis, il s’en est allé voguer vers d’autres horizons, les stigmates d’une gloire toxique plein la peau. Nous avons fébrilement attendu la suite. Qui allait être le prochain Macaulay, capable de séduire dans le monde entier et d’aligner des succès (souvent liés à la location, au vidéo club, quand il en existait encore tant) tels que My Girl, Richie Rich et autre Rends la monnaie, papa? Qui? Tous ces films qui nous rendaient insouciants, qui nous faisaient rêver, qui mettaient du pep’s les mercredis après-midi. Tous ces films en forme de madeleine de Proust qu’on continue de revoir, en espérant secrètement y caresser une dernière fois notre innocence perdue.
Alors que le monde connait des horreurs de plus en plus insoutenables et que tomber sur un journal télévisé fait exploser le cours du Lexomil en bourse, l’enfance d’aujourd’hui a clairement besoin d’un nouveau héros. Sans vouloir minimiser les travaux de Pixar et autres Laïka, superbes fournisseurs de féérie, ou les épopées Harry Potter, Twilight ou Divergente
L’ingéniosité de Maman, j’ai raté l’avion
Plus qu’un film culte, Maman, j’ai raté l’avion est une véritable institution qui se résume souvent à un seul et unique cri: «Keviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin!». Celui de la mère McCallister, pleurant dans l’engin qui l’amène en vacances à Paris après avoir oublié son adorable rejeton dans la demeure familiale cossue de Chicago. A l’approche de Noël, au lieu de jouir de moments familiaux, le petit protagoniste formidablement campé par Macaulay Culkin se retrouve ainsi face à ce qui fait d’ordinaire trembler tous les mômes, dans les contes comme dans la vraie vie: être abandonné par les siens, affronter la solitude dans une immense demeure pleine de couloirs et se frotter à deux brigands, Joe Pesci inclus, prêts à tout pour cambrioler la maisonnée.
Tourné pour 18 millions de dollars, ce divertissement familial de Chris Colombus en rapportera 476 millions à travers le monde, mettant en lumière deux principes forts: l’ingéniosité et la débrouillardise. Les enfants de la planète entière se sont en effet passionnés pour les mécanismes de défense du petit Kevin, qui a réussi à transformer son antre en champ de guerre –comme le remarque notamment l’auteur Christophe Beney dans son ouvrage La démocratie est un art martial. S’il est vrai que les sévices infligés aux malfrats sont multiples – découvrez sans hésiter la vidéo jouissive du Dr. Adam Friedlander pour le site Screenjunkie –, le scénario montre qu’en activant son ciboulot à plein régime, loin des smartphones, des consoles de jeu et autres applications débilitantes, tout problème a sa solution.
L’argent ne fait pas le bonheur dans Richie Rich
Richie Rich
Dans une planète où l’appât du gain est un virus qui se propage au mépris de tout, où une partie de la jeunesse cherche la gloire et l’argent faciles, où les radios inondent les oreilles de tubes évoquant «money», «dollar», «luxuary» – bonjour par exemple Rihanna ou Lil Wayne et son Get Money –, où la télé-réalité loue les vertus supposément magnifiques de l’opulence (merci à la sobriété légendaire de la famille Kardashian), c’est bien de redire aux enfants que la grandeur d’une âme ne se mesure pas au montant d’un compte en banque. Que le matériel ne rime pas avec la plénitude. Que ce n’est pas si grave de ne pas avoir une Rolex. C’est ce que rappelle en tout cas l’efficace comédie Richie Rich de Donald Petrie, inspirée du personnage homonyme édité par Harvey Comics.
Souvenez-vous, Macaulay Culkin y prête ses traits au prochain enfant le plus riche du monde. Futur héritier d’une fortune s’élevant à 70 milliards de dollars. Dans son jardin géant, il possède son propre terrain de base-ball (option coach personnel), un parc d’attractions et même un espace où se pose de temps en temps un hélicoptère. A l’intérieur: une table à manger kilométrique avec des serviteurs qui lui offrent les meilleurs mets, une chambre enviable, une salle de sport (avec Claudia Schiffer dedans, si, si…), un McDo… En somme: tout ce dont rêve n’importe quel mioche. Et pourtant, Richie n’a pas d’amis. Son bonheur apparent n’est que caduc. Il devra ainsi se confronter à des situations ardues et comprendre que les accomplissements, l’amour de son prochain et la loyauté en amitié ont une valeur inestimable. Un message qui rejoint le proverbe chinois suivant: «L’argent est une richesse morte, les enfants sont une richesse vivante.»
L'amour exaltant et pur dans My Girl
My Girl
Au-delà du fait d’avoir donné une image de serial-killeuses aux abeilles, My Girl de Howard Zieff a proposé aux spectateurs de vivre une histoire d’amour extraordinaire entre deux adorables gamins. Une idylle touchante qui s’est accompagnée d’un tube interplanétaire du groupe de soul et rhythm and blues The Temptations. Lequel a fait danser des colonies d’amoureux dans toutes les boums du globe terrestre. Bah quoi, ne faites pas les innocents: personne n’a échappé au fredonnement de «I guess you'd say, what can make me feel this way?, My girl». Dans le rôle de Thomas J. Sennett, Macaulay Culkin fait une nouvelle fois des étincelles. Impossible de ne pas s’identifier à ses réactions, à ses joues rosissant, à ses ânonnements, face à l’être aimé. En l’occurrence: la belle Vada – inoubliable Anna Chlumsky –, une jeune fille garçon manqué et un brin hypocondriaque.
Au gré d’une parenthèse magique, ce duo va résonner durablement dans les cœurs du public et actionner une forme de passage de l’enfance à l’adolescence. Culkin cartographie sur son visage, au fil du récit, tous les émois propres à ces périodes charnières où un individu se construit. Tout se passe durant l’été. Un été sans Snapchat, sans SMS et émoticons, sans Facebook, sans chasse aux Pokémon. Non, rien de tout ça. Ici, tout rime avec les stridulations des insectes et la chaleur bienveillante des rayons du soleil. L’enfance se résume simplement à des discussions bucoliques, se soldant avec un premier baiser anthologique, à des balades à bicyclettes, à des plongeons depuis un ponton et tutti quanti. Il y a quelque chose d’indubitablement réconfortant à voir ces deux bouilles se mouvoir dans ce monde disparu. Qui sera le prochain Macaulay Culkin? Et la nostalgie nous empêchera-t-elle de le trouver?