Culture

A partir de quand votre soutif est-il sale?

Temps de lecture : 5 min

Ne jetez pas la pierre à celles qui refusent de laver leur soutien-gorge tous les jours.

Soutiens-gorge sur un fil. r. nial bradshaw via Flickr CC
Soutiens-gorge sur un fil. r. nial bradshaw via Flickr CC

Un soutien-gorge contient, outre une paire de seins, au moins deux paradoxes. Le premier est que si la plupart des femmes ont l’impression qu’elles ont besoin d’en porter un pour se sentir soutenues, beaucoup les détestent car ils sont parfois inconfortables et il est vraiment difficile d’en trouver à la bonne taille (je parie que plus vous avez besoin d’un soutien-gorge, plus vous êtes susceptible de ne pas les aimer). L’autre paradoxe est que les soutiens-gorge recouvrent notre peau et côtoient les glandes sudoripares de nos aisselles, et pourtant une femme normale lave son soutien-gorge bien moins fréquemment que sa culotte ou même son chemisier. Le temps de port normal d’un soutien-gorge avant nettoyage, ai-je déterminé après m’être consultée et avoir interrogé d’autres femmes sur leurs habitudes, est d’une à deux semaines. Comme la plupart des femmes possèdent plusieurs soutiens-gorge, cela signifie qu’une femme normale peut ne faire une lessive de soutiens-gorge qu’une fois par mois, voire moins souvent encore.

Je sais déjà que cette nouvelle va faire monter certains lecteurs de Slate au rideau. En 2009 Emily Yoffe, chroniqueuse de la rubrique de conseils de Slate.com Dear Prudence, avait répondu à un lecteur révulsé par le fait que sa petite amie ait porté le même soutien-gorge tous les jours deux semaines. Son conseil?

«Le comportement de votre petite amie est parfaitement normal, il n’est ni antihygiénique, ni répugnant.»

Une fronde de lecteurs s'était alors levée. Un fidèle de Dear Prudence avait répondu:

«J’ai passé ma journée à appeler 92 femmes, de 16 à 85 ans, collègues, famille, voisines, inconnues et je n’en ai trouvé aucune qui portait son soutien-gorge plus d’une fois après l’avoir lavé.»

Un autre lecteur —mansplainer [un homme qui explique aux femmes ce qu'elles doivent faire avec condescendance, NdlT] avant son temps— avait informé Prudie:

«Quand un homme porte un t-shirt une journée, il le met dans le bac de linge sale. Une femme devrait faire la même chose avec son soutien-gorge.»

Deux ou trois soutiens-gorge, en alternance

Cet argument est problématique à plusieurs titres. Tout d’abord, la plupart des femmes ont moins de soutiens-gorge que de t-shirt. Les soutiens-gorge coûtent cher et, comme on l’a vu plus haut, la plupart des femmes éprouvent des sentiments contradictoires à leur sujet. Nous ne sommes pas particulièrement enclines à dépenser des sommes folles pour agrandir notre collection. J’ai récemment conduit une enquête absolument non-scientifique auprès de plus de 200 collègues femmes, amies et inconnues sur les réseaux sociaux au sujet de leurs soutiens-gorge et leurs habitude de lavage. Quatre-vingt deux pour cent d’entre elles m’ont confié posséder cinq ou moins de cinq soutiens-gorge à usage quotidien (c’est-à-dire pas de sport) qu’elles portaient en alternance. Quarante-sept pour cent en possédaient trois ou moins. Personnellement, j’en ai généralement deux ou trois que je porte régulièrement.

Si nous lavions nos soutiens-gorge après chaque utilisation, nous ferions une ou deux lessives par semaine, peut-être même tous les deux jours. La plupart des gens n’ont ni le temps ni l’envie de faire des machines aussi souvent —surtout celles qui suivent les recommandations de tous les fabricants de soutiens-gorge et les lavent à la main.

En tant que personne qui a récemment tenté de prendre mieux soin de ses soutiens-gorge en suivant justement ce conseil, je peux affirmer que les laver à la main est un supplice. Cela nécessite du temps et de l’huile de coude, et ça se termine quasiment à chaque fois avec beaucoup d’eau par terre. Et c'est encore plus une corvée de laver des soutifs à la main que d’autres vêtements à cause de leurs baleines, leurs mousses et autres formes tarabiscotées. On ne peut pas essorer un soutien-gorge en le compressant, il faut donc le faire sécher à l’air libre encore plus longtemps. On comprend pourquoi les femmes qui lavent les leurs à la main repoussent au maximum cette épreuve éreintante et désagréable.

Le lavage rapproche le soutien-gorge de l’état de chose molle et grisâtre qui ne remonte ni ne soutient rien

«Tu me prends pour une blanchisseuse ou quoi?»

Il se trouve que de nombreuses femmes ne s’en donnent pas la peine. Lorsque j’ai interrogé un groupe de collègues pour savoir si elles lavaient leurs soutiens-gorge à la main, l'une d’entre elles m’a répondu, indignée: «Tu me prends pour une blanchisseuse ou quoi?» La plupart des femmes qui ont répondu à mon enquête non-scientifique —82% encore une fois— lavent leurs soutiens-gorge de tous les jours à la machine (beaucoup utilisent des filets pour ne pas qu’ils s’accrochent à d’autres vêtements ou se tordent). Si vous choisissez de passer vos soutiens-gorge à la machine, cela signifie que vous les lavez aussi souvent que le reste de votre linge, parce que personne ne va lancer une machine juste pour quelques soutifs.

Environ un tiers des femmes qui ont répondu à mon enquête déclarent les laver toutes les deux semaines; presque la moitié d'entre elles le font moins souvent que ça. Et il y a de bonnes raisons pour cela: le lavage détend les soutiens-gorge et les rapproche de l’état de chose molle et grisâtre qui ne remonte ni ne soutient rien. En les lavant le moins souvent possible, nous rallongeons leur durée de vie.

Naturellement, pour des raisons évidentes, les soutiens-gorge de sport sont une tout autre histoire. Après quelques utilisations, un soutien-gorge de sport non-lavé commence à sentir. La plupart des femmes que j’ai interrogées lavent leurs soutiens-gorge de sport soit après chaque séance, soit une fois par semaine (et presque toutes, 94%, les passent à la machine).

Plus souvent en été qu'en hiver

Alors comment les femmes savent-elles quand le moment est venu de nettoyer leur soutif? Si vous transpirez beaucoup, vous ressentirez sûrement le besoin de le laver avant de le remettre (plusieurs femmes m’ont confié qu’elles les lavaient plus souvent en été qu’en hiver). Si vous avez un rendez-vous intime en vue, vous allez peut-être vous assurer que votre soutif est bien propre avant d’y aller, au cas où. Quand un soutien-gorge commence à sentir la moufette, il est évidemment temps de faire quelque chose —mais la plupart des femmes n’attendent pas d’en arriver là. Elles se fient plutôt à leur intuition. Une collègue a décrit un processus qui m’est très familier:

«Je ne sais pas combien de temps s’écoule entre deux lavages. Il y a un genre de baromètre intérieur qui me dit que c’est le moment, je n'y prête pas attention et puis un peu plus tard (des jours? des semaines? qui peut le dire?), je mets une ou deux gouttes de lessive dans un grand saladier, je le remplis d’eau et je fais tremper mes soutiens-gorge. Et puis je les étends pour qu’ils sèchent. Mais il peut se passer littéralement des mois entre deux lessives.»

Si vous êtes un homme et que vous trouvez ça dégueu, je vous recommande fortement de vous en remettre. Si vous êtes une femme et que vous trouvez ça répugnant, je vous suggère humblement de rejoindre vos sœurs qui ne font pas du récurage de soutif une priorité absolue. Les femmes qui laissent passer des semaines ou des mois entre deux lessives de soutiens-gorge ne sont pas d’épouvantables souillons: nous sommes des femmes occupées avec des vies familiales, professionnelles, sociales et sexuelles épanouies. Nous ne sentons pas mauvais. En un mot, nous sommes normales.

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