France

Le discours hyper-référencé de François Hollande

Temps de lecture : 2 min

Dans un discours d'une heure, le président de la République a déroulé sa vision de la France dans la tourmente terroriste, avec comme point de référence omniprésent, mais jamais cité, un de ses adversaires du camp opposé: Nicolas Sarkozy.

François Hollande au colloque La Démocratie face au terrorisme à Paris, le 8 septembre 2016. Crédit: Elysée.
François Hollande au colloque La Démocratie face au terrorisme à Paris, le 8 septembre 2016. Crédit: Elysée.

Le discours sur la démocratie face au terrorisme de François Hollande, que le président de la République a prononcé jeudi 8 septembre dans le cadre d’un colloque organisé par trois think tanks (la Fondation Jean-Jaurès, Terra Nova et la Fondation européenne d’études progressistes) était très attendu. Non pas tant du point de vue des propositions concrètes, car on savait qu’il ne fallait pas en attendre d’annonce de mesures, que pour la tonalité qu’il était censé imprimer à la campagne présidentielle, pour laquelle il n’a toujours pas officialisé sa candidature.

Un peu comme dans un film pour initiés ou un album référentiel, le discours de François Hollande nécessitait, pour être apprécié à sa juste valeur, une connaissance exhaustive des derniers soubresauts de la pré-campagne présidentielle, en particulier des prises de position des candidats à la primaire de la droite. Le long plaidoyer du président pour l’Etat de droit, qui ne doit pas reculer dans des circonstances exceptionnelles comme la vague d’attentats que connaît le pays, est ainsi une réponse très claire adressée à Nicolas Sarkozy.

L'ancien président était, tel un Voldemort de la politique française, celui dont François Hollande n'a pas prononcé le nom mais qui a guidé en partie l'écriture du discours et ses contre-propositions. La figure de style de l’anaphore (d'ailleurs un classique de la rhétorique sarkozyenne), devenue la signature présidentielle, pour ironiser à propos des soi-disant «arguties juridiques» qui entraveraient la riposte efficace contre le terrorisme, est une réponse directe à l’ancien président et futur candidat, qui avait employé l’expression en juillet dernier. Quand François Hollande affirme que «la solution ne passe pas par des ordonnances ou référendums», il fait référence à des propositions de Jean-François Copé ou de Nicolas Sarkozy. Et quand il vante «l'idée de la France» qu'il est en train de défendre, on croirait l'entendre répliquer à Nicolas Sarkozy, qui clamait fin août que «l’idée de la France est menacée aujourd’hui de disparition».

Toutes ces subtilités ont été bien entendu interceptées par les véritables destinataires du discours d’Hollande, les professionnels du commentaire politique, comme autant de pépites pour initiés. Que restera-t-il en revanche de cette allocution du point de vue du spectateur lambda, moins équipé pour décrypter la riposte hollandaise?

Le président a tout de même pris l’initiative à quelques reprises, en donnant une vision claire sur l’islam et la laïcité, plutôt que de paraître uniquement réagir à ses adversaires: «L’islam peut-il s’accommoder de la laïcité? Ma réponse est oui. Clairement oui. L’immense majorité de nos compatriotes musulmans nous en donnent chaque jour la preuve.» On est très loin, là encore, du discours de Nicolas Sarkozy prononcé le 8 juin, dans lequel il regrettait: «Il n’y a plus de France: il y a des groupes, et il y a des individus. [...] L’immigration massive et le communautarisme ont créé une prise de conscience du fait qu’il y avait quelque chose qui ne tournait plus rond en France.» En affirmant en début de discours que «La démocratie triomphera», le président énonce aussi ce qui peut paraître une évidence, et suffira difficilement à motiver des troupes face à des adversaires qui pousseront dans le sens de mesures d’exception et d’une remise en cause des principes de l’Etat de droit.

Le discours de pré-campagne hollandais plante donc un décor pour les mois à venir. Un président garant de la défense des institutions, lesquelles redeviennent un sujet politique en étant questionnées dans leur bien-fondé par le camp adverse.

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