Sciences / Santé

Nos cerveaux font de nous tous des addicts en puissance

Temps de lecture : 2 min

Drogués ou pas, nous sommes tous sensibles aux «biais attentionnels» capables de rendre n'importe quel objet irrésistible, même et surtout s'il nous est nocif

Brain Conditions / amenclinicsphotos ac via Flickr CC License by.
Brain Conditions / amenclinicsphotos ac via Flickr CC License by.

C'est un argument qui revient souvent quand des non-dépendants font face à des dépendants: «Moi, jamais ça ne m'arriverait, je ne dois pas avoir le même cerveau.» Le sous-entendu, c'est que les non-dépendants posséderaient une quelconque aptitude, une quelconque force de caractère qui les immuniserait contre les affres de l'addiction en général et aux substances psychoactives en particulier –«les drogués, tous des faibles», estime la version la plus stéréotypée et la plus répandue de ce point de vue. Sauf qu'une étude menée par Brian Anderson, chercheur en neurosciences cognitives à l'Université A&M du Texas, bat le cliché en brèche: à la base, tous les cerveaux sont «faits» pour devenir dépendants, vu que nous réagissons à peu près tous de la même manière aux «biais attentionnels».

Ces «biais attentionnels», explique Anderson, se font jour lorsque vous «orientez votre attention sur quelque chose, même quand cet objet est opposé à vos objectifs, ce qui fait que vous avez du mal à l'ignorer», qu'importe que vous ayez toute la volonté et tout le libre-arbitre du monde à disposition. Dans l'univers du traitement des addictions, ces biais sont bien connus et éloigner le patient de tout ce qui est susceptible le faire rechuter fait partie des techniques les plus élémentaires –ne pas montrer de seringue à un héroïnomane, pas de verre de vin à un alcoolique, etc. Mais dans son étude, Anderson observe que même les individus «normaux» (ie. non-dépendants) tombent dans le même panneau cognitif que les drogués.

Pour preuve l'expérience qu'il relate dans son article. Dans un premier temps, des volontaires devaient effectuer une tâche simple, à savoir trouver des objets colorés dans un ensemble, ce qui leur valait une récompense financière. Ensuite, dans un second exercice, les objets colorés étaient toujours présents, mais n'avaient plus aucun intérêt et n'étaient plus récompensés. Mais parce qu'ils l'avaient été, ils agissaient sur le cerveau des participants comme des «biais attentionnels» –les individus, conditionnés à les remarquer, continuaient à y faire attention, quand bien même y consacrer du temps de cerveau disponible entravait leur réussite.

«Les biais attentionnels étaient manifestes même lorsqu'ils étaient contradictoires» avec la tâche demandée, détaille Anderson, dont l'étude observe une activité cérébrale en beaucoup de points similaires entre dépendants et non-dépendants confrontés à ces biais.

Lorsqu'un individu devient dépendant à une substance, les stimuli qui lui sont associés ont le pouvoir d'attirer et de capter son attention. Selon Anderson, il s'agit d'un processus cognitif normal: dès que notre cerveau, via le système de récompense, a appris qu'un objet relève d'un quelconque avantage, il est logiquement conditionné à y être particulièrement attentif.

Les modifications du traitement de l'information qui interviennent dans l'addiction ne seraient donc pas forcément la conséquence spécifique d'un abus de substance, ajoute Anderson, et juguler la consommation pourrait ne pas suffire à expurger le caractère tentateur de tel ou tel objet, de telle ou telle situation. «Pour traiter l'addiction», conclut-il, «il nous faut contrôler un processus cognitif normal».

En somme, nous serions tous prédisposés à l'addiction dans la façon même qu'a notre cerveau de percevoir le monde. Un apprentissage par récompense qui oriente préférentiellement notre attention dans certaines directions, que nous le «voulions» ou non.

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