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Le Baloutchistan, fragile et explosif

Temps de lecture : 2 min

La province pakistanaise est un terrain de jeu pour islamistes, militaires pakistanais, talibans, Américains, Indiens...

un paramilitaire pakistanais à Quetta, la capitale du Balouchistan, en août 2008. REUTERS
un paramilitaire pakistanais à Quetta, la capitale du Balouchistan, en août 2008. REUTERS

Dans la violence qui embrase le Pakistan, c'est une guerre oubliée qui ne fait la une de la presse que sporadiquement. L'assassinat récent du ministre de l'Education de la province pakistanaise du Baloutchistan est un de ces événements qui brièvement projette un peu de lumière sur une situation «alarmante et qui se détériore chaque jour», affirme dans un compte rendu de mission Asma Jehangir, présidente très respectée de la Commission des Droits de l'Homme du Pakistan. Plus grande province du pays (40% de sa superficie) mais la moins peuplée (6% de ses 170 millions d'habitants), le Baloutchistan est en rébellion depuis de nombreuses années. Les Baloutches accusent non sans raison le pouvoir central d'Islamabad de piller les ressources de la province — notamment riche en minerais et gaz — et de leur dénier leurs droits.

Province la moins développée du pays, longtemps ignorée du pouvoir central, le Baloutchistan, frontalier de l'Iran et de l'Afghanistan a toutefois une importance stratégique non négligeable. Washington accuse Islamabad de fermer les yeux sur la présence, selon les renseignements américains dans la capitale de la province Quetta, des principaux chefs talibans afghans dont Mollah Mohammad Omar. Téhéran accuse aussi Islamabad d'abriter au Baloutchistan les militants du mouvement Jundollah récemment accusés du meurtre près de la frontière pakistanaise de plusieurs responsables des gardiens de la révolution iraniens.

L'inertie des autorités malgré les promesses qui avaient suivies le retour d'un gouvernement civil en février 2008, la féroce répression menée par l'armée et les services de sécurité contre tout baloutche soupçonné de velléité d'opposition a radicalisé la jeunesse qui pour une part a pris les armes.

L'assassinat du ministre de l'Education du gouvernement provincial — le deuxième ministre tué en deux mois — a été revendiqué par le BLUF (Front Uni de Libération du Baloutchistan). Ce mouvement s'était fait connaître en février en revendiquant l'enlèvement à Quetta d'un haut responsable des Nations-Unies, l'Américain John Solecki, directeur du bureau du haut Commissariat aux Réfugiés. Le BLUF réclamait contre sa libération, la remise en liberté de centaines de baloutches «disparus» dans les geôles des organes de sécurité. John Solecki a été libéré en avril après intervention de nationalistes baloutches auprès du BLUF. Mais trois de ces nationalistes ont ensuite été enlevés, torturés et tués, par les agences de sécurité, accusent les baloutches.

Malgré le retour d'un gouvernement démocratiquement élu, «c'est toujours l'armée qui dicte sa loi au Baloutchistan», affirme Asma Jahangir qui souligne «la poursuite des disparitions, des arrestations arbitraires et des tortures  qui poussent un grand nombre de Baloutches au désespoir». Les nationalistes armés se livrent pour leur part depuis plusieurs mois à des assassinats de personnalités d'ethnie non baloutche, pendjabie en majorité. Une cinquantaine de personnes — professeurs, hommes d'affaires, responsables politiques — ont été tués depuis le début 2009 dans des attentats ciblés visant à faire partir de la province les non baloutches.

Cette situation explosive menace l'intégrité du Pakistan à un moment où les attentats des militants extrémistes islamistes fragilisent le gouvernement. La tentation de l'indépendance, opposée à l'autonomie réclamée par leurs pères, est celle d'une grande partie d'une jeunesse baloutche qui estime n'avoir plus rien à perdre. Ignorer plus longtemps les griefs des Baloutches est d'autant plus dangereux pour Islamabad que le Baloutchistan est devenu un terrain d'intervention à la fois de l'Inde qui aide financièrement les nationalistes, des services afghans et iraniens sans compter les menaces américaines d'employer les avions sans pilotes drones pour «éliminer» les chefs talibans.

Françoise Chipaux

Image de une: un paramilitaire pakistanais à Quetta, la capitale du Balouchistan, en août 2008. REUTERS

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