Sciences / France / Parents & enfants

Et si on arrêtait d'être patients avec les anti-vaccins?

Temps de lecture : 5 min

Les Français sont les plus méfiants du monde vis-à-vis de la vaccination, et il n'y a pas de quoi être fiers.

Le 7 juillet 2016 près de Lyon. 
JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP. Fioles de vaccins dans le plus grand lieu de production, recherche et développement de vaccins mondial sur le site de Sanofi Pasteur à Marcy-l'Etoile, près de Lyon.
Le 7 juillet 2016 près de Lyon. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP. Fioles de vaccins dans le plus grand lieu de production, recherche et développement de vaccins mondial sur le site de Sanofi Pasteur à Marcy-l'Etoile, près de Lyon.

C'est un record dont il n'y a pas de quoi être fier: c'est en France que la défiance envers les vaccins est la plus forte. Et il s'agit là du résultat de l'étude la plus complète et aboutie sur l'opinion mondiale, pays par pays, vis-à-vis des vaccins, tous types confondus.

La consultation a été menée entre septembre et décembre 2015 par les chercheurs du Vaccine Confidence Project auprès de 65.000 personnes dans 67 pays. Il en ressort d'abord qu'au niveau mondial, l'importance et l'utilité des vaccins est plutôt reconnue; mais que c'est en Europe (telle que définie par l'OMS) que le scepticisme quant à leur sécurité est le plus fort: sept des dix pays les moins confiants sont européens, aux côtés de la Mongolie et du Japon. C'est en Asie du Sud-Est que les vaccins sont les mieux considérés.

La France remporte donc le titre de championne du scepticisme avec 41% des sondés qui se disent méfiants, 17 % qui doutent de l'efficacité des vaccins et 12 % qui estiment que les vaccins infantiles ne sont pas importants. Un résultat qui a étonné l'auteure de l'étude elle-même, qui livre, toutefois, des éléments d'explications:

«La défiance à l’égard des vaccins est directement liée à celle envers les Etats, et la France est aussi l'un des rares pays européens à maintenir certaines vaccinations obligatoires», commente Heidi Larson.

«En France, ces dernières années, il y a eu une série de controverses liées aux vaccins qui ont fini par éroder la confiance. Il y a eu des soupçons sur les effets secondaires de certains des vaccins, les inquiétudes ont persisté même quand la recherche a démontré qu'il n'y avait aucun lien. Il y avait aussi une méfiance sous-jacente envers le gouvernement».

Référence évidente à la polémique sur le vaccin anti H1N1 et la façon désastreuse don cela a été géré par le gouvernement d'alors.

1998, l'erreur originelle

Interrogé par Europe1, le médecin infectiologue Robert Cohen estime, lui, que la défiance a commencé en 1998, quand Bernard Kouchner, alors secrétaire d'Etat à la santé, a annoncé la suspension de la politique de vaccination systématique contre l'hépatite B dans les collèges. Une décision prise après une polémique sur un lien supposé entre le vaccin et la sclérose en plaque. Alors que TOUS les experts et TOUTES les études n'avaient établi aucun lien de causalité. Pour Robert Cohen, il s'agit là du «péché originel» auquel ont succédé bien d'autres vaines polémiques comme celles sur le vaccin contre le papillomavirus.

C'est donc le gouvernement lui-même et les autorités sanitaires françaises qui ont mis des pièces dans la machine à défiance en multipliant les dysfonctionnements et les décisions équivoques. Mais cela ne doit pas exonérer les anti-vaccins (notamment les plus radicaux) de la vacuité de leurs arguments, de leurs théories plus que bancales et encore moins de leur dangerosité quand ils décident de passer à l'acte et de ne pas vacciner leurs enfants.

Cat il faut oser dire que même s'il s'agit probablement de traiter avec respect et considération ceux et celles qui sont de plus en plus nombreux à mettre en cause la sécurité des vaccins, (et franchement, c'est de plus en plus difficile de rester calme), il convient néanmoins de rappeler que cette défiance ne repose sur rien de concret et devrait au contraire être invalidée par toutes les fois ou les supposés effets secondaires des vaccins ont été scientifiquement démontés.

Le Gardasil a été administré à des dizaines de millions de jeunes filles. Sur une population aussi énorme, il en va d’un pur hasard statistique que quelques-unes meurent peu de temps après leur vaccination

Ainsi, comme le racontait Phil Plait sur Slate, le scandale du Gardasil était parfaitement «bidon»: «en combattant le HPV, le Gardasil permet une diminution radicale de la mortalité et de celle des autres cancers causés par le virus», et «le Gardasil a été administré à des dizaines de millions de jeunes filles. Sur une population aussi énorme, il en va d’un pur hasard statistique que quelques-unes, malheureusement, meurent peu de temps après leur vaccination, sans qu’il n’y ait aucun lien de causalité avec le vaccin». En France, l'Agence du médicament a mené une étude et a conclu que les vaccins contre les infections à papillomavirus n'entraînaient «pas d'augmentation du risque global de survenue de maladies auto-immunes».

Pourtant, les groupes Facebook et les forums qui continuent de hurler au grand complot et appâtent les parents et les jeunes filles indécis, en leur expliquant qu'on va leur injecter de la mort au rat, continuent à pulluler. Et c'est à se taper la tête contre les murs.

Quant à la ferveur des anti-vaccins sur les vaccinations pédiatriques, c'est probablement la plus rageante puisqu'elle n'est pas circonscrite à quelques forums ou groupe de paroles, mais est suivie d'effets. On assiste à une baisse de la vaccination des nouveau-nés, d'où découlent directement la résurgence de foyers épidémiques, la chute du taux de couverture vaccinale et la surmédiatisation de parents se sentant investis d'une mission et prenant les atours d'une Erin Brokovitch en lutte contre le système.

La réponse des pouvoirs à la confirmation apportée par cette étude de généralisation de la défiance vis-vis des vaccinations devra être proportionnée. Et c'est plutôt mal barré.

En janvier 2016, le ministère de la Santé a lancé une consultation citoyenne sur internet dans le cadre du Plan d’action pour la rénovation de la politique vaccinale sur le caractère obligatoire de trois vaccinations (diphtérie, tétanos, poliomyélite). Une initiative qui a tout de la grossière erreur et de l'aveu d'échec.

La politique vaccinale doit être présentée au public comme le fruit d'études scientifiques inébranlables

Quoi de mieux pour entériner un sentiment de défiance que de donner l'impression à la population –et surtout aux anti-vaccins– qu'après tout, le caractère obligatoire des vaccinations, c'était pas une si bonne idée? Cela ne peut qu'instiller l'idée que les pouvoirs publics et les autorités sanitaires sont eux-mêmes hésitants. Alors même que la politique vaccinale, en tant qu'outil essentiel de la protection collective doit au contraire être présentée au public comme le fruit d'études scientifiques inébranlables et justifiée purement et simplement par l'éradication de maladies et les évolutions spectaculaires de la santé infantile.

Cette proposition équivaut plus ou moins à céder au caprice d'un enfant et à lui laisser entendre qu'après tout qu'il suffit de s'époumoner et de casser des trucs pour obtenir gain de cause. D'aucuns estimeront ici que l'analogie a quelque chose d'infantilisant et de dogmatique. Peut-être, en effet. Mais on sait déjà que la patience et la neutralité bienveillante avec laquelle on a traité les anti-vaccins et plus largement les anti-science jusqu'à maintenant n'a que peu porté ses fruits. Céder aux anti-vaccins, même un petit peu, c'est entrouvrir une porte par laquelle s'engouffreront les complotistes de tout poil. Peut-être, sur cette question, est-il temps de commencer à adopter la posture du pater (mater) familias fatigué de toutes ces conneries. Un vaccin, et au lit.

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