Tech & internet

Comment Apple nous oblige gentiment à acheter toujours plus d'Apple

Temps de lecture : 5 min

Rien ne convient mieux à un produit Apple qu’un autre produit Apple. Le cloud d’Apple est le dénominateur commun –et exclut les appareils des autres compagnies.

Le nouvel Apple Store ouvert sur le site du World Trade Center, le 16 août 2016 | SPENCER PLATT / AFP
Le nouvel Apple Store ouvert sur le site du World Trade Center, le 16 août 2016 | SPENCER PLATT / AFP

Vous voulez changer de chaîne sur votre Apple TV? Tapez sur votre iPhone.

Vous voulez déverrouiller votre Mac? Utilisez votre Apple Watch.

Vous avez envie d’acheter quelque chose en ligne? Touchez le bouton de votre iPhone pour effectuer votre achat via Apple Pay.

Vous avez oublié de fermer la porte, d’éteindre les lumières ou de mettre en marche une caméra de sécurité? Parlez à Siri sur votre Apple TV. Ou, si vous n’êtes pas à la maison, utilisez la nouvelle appli «Home» sur votre iPhone et elle relaiera le message à votre Apple TV. Oh, et si vous voulez demander à votre Mac d’ouvrir un fichier ou de jouer de la musique, vous pouvez aussi le faire avec Siri.

Vous pouvez en faire encore davantage avec iMessage désormais, mais comme ma collègue Lily Hay Newman l’a récemment évoqué, il y a encore une chose, et non des moindres, que vous ne pouvez pas faire: l’utiliser sur un appareil Android.

Tout au long de la suite (manifestement sans fin) des annonces de la Worldwide Developer Conference annuelle d’Apple qui s’est tenue en juin 2016, c’était le thème récurrent: plus vous avez d’appareil Apple, mieux ils travaillent ensemble et plus votre connectée vie sera fluide. Les appareils d’Apple aiment les appareils d’Apple et le logiciel de Cloud de la compagnie est la lingua franca qui les unit –et écarte les appareils des autres compagnies.

Les appareils Apple ont la même voix, celle de Siri

Cette approche de la conception des logiciels et des appareils, qui prend comme priorité la continuité de systèmes propriétaires d’une seule marque au détriment de l’ouverture et de l’interopérabilité, n’est pas neuve et n’est pas spécifique à Apple. Mais elle est la marque de fabrique de la stratégie d’Apple, depuis le début, grâce à son co-fondateur, Steve Jobs. Et peu avant l’été, Tim Cook et sa compagnie lui ont fait franchir un nouveau palier.

Les cinq principaux appareils d’Apple –l’iPhone, l’iPad, le Mac, l’Apple Watch et l’Apple TV – parlent désormais avec la même voix, celle de Siri. OS X ayant été rebaptisé, MacOS, les systèmes partagent désormais la même nomenclature: iOS, macOS, watchOS et tvOS. Mêmes les apps et services de la compagnie convergent, d’Apple Music à Apple Pay en passant par Photos et iMessage qui sont passés indifféremment du mobile à l’ordinateur de bureau au cours des deux dernières années écoulées.

Cette convergence est en cours depuis un certain temps chez Apple, comme partout ailleurs. Bon nombre des fonctions de continuité qu’Apple a révélé avant l’été font écho aux offres d’Android et des appareils sous OS Chrome. De la même manière, l’Echo & Fire TV d’Amazon avait déjà des fonctionnalités qui apparaissent sur l’Apple TV. Et Microsoft a doublé Apple sur sa droite en unifiant ses systèmes d’exploitation mobile et desktop, ce qui est certes un défi moindre lorsque vous ne disposez que d’un nombre relativement restreint d’utilisateurs mobiles.

Apple pense à long terme

Mais ce que la conférence d’Apple a démontré, c’est que la compagnie n’a pas seulement l’intention de rattraper son retard sur ses concurrents. Comme dans d’autres domaines où Apple n’a pas été le précurseur, la marque se positionne sur le long terme. Dans ce cas précis, l’objectif est de contrôler le logiciel qui fait tout fonctionner, de votre téléphone à votre télévision jusqu’à vos appareils ménagers –et enfin même votre voiture.

Pour Apple, ce mouvement visant à consolider son pouvoir et à renforcer les murailles de son empire technologique arrive à point nommé.

J’ai déjà dit, qu’à mon avis, Apple a déjà atteint son sommet –le point culminant de sa domination– et que l’incroyable course en tête de la compagnie dans le monde de l’industrie technologique est sur le point de prendre fin. Il y a à cela de nombreuses raisons, mais la première est que la prédominance d’Apple s’est construite sur un appareil –l’iPhone– qui semble toujours moins excitant à chaque nouveau modèle et qu’elle s’est avérée incapable de reproduire ce succès avec de nouveaux appareils tels que l’iPad, l’Apple Watch ou l’Apple TV.

Une autre menace vient du royaume de l’intelligence artificielle, que Facebook et Google sont désireux de dominer, et qui ne fait pas partie de la culture de l’entreprise Apple et face auquel la compagnie est démunie. La structure hiérarchique d’Apple et son goût du secret ont démontré leur validité pour concevoir des produits splendides et autosuffisants. Mais sa méfiance à l’égard des logiciels ouverts, des expérimentations et de la culture universitaire qui sont associés au champ de l’intelligence artificielle a peut-être empêché Apple de recruter des cerveaux tels de Demis Hassbis de Google ou Yann Lecun de Facebook. Même Microsft et IBM pourraient s’en tirer bien mieux que la firme de Cupertino pour concevoir les algorithmes qui vont façonner le XXIe siècle.

Apple ne lâchera pas

Un autre obstacle pourrait bien être le choix de la compagnie de mettre d’avantage l’accent sur la protection des données. La compagnie a ainsi déclaré que le logiciel d’apprentissage automatique de l’iOS 10 stockera vos données localement, sur votre téléphone, pour éviter de les envoyer sur le cloud. Voilà qui sonne comme une bonne fonction de sécurité, mais elle pourrait aussi limiter le développement des algorithmes de la compagnie.

Apple ne va naturellement pas renoncer. La compagnie va faire de son mieux pour rendre Siri aussi polyvalent que Google Assistant, iMessage aussi futuriste que Facebook Messenger et l’Apple Car aussi sûre que les voitures à pilotage automatique de Google, Uber ou Tesla. À tel point que les assistants virtuels sont une nouvelle plateforme, et que l’amélioration de Siri et son ouverture à de nouvelles applications font partie des premières priorités de la compagnie. Apple a fait le bon choix en décidant de rendre Siri disponible pour des apps extérieures, mais moins que celles ayant accès à Google Now ou à l’Alexa d’Amazon.

Dans le même temps, Apple peut également maintenir ses concurrents aux abois en s’appuyant sur l’immense avantage encore à sa disposition: sa position de leadership dans plusieurs catégories d’appareils. Amazon a peut-être une excellente télévision –mais si vous avez un iPhone, vous préférerez sans doute acheter une Apple TV. Le logiciel d’assistant virtuel de Google est peut-être plus puissant que Siri –mais si Siri est déjà installé sur trois de vos appareils, pourquoi passer chez Google quand vous en achetez un quatrième? Skype a des avantages par rapport à FaceTime, mais votre grand-mère a ce dernier préinstallé sur son iPad. En d’autres termes, Apple peut promouvoir son logiciel en le mettant au centre de toutes les plateformes dont il dispose déjà et s’assurer qu’elles puissent communiquer entre elles –et avec personne d’autre.

Cet article a été publié le 14 juin 2016 sur Slate.com, avant la keynote annonçant le lancement de l'iPhone 7

Newsletters

Le renseignement français doit investir davantage dans l'OSINT

Le renseignement français doit investir davantage dans l'OSINT

[TRIBUNE] Le pays dispose d'un écosystème favorable au développement du renseignement d'origine sources ouvertes. Il serait temps de créer une agence qui lui soit dédiée.

Un homme braque une épicerie avec un vieux pistolet Nintendo

Un homme braque une épicerie avec un vieux pistolet Nintendo

Un accessoire que tous les jeunes des années 1980 ont probablement déjà eu en main.

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

L'infidélité se réinvente.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio