A regarder, notre premier diaporama «Grand Format»: un an depuis l'élection de Barack Obama, 12 photos plein écran.
Cet article a initialement été publié sur Slate.com le soir des élections locales, le 3 novembre, puis mis à jour le lendemain, après la publication des résultats du 23e district de l'Etat de New York.
Le message de changement du président Obama en 2008 était si puissant que les électeurs s'y sont accrochés pendant un an. En Virginie et dans le New Jersey, ils ont abandonné le Parti démocrate au pouvoir et ont soutenu les candidats républicains. Dans le New Jersey, les votants ont affirmé que le changement était le critère qui primait dans leur choix du gouverneur.
Chris Christie a remporté la bataille électorale avec plus de 50% des voix. (L'élection spéciale dans le 23ème district (circonscription électorale) du nord de l'Etat de New York - très attendue -, où Douglas Hoffman s'est présenté comme un «outsider» incarnant le changement, était trop proche pour qu'on puisse faire des pronostics). Les républicains ont gagné leur soirée. Leurs candidats sont sortis vainqueurs, mais mieux encore, ils ont gagné en crédibilité - et dieu sait s'ils en ont besoin. Le Parti républicain est mal vu. Dans divers sondages, le nombre de personnes prêtes à reconnaître qu'elles soutiennent le Parti républicain est au plus bas depuis 25 ans.
Les républicains de Washington tentent de donner une dimension nationale à ces élections locales: les électeurs sanctionnent la politique d'Obama, expliquent-ils. C'est une extrapolation. Aucun candidat républicain n'a voulu se présenter contre Obama. (En Virginie, Bob McDonnell avait d'ailleurs fait l'éloge d'Obama quand il a reçu le prix Nobel de la paix.) Mais tout ce discours autour d'Obama brouille un message plus important: pour le parti républicain, la conclusion la plus percutante qui se dégage des élections de 2009 est que les électeurs adhèrent aux idées républicaines. Le Parti républicain est vainqueur dans un Etat violet [ni rouge (républicain), ni bleu (démocrate) où démocrates et républicains sont au coude à coude] et dans un traditionnel bastion démocrate.
Les candidats républicains ont conquis les indépendants. Dans le New Jersey comme en Virginie, ils ont gagné avec 50 % des voix. Les électeurs indépendants constituent la plus grosse part de leur électorat depuis que les sondages les prennent en compte. En 2006 et en 2008, ces électeurs avaient soutenu les démocrates au Congrès, et à la présidentielle de 2008, ils ont été 21% à voter pour Obama contre 47% pour John McCain. Cependant, insatisfaits des résultats de Barack Obama, ils ont un goût amer dans la bouche depuis qu'il est président. En Virginie, Obama avait recueilli 48% des suffrages des indépendants. Le républicain Bob McDonnell, lui, a raflé 68% des voix «indépendantes» cette fois. Dans le New Jersey, Chris Christie a remporté 58% des suffrages des électeurs indépendants contre 31 % de voix indépendantes attribuées aux démocrates. Ce qui l'a aidé à surmonter le fait que cet Etat compte officiellement 700.000 démocrates de plus que de républicains.
Pour les républicains, gagner le soutien des électeurs indépendants est important, car les démocrates veulent montrer que leurs adversaires s'attirent le soutien des plus extrémistes. Or, les indépendants, qui rejettent généralement toute forme d'extrémisme ne voteraient pas républicain si c'était le cas.
Le Parti républicain n'a plus qu'à espérer que l'élection à la Chambre des représentants du 23ème district de l'Etat de New York, quel que soit son résultat, retiendra moins l'attention. Evidemment, les conservateurs populistes veulent le contraire. A leurs yeux, une victoire de l'«outsider» conservateur Douglas Hoffman serait l'étincelle qui ferait rejaillir le feu d'un «Grand réalignement national». Pourquoi pas? Mais ce ne sera pas beau à voir d'ici à ce que cela se produise, car les conservateurs se chamailleront avec les modérés et les «internes» du parti se querelleront avec les outsiders qui ont leur propre style. Car les querelles intestines ne manquent pas au sein du Parti républicain. Le dernier conflit en date s'est produit entre le sénateur Olympia Snowe et le gouverneur du Minnesota, Tim Pawlenty sur la position que le parti doit adopter par rapport à la réforme santé.
L'élection de l'Etat de New York a déjà divisé le parti, opposant Sarah Palin et Fred Thompson à Newt Gingrich et le Comité national républicain. Une victoire des conservateurs impliquerait sans doute encore des « tests de pureté» alors que le Parti conservateur cherche à renouveler ses succès. Tous les candidats à la présidentielle qui souhaitent prouver son appartenance au Parti conservateur chercheront des occasions dans des élections à venir, comme celle du 23ème district de l'Etat de New York, pour affronter les candidats «idéologiquement impurs». S'agissant du district du nord de New York, où Sarah Palin pouvait intervenir avec succès, cela aurait pu fonctionner. Mais ailleurs, rien n'est moins sûr. En Virginie, par exemple, McDonnell n'a pas voulu du soutien de Palin.
Cette soirée électorale n'était pas un référendum portant sur l'action d'Obama. Chaque scrutin comportait des enjeux locaux - impôts dans le New Jersey et transports en Virginie - et les candidats en lice ont leurs défauts. Une nette majorité d'électeurs du New Jersey et de la Virginie disent que leur choix n'a pas été dicté par la politique du président. Les 60% d'Américains qui ont affirmé cela dans le New Jersey représentent pratiquement la même proportion d'électeurs qui ont déclaré la même chose au New York Times à propos de George Bush, à la veille des élections des gouverneurs de 2005. 39 % des électeurs ont dit faire un vote sanction à l'encontre du président (même si, à l'époque, Bush bénéficiait de 39 % d'opinions favorables, soit 12 point de moins que Barack Obama aujourd'hui).
Mais malgré tout, la soirée électorale n'a pas dû être très agréable pour Obama. Les électeurs sont inquiets à propos de l'économie: dans le New Jersey et en Virginie, ils ont indiqué que l'économie était leur principale préoccupation. Ces votants ont très majoritairement voté républicain - ce qui ne présage rien de bon pour Obama et les démocrates à l'horizon 2010. A moins, bien sûr, que la situation de l'emploi bascule dans le bon sens. Un sondage réalisé le jour des élections par Democracy Corps a tiré la sonnette d'alarme. Dans les 60 circonscriptions du Congrès les plus serrées, les républicains ont fait un peu mieux que les démocrates sur l'économie, notamment en ce qui concerne les messages axés sur le déficit.
Autre fait peu rassurant pour Obama et les démocrates en vue des élections de 2010: le taux de participation côté démocrate est plutôt timide. Tout le monde savait que les démocrates qui ont soutenu Obama en 2008 n'iraient pas voter. Le président s'était justement rendu dans le New Jersey et en Virginie en partie pour pousser la base démocrate à aller aux urnes. Le nombre de jeunes électeurs et d'Afro-Américains, lesquels avaient représenté un large soutien à Obama lors de la présidentielle, était décevant pour les deux élections. En Virginie, le taux de participation des Noirs américains était de 15% (contre 20% en 2008). Les Américains entre 18 et 29 ans n'ont été que 10% à voter. C'est une baisse de plus de 50% par rapport à l'année dernière.
A l'heure du débat sur la réforme de la santé, le taux de participation est crucial. Si les démocrates commencent à se dire qu'Obama ne pourra pas les aider - ou au moins les protéger -, lors de l'élection de l'année prochaine, ils se sentiront moins obligés de voter pour lui. S'ils doivent faire un choix électoral difficile, ils se méfieront de sa promesse de leur offrir une protection sociale. Ils observeront de près l'expérience du New Jersey. Comme le gouverneur sortant Jon Corzine l'a expliqué à Politico: «Si le président Obama a fait campagne pour les démocrates, c'était pour mobiliser la base». Ces derniers mois, Obama s'est déplacé cinq fois pour soutenir Corzine. Dimanche, il a fait deux visites pour mobiliser ses plus fervents partisans.
Le président peut toujours se défendre en disant qu'il a plus d'influence sur les enjeux qui alimenteront le débat national à l'occasion des élections de mi-mandat de 2010. Et qu'il ne faisait pas partie des candidats concurrents en 2009. Mais les membres du Congrès sont une bande de nerveux, et cette situation de défaite les rendra encore plus nerveux!
Les partisans démocrates s'efforçant de chasser de leur esprit les résultats électoraux se sont peut-être évadés en regardant By the People, qui passait sur HBO mardi soir. Ce documentaire relate la victoire historique d'Obama il y a un an jusqu'aujourd'hui pratiquement. Mais les images des promesses de changement d'Obama semblaient déconnectées de la petite politique habituelle du cycle électoral de cette année - et de la grande politique de l'année prochaine.
Le changement n'est au rendez-vous. Peut-être nous livrait-on un message plus juste sur la chaîne Nova. Une émission retraçant l'histoire de l'évolution de l'homme il y a plus de 3,2 millions d'années transmettait en creux le message suivant: le changement prend du temps.
Mise à jour du 4 novembre
Le démocrate Bill Owens a été élu à la Chambre des représentants du 23ème district de l'Etat de New York. Il est le premier de son parti à occuper ce siège depuis la guerre de Sécession. Il s'agit d'une défaite pour les conservateurs populistes qui avaient soutenu le conservateur Doug Hoffman. Mais les républicains qui veulent garder un parti large en favorisant les candidats ayant les mêmes préoccupations que leur électorat et non les conservateurs plus extrêmes, voient peut-être cette victoire d'un bon œil. Newt Gingrich a expliqué qu'en éliminant les candidats contestataires du parti (c'est finalement ce qui s'est passé chez les républicains dans cette élection), cela garantirait la réélection de Barack Obama et assurerait à Nancy Pelosi de rester à son poste de présidente du Congrès ad vitam aeternam, car le candidat purement conservateur ne serait pas capable de gagner dans les circonscriptions plus modérées.
Cette victoire est également une bonne nouvelle pour le vice-président Joe Biden. Il a effectué un déplacement de dernière minute pour apporter son soutien à Bill Owens. Certains ont trouvé l'initiative risquée. L'opposition s'était carrément moquée de lui. L'ancien sénateur Fred Thompson lui a envoyé une méchante pique: «Vous savez, le boulot du vice-président, c'est d'assister aux enterrements. Il a dû arriver avec un jour d'avance». Pendant sa visite, Biden a riposté, prenant à partie Sarah Palin, soutien de Hoffman. Au sujet de la politique énergétique, il a dit en forme de raillerie: «Sarah Palin croit que pour mieux gérer l'énergie, «il faut forer, bon sang, forer...». Ah... c'est bien plus complexe que ça, Sarah».
Nullement ébranlée par cette critique, Palin a écrit sur sa page Facebook: «La course pour le 23ème district n'est pas terminée; elle est seulement reportée à 2010. [...] Aux militants patriotes qui ont travaillé sans relâche au cours de cette élection et aux futurs citoyens qui se porteront candidats, comme Doug, je souhaite rappeler les paroles d'encouragement de Reagan après sa défaite de 1976: «Nous continuerons à défendre notre cause. Ne devenez pas cyniques. Car regardez ce que vous aviez envie de faire, et dites-vous qu'il y a des millions et des millions d'Américains dans ce pays qui veulent la même chose que vous, qui voient les choses de la même façon, qui veulent voir une ville resplendissante sur une colline». Nous continuerons à défendre notre cause.»
John Dickerson
Traduit par Micha Cziffra
Image de Une: Barack Obama Larry Downing / Reuters