On sait que les facteurs génétiques peuvent jouer un rôle très important dans la vulnérabilité d'un individu face à la toxicomanie ou aux maladies psychiatriques. L'héritabilité de l'abus de substance oscille entre 40 et 70%, celle des troubles psychiatriques entre 28% (pour le trouble anxieux généralisé) et près de 90% (pour le trouble bipolaire). Deux phénomènes qui se retrouvent souvent associés chez une même personne.
D'où la question que s'est posée une équipe de huit chercheurs en psychiatrie et neurosciences affiliés à deux universités de Saint-Louis aux États-Unis et au King's College de Londres: est-ce possible qu'ils partagent une même base génétique? Oui, c'est très probable, répond leur étude publiée dans la revue en libre accès Frontiers in Genetics.
«Notre travail montre que si quelqu'un est génétiquement prédisposé à une maladie psychiatrique, il est aussi enclin à user de substances licites ou non et à développer un schéma de consommation problématique», résume Caitlin E. Carey, doctorante au BRAINLab de l'université de Washington à Saint-Louis et auteure principale de l'étude.
Modèle prédictif?
Cette recherche est la première à comparer le risque de maladies psychiatriques –dépression, schizophrénie, autisme, hyperactivité et trouble bipolaire– avec celui de l'abus de substance dans une large cohorte (2.573 Américains) sans aucun lien de parenté. Jusqu'à présent, les études sur le sujet se limitaient à des échantillons familiaux qui «compliquaient l'analyse des troubles psychiatriques les moins courants», explique Carey.
Par exemple, difficile de trouver dans une même famille suffisamment de gens souffrant à la fois de schizophrénie –dont la prévalence est estimée à environ 1% de la population– et dépendants à la cocaïne pour établir des données fiables. À l'inverse, la méthode de Carey et al. a pu permettre de «comparer des individus constituant différents degrés de consommation» –de la non-consommation à l'usage sporadique et maîtrisé, jusqu'à la dépendance installée et pathologique– «afin de déterminer s'ils présentaient aussi un risque génétique relativement plus élevé de troubles psychiatriques».
Si cette base génétique commune reste encore à décrypter, l'étude permet de dégager certaines associations particulièrement significatives. Ainsi, la dépression augmente à la fois le risque d'une consommation modérée de cannabis et d'une dépendance sévère à la cocaïne. Le risque schizophrénique semble quant à lui associé à la dépendance autant au cannabis qu'à la cocaïne.
Les chercheurs espèrent désormais plancher sur le pouvoir prédictif de ce «risque polygénique», et voir notamment si les facteurs génétiques de la schizophrénie permettent de prédire sa survenue et sa gravité chez des adolescents consommateurs réguliers de cannabis.