Quels sont les collectionneurs et les galeries qui dominent le marché? Quel est l'artiste de l'année, celui qui a fait le plus parler de lui ou tout simplement vendu le plus? Quelles sont les personnalités qui font vraiment un marché de l'art devenu à la fois erratique, planétaire et même parfois incohérent? Chaque année depuis 2002, le magazine anglais Art Review tente d'apporter des réponses à ces questions en proposant un classement des cent personnalités qui ont compté pour l'art.
La liste 2008 avait célébré le triomphe des artistes et particulièrement de Damien Hirst. Le Britannique premier l'an passé, est retombé cette année, à la 48éme place. Est ce une réaction au syndrome de l'artiste super star dans une période économique plus difficile? Peut être. Pas sûr. L'artiste avait connu une année 2008 fantastique. Science, l'entreprise qui lui appartient et produit ses oeuvres, avait ramassé lors d'une la vente directe organisée chez Sotheby's 111 millions de livres en septembre 2008... le jour même de l'annonce de la faillite de la banque américaine Lehmann Brothers. Difficile de faire mieux d'autant que sa dernière exposition qui vient de débuter à la Wallace Collection à Londres est fraichement accueillie par les critiques en dépit des 250.000 livres payée par Hirst pour rénover les salles.
Certains artistes parviennent eux à rester d'année en année dans le haut du classement et à durer. Après son (2ème) lion d'or gagné à la Biennale de Venise cette année, l'Américain Bruce Nauman se retrouve à la 10e place, Jeff Koons dont l'exposition polémique à Versailles l'a fait connaître au grand public français est 13éme, le japonais Takashi Murakami est 17ème. Jasper Johns qui était 9ème en 2008 glisse à la 74éme place. Inutile de chercher un artiste français dans la liste il n'y en a pas. La première artiste qui pourrait s'apparenter à une française parce que née en France, Louise Bourgeois, est 75éme. Mais cela fait longtemps qu'elle est considérée comme une artiste américaine.
En revanche, ce qui est vraiment notable cette année, c'est la reconnaissance et le retour en force des conservateurs au tout premier plan du classement. Numéro un, le suisse Hans Ulrich Obrist, critique et co-directeur des expositions à la Serpentine Gallery le musée situé au cœur de Hyde Park à Londres. Glenn Lowry, le directeur du MoMA, le musée de New York, est deuxième; l'an passé il était sorti de la liste en n'étant meme pas cité. Le 3ème place revient à Sir Nicholas Serota, directeur du Tate Museum. Autre belle entrée, Daniel Birnbaum, à la fois conservateur et critique, responsable cette année de la Biennale de Venise est à la 4éme place. Comme le remarque Mark Rappolt de l'Art Review dans le quotidien anglais the Independent: «Les personnes qui sont au plus haut sont celles qui sont adaptables et peuvent faire face à un monde en pleine mutation. C'est en partie à cause de la récession, mais cela se serait passé de toute façon, parce que vous devez être flexible pour travailler à un niveau mondial».
L'autre catégorie qui a connu quelques bouleversements, est celle des collectionneurs et les galeristes. Selon Art Review «l'agitation financière des 12 derniers mois a soufflé et pas moins d'un tiers des noms de l'an passé a disparu». Mais certains semblent traverser la crise presque sans douleur. A commencer par le tycoon Larry Gagosian, l'homme d'affaires américain qui dirige pas moins de 7 galleries à travers le monde vient d'ouvrir un nouveau point de vente, qui s'apparente plus d'ailleurs à une boutique de merchandising, à New York et a peut être un autre projet pour Paris. Il est le cinquième du classement suivi par... François Pinault., 6ème.
L'homme d'affaires Français a réussi à se maintenir dans le top dix en trouvant année apres année de nouveaux lieux pour exposer ses quelques 2 000 pièces d'art contemporain. Son rival Bernard Arnault est lui seulement 49ème avant peut être de connaître une remontée spéculaire l'année prochaine avec l'ouverture de sa fondation Frank Gehry au Jardin d'Acclimation à Paris. La bataille d'ego ne va pas s'arrêter.
La 100éme place enfin, est toujours réservée à une personnalité physique ou même morale en marge. L'an passé, il s'agissait du peintre américain Thomas Kinkade qui s'auto proclame «peintre de la lumière» et dont les toiles renvoient à des composition bucoliques hors du temps. En 2006, c'était à Google que la place avait été attribuée pour sa contribution au monde de l'art. Cette année c'est Glenn Beck le présentateur ultra réactionnaire de la chaine d'information en continu Fox News qui clame régulièrement que l'art actuel est «dégénéré»... C'est normal, il ne le comprend pas comme ceux qui en Allemagne dans les années 1930 jugeaient aussi l'art contemporain de l'époque «dégénéré».
Les dix plus puissants
1. Hans Ulrich Obrist
2. Glenn D. Lowry
3. Sir Nicholas Serota
4. Daniel Birnbaum
5. Larry Gagosian
6. François Pinault
7. Eli Broad
8. Anton Vidokle, Julieta Aranda & Brian Kuan Wood
9. Iwona Blazwick
10. Bruce Nauman
Anne de Coninck
Lire également sur le marché de l'art: Après avoir vécu d'illusions, le marché de l'art vivra maintenant d'espoir.
Image de Une: Une installation de Bruce Nauman à la Friedrich Christian Flick Collection de Berlin Reuters