Économie

Automobile: pourquoi Toyota vend une voiture à 250 000 euros?

Temps de lecture : 4 min

Pour redorer son image et faire comme... BMW, Mercedes, Jaguar, Porsche, Audi et Nissan.

Qui, aujourd'hui, n'est pas au courant des déboires de Toyota ? À peine le fabricant d'autos était-il enfin parvenu à la place de numéro un mondial, détrônant la General Motors (MTLQQ), que sa route se retrouva jalonnée de ralentisseurs et autres nids de poules. Pertes financières historiques, procès et rappels aussi tragiques qu'embarrassants se succédèrent. À une époque, tout le monde pensait que Toyota ne pouvait pas se tromper. Et puis soudain, voilà qu'il ne pouvait plus rien en sortir de bon.

Par conséquent, le Tokyo Motor Show de la semaine dernière aurait dû être mis à profit par Toyota pour redorer son blason sur son propre terrain. Toyota partageait tout l'espace avec Honda et Nissan, les deux autres grands constructeurs japonais -mais la triste vérité du salon de Tokyo, qui sert traditionnellement d'exotique forum de lancement à des voitures conceptuelles, est que peu de fabricants internationaux ont déboursé le prix du billet à destination du pays du soleil levant.

Pourtant, l'habituelle loufoquerie énergique, multicolore et futuriste du TMS était au rendez-vous. Hélas, Toyota n'a pas fait beaucoup d'efforts pour se redéfinir face aux récents problèmes auxquels il a été confronté. Certes, un concept de voiture de sport mêlant ancien et nouveauté, et un prototype de voiture électrique ont été présentés. Mais le constructeur a surtout décidé d'utiliser le salon de Tokyo pour exhiber la dernière chose dont Toyota ait besoin en ce moment : une supercar de 500-600 chevaux, conçue pour rivaliser avec Ferrari et Lamborghini.

Elle s'appelle LFA, et tenez-vous bienToyota l'a classée dans la catégorie Lexus. Eh oui, la marque préférée des dentistes du Midwest et des agents de deuxième classe de Hollywood ne se limitera plus à des berlines luxueusement silencieuses et à des crossover SUV veloutés pour mères du nord-est du New Jersey dont la principale activité est de véhiculer leurs enfants d'une activité à l'autre. Aujourd'hui, Lexus aura dans sa gamme une fusée deux portes avec moteur V10 capable de parcourir le célèbre circuit d'essai allemand de Nurburgring en moins de huit minutes. Cela fait un bon moment que les blogs dédiés sont totalement émoustillés par cet impressionnant exemple de méga-voiture, et le salon de Tokyo a fourni l'occasion de passer la plus grande partie de la semaine dernière à examiner la LFA dans ses détails les plus microscopiques.

Comment cette monumentale expression de l'ego a-t-elle réussi à émerger de l'univers guindé de Toyota City ? Il s'agit de la marotte d'Akio Toyoda, petit-fils du fondateur de Toyota, et, depuis le début de cette année, président de l'entreprise. On murmurait que le projet de LFA serait mis de côté un moment étant donné la crise financière mondiale, quelques nécessaires modifications en termes de résultats, l'effondrement de l'industrie automobile et le fait qu'elle sera en vente pour près de 400 000 $US. Mais Akio Toyoda, fan de vitesse qui apparemment n'adhère pas totalement à l'idée que Toyota ferait mieux d'entretenir sa célébrité grâce à la paternité de la meilleure berline familiale 4 cylindres 170 chevaux de la planète, n'est pas de cet avis.

Une critique s'impose d'elle-même : si Toyota n'est même pas capable de créer un tapis de sol sûr et fonctionnel, qu'est-ce qui peut bien lui passer par la tête de s'autoproclamer acteur du marché, hautement ésotérique, des supercars ? Les autres années, la LFA aurait fait figure d'attraction flamboyante, un peu de poudre aux yeux pour fanatiques et ultra-enthousiastes, salve tirée à l'intention de Maranello et du cheval cabré. Cette année, étant donné que l'industrie automobile connaît ses pires chiffres de vente depuis des décennies, la LFA passe plutôt pour une folie, la manifestation d'orgueil d'une entreprise automobile en pleine sortie de route.

D'accord, la LFA est, à en croire les premiers comptes-rendus, une machine d'une spectaculaire qualité. Mais vraiment, c'est la moindre des choses. Ce n'est pas comme si l'on pouvait soupçonner Toyota d'être capable de construire une supercar ratée (cela nécessiterait toute une gymnastique mentale désormais étant donné que cette voiture est réellement impressionnante). La question est : pourquoi Toyota a-t-il choisi ce moment précis pour montrer au monde entier ce qu'il échafaudait dans ses laboratoires secrets ? Une organisation conservatrice, devenue méthodiquement le constructeur automobile dans lequel tout le monde a confiance, dont la direction et les pratiques industrielles sont supposées inspirer tous les autres ? Et pourtant, la conclusion du Tokyo Motor Show est que Toyota a consacré tout son cœur et son énergie à l'expression type d'un produit de niche.

La LFA était sans doute destinée à sauver le Tokyo Motor Show, et on peut au moins reconnaître ce mérite à Toyota. Mais si le vent ne tourne pas pour le constructeur, d'autres spectacles de ce type ne feront qu'apporter de l'eau au moulin des nouveaux détracteurs de Toyota. Il reste encore une foule de salons de l'automobile cette année et l'année prochaine pour rectifier le tir. Mais pour le moment, Toyota a simplement l'air de partir en vrille.

Amateur de supercars japonaises ? Jetez donc un œil sur ces petites vidéos alléchantes de la LFA.

Matthew DeBord

Article traduit par Bérengère Viennot

Lire également sur un sujet proche: Des berlines surpuissantes pour frimer... discret

Image de Une: La Lexus LFA Copyright Lexus

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