France

Rama Yade, NKM, Nadine Morano... les divas et les hommes en gris

Temps de lecture : 3 min

Plus vivantes, les femmes du gouvernement prennent un peu plus d'aise que les hommes habitués à vivre dans l'ombre de Sarkozy.

11 février, questions au gouvernement. REUTERS/Pascal Rossignol
11 février, questions au gouvernement. REUTERS/Pascal Rossignol

«On n'est pas encore dans l'indifférenciation des sexes, mais on est en train de chausser des bottes de sept lieux pour y parvenir», écrit Janine Mossuz-Lavau, dans son dernier livre, Guerre des sexes: stop! (Flammarion, 2009). Le champ gouvernemental présenterait-il une exception encore active à l'affirmation de la sociologue? Oui, mais pas celle qu'on attend. Ce n'est pas qu'il y a trop peu de femmes, face au vieux monopole masculin. Ce n'est pas qu'il y a des femmes «Petit Chose», un peu trop discrètes, toujours familières des strapontins. C'est tout le contraire. Il y a bien une plus nette visibilité ou une plus forte présence que l'autre genre dans l'équipe Sarkozy-Fillon. Plus remuantes, et rompant régulièrement, de manière tranchée, la routine de l'actualité. Se faisant remercier bruyamment aussi, mais laissant alors des souvenirs plus marquants.

Le gouvernement ou le temps des femmes. Au-delà du travail ministériel et de l'ambition politique de chacune de ses représentantes, la part féminine de l'équipe aux affaires donne souvent à croire en une sorte de guérilla ouverte, exprimée à coups de butoir, d'éclats ou de nerfs, comme si une certaine urgence commandait, comme si les hommes pouvaient encore changer d'avis, et tenter de reprendre toute leur place. La porte entrouverte, on la pousse d'un mouvement large, tant qu'à faire, et on se préoccupe surtout de la maintenir bloquée.

Remaniement après les régionales

Bien sûr, ces semaines-ci, domine ce que l'Elysée appelle «les caprices» de Rama Yade. Sale gosse, enfant gâtée, jamais contente, la secrétaire d'Etat aux sports teste, une nouvelle fois, la capacité de tolérance du Président et du Premier ministre, à son «jeu non collectif». Il a fallu quelques heures aux deux chefs de la majorité pour retrouver leur calme, après que la jeune femme a défendu le maintien du DIC, mesure d'exonération fiscale que Roselyne Bachelot, sa ministre de tutelle, venait pourtant de supprimer. Ce jeudi 5 novembre, les remontrances sont moins vives que la veille. François Fillon se veut pédagogique, dans un entretien au Monde: «les membres du gouvernement sont porteurs de l'intérêt général, pas seulement des intérêts qui s'expriment auprès de leur ministère». A la présidence de la République, dans un effort d'apaisement, on regrette simplement «la difficulté» de la secrétaire d'Etat «à s'insérer dans une équipe, quelle qu'elle soit».

Rama Yade ne sera donc pas renvoyée — pas avant le remaniement qui devrait suivre les élections régionales. Bien plus que lors de ses sorties contre Kadhafi, en 2007, elle a déchaîné contre elle la bronca des ténors de la majorité. A nouveau. Sa réserve, à propos de l'idée de voir Jean Sarkozy nommé à la tête de l'Epad. Ou son refus obstiné de mener la liste de l'UMP aux Européennes en Ile-de-France. On pourrait plaindre Nicolas Sarkozy. Rachida Dati lui a causé tant de souci avant son éviction, qu'il mériterait d'être un peu épargné désormais. Il était tellement fier, en 2007, de ces femmes, si photogéniques et si vivantes, issues des «minorités visibles». Elles ont tellement été ses préférées. Il a été peu récompensé. Même Fadela Amara, la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, doit maintenant lui paraître un peu trop dangereuse.

Exhibitionnisme

C'est évidemment que l'une et l'autre, et sûrement aussi la troisième, ont des comptes à régler. D'origine, d'enfance ou de sexe, on ne sait pas très bien. Dans des genres très différentes, matérialiste-autoritaire pour Rachida Dati, gaucho-cool pour Rama Yade, militant social pour Fadela Amara, elles montrent une même tension. Un même exhibitionnisme de leur nécessité d'exister. On lit souvent à l'intérieur d'elles. Passent leurs humeurs, de très anciennes humiliations, ou un orgueil mal placé.

Mais au moins, elles donnent à lire, à sentir et à ressentir, et en cela, elles sont bien plus proches du corps social, bien moins impersonnelles que les hommes du gouvernement. Parfois, à peine nommées, on ne retient pas bien leurs noms, mais on n'oubliera plus un rire, une indignation non feinte, ou simplement la satisfaction manifeste d'être arrivées là où elles sont. Pour des personnalités comme Bernard Kouchner, Frédéric Mitterrand ou Martin Hirsch, combien d'hommes, en revanche, aussi gris que leurs costumes? Techno et langue de bois. UMP en diable — un style, lisse et confiant, qu'a très bien adopté Eric Besson. Souvent, dans les yeux, la plainte silencieuse de ne pas pouvoir vraiment être soi, pour les hommes, sous le règne de l'homme Sarkozy.

Les femmes du gouvernement n'ont pas cette contrainte. Elles savent d'abord que le chef de l'Etat aime les femmes. Les séduire ou les contredire. Parfois aussi les réduire. Elles le savent aussi compagnon de féminisme, d'une certaine manière. En tout cas, plutôt en paix avec l'autre sexe. Diriger la France en leur compagnonnage lui va bien. Alors, elles prennent un peu plus d'aise que les hommes. Elles sont, à chaque entretien, à chaque sortie, un peu plus elles-mêmes, nature, malice, lassitude ou gourmandise, que leurs homologues masculins. Alliot-Marie, statue d'Etat avec une constance de sévère Mère Courage. Bachelot en rose, formidablement «peuple», tout au contraire de Lagarde, elle aussi résolue. Nadine Morano, tellement «Nadine», populiste et goguenarde. Nathalie Kosiusko-Morizet, initialisée, intelligente, habile, romantique... mais qui a déjà appris ce qu'il en coûte de l'être trop, au club. Jusqu'à Christine Boutin, «la catho», dit-elle elle-même, virée, déjà; qui manque, même à ses anciens opposants du ministère du Logement, apprend-on; et que pourtant on croirait toujours là.

Philippe Boggio

Image de une: 11 février, questions au gouvernement. REUTERS/Pascal Rossignol

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