«Ma décision est définitive». À trente ans, Valery Spiridonov, un informaticien russe atteint de la maladie de Werdnig-Hoffman, une dégénérescence progressive des muscles qui le force à rester dans un fauteuil roulant depuis qu'il est enfant, a tranché. Il se porte candidat à une «greffe complète», c'est-à-dire une transplantation de sa tête sur le corps d'un étranger. « Je n’ai pas d’autres choix. Si j’ai peur? Bien sûr. Si je ne tente pas ma chance, mon sort sera très triste», confiait-il alors au Daily Mail, en avril 2015. La date de l'opération n'a pas encore été annoncée, mais pourrait bien avoir lieu d'ici fin 2016.
Dans une longue et passionnante enquête [à lire ici], The Atlantic raconte cette histoire et dresse le portrait des deux médecins confirmés –bien que critiqués par une partie de la communauté médicale internationale–qui seront en charge de l'opération, le neurochirurgien italien Sergio Canavero et Ren Xiaoping, chirurgien chinois surnommé le «Frankenstein chinois». Le magazine aborde surtout l'aspect fondamental et éthique de cette opération onéreuse et extrêmement délicate. À quoi pourrait bien ressembler la vie de Valery Spiridonov en cas de succès de l'opération?
«Avoir le nez de Pinocchio»
«Si elle est réussie, la transplantation de la tête va relancer les débats séculaires sur la relation entre l'esprit, le cerveau et le corps», écrit The Atlantic. Elle relancera également un large éventail de débats, comme celui de la reproduction. Le corps sur lequel la tête de Valery Spiridonov sera transplantée produira des spermatozoïdes. Si enfant il y a, ce dernier ne sera pas lié génétiquement à la personne greffée, mais à la famille du donneur. Les proches, d'un point de vue biologique, pourront-il bénéficier d'un droit de visite ou contester la garde de l'enfant?
Mais, ce qui soulève le plus d'interrogations, c'est la manière dont le transplanté vivra, au quotidien, après l'opération. The Atlantic cite plusieurs expériences qui ont démontré que l'adaptation à un nouveau corps humain est possible, mais n'est pas sans séquelles. «Certaines expériences ont donné aux patients le sentiment d'avoir trois bras, ou des nez aussi longs que celui de Pinocchio», écrit le magazine. Ainsi, vivre dans un corps étranger ne devrait pas épargner aux transplantés les douleurs fantômes. Sauf qu'à la différence d'une personne amputée pour qui la douleur se limite au membre manquant, le transplanté pourrait ressentir la douleur au niveau du corps tout entier.
Reste que, pour Valery Spiridonov, la transplantation «n'est pas une question de philosophie, mais de mécanique». Il ne fantasme pas sur le fait d'avoir un nouveau corps, car il ignore encore à quel point il pourra le contrôler une fois réveillé. Il a tout de même un rêve: s'acheter une moto et parcourir le littoral italien et californien.