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Euro 2016: les mal-logés du sport français

Temps de lecture : 6 min

Les courses de vitesse, en matière de construction sportive, ne sont pas une spécialité française.

Palais Omnisport de Bercy, tPaK2007, Flickr, CC
Palais Omnisport de Bercy, tPaK2007, Flickr, CC

Le Conseil Fédéral de la Fédération Française de Football a dévoilé mercredi 11 novembre les 12 stades retenus pour l'organisation de l'Euro 2016. Les projets de Rennes et Colombes s'étant retirés avant même le scrutin, il ne restait plus qu'à écarter deux dossiers parmi les 14 en lice. Sans surprise, Metz et Montpellier sont passés à la trappe. Les stade retenus sont: Saint-Denis (Stade de France), Marseille, Lyon, Lille, Paris (Parc des Princes), Bordeaux, Strasbourg, Saint-Etienne, Nancy, Nice, Toulouse et Lens. Cet article, paru avant l'annonce de cette liste, dresse un état des lieus des enceintes sportives française.

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Avez-vous déjà mis les pieds au Palais des Sports de Gerland à Lyon? Pour rire ou pour vous faire peur. Cette arène a pourtant une place de choix dans l'histoire du sport français. C'est là, en 1991, que l'équipe de France, remontée comme une pendule par un Yannick Noah survolté, renoua spectaculairement avec la victoire en coupe Davis, 59 ans après le dernier succès des légendaires Mousquetaires.

A l'époque, Bercy et ses 14.000 places n'étaient pas libres et il avait donc fallu se rabattre sur cette salle de seulement 8.000 spectateurs pour accueillir les Etats-Unis de Pete Sampras et d'Andre Agassi. Ce Palais des Sports de Gerland était ce que la Fédération Française de Tennis (FFT) avait trouvé de mieux et de plus spacieux dans le pays pour héberger un événement d'une telle ampleur, ses organisateurs étant conscients que cette arène, inaugurée en 1962, était déjà très défraîchie et complètement dépassée sous bien des aspects.

Dix-huit ans plus tard, Lyon n'a toujours que Gerland à proposer comme Palais des Sports et la FFT, en cas de finale de coupe Davis organisée sur son sol et d'indisponibilité de Bercy, pourrait encore se retrouver dans la situation aberrante de se rabattre sur... Gerland qui, ne sourions pas, continue d'être le cadre, chaque année, du Grand Prix de tennis de Lyon, qui débute le 26 octobre, donnant sans doute le sentiment à quelques champions de faire un drôle de voyage dans le temps.

Bercy 21e salle d'Europe

Ainsi va la sinistre misère des infrastructures du sport français concédée par Rama Yade dans un discours prononcé à la Sorbonne le 6 octobre. Lors de cette allocution, la Secrétaire d'Etat aux Sports a benoîtement constaté que Bercy était, en capacité d'accueil, la... 21e salle d'Europe suivie loin, très loin, sur le plan français, par le Palais des Sports de Pau, 155e enceinte du Vieux Continent avec ses 8.500 places. Oui, il faut presque se pincer pour le croire: en France, il n'y a qu'une salle susceptible de faire asseoir plus de 10.000 fans de sports sachant que le Palais Omnisports de Paris-Bercy, qui fête, en 2009, son 25e anniversaire, commence sérieusement à faire son âge, notamment dans ses coulisses où il ne répond plus à certaines normes techniques. La FFT, toujours elle, a été ainsi menacée, en 2006, d'un retrait pur et simple du calendrier du tournoi de Bercy par l'ATP, l'association des joueurs professionnels de tennis, qui l'a sommée de donner un coup de fouet de modernité au P.O.P.B. et à la logistique de son organisation.

Face à l'urgence de la situation (mais il y avait déjà urgence voilà 20 ans), Rama Yade vient donc de décider d'installer une Commission Grandes Salles, présidée par Daniel Costantini, l'ancien entraîneur de l'équipe de France de handball, qui devra rendre ses recommandations en mars 2010. On peut déjà anticiper deux de ses conclusions.

La première se résumera à une incantation: des sous! Des sous! Beaucoup de sous! Très prudente, Rama Yade s'est d'ailleurs bien gardée d'annoncer la moindre prévision de budget pour tracer des perspectives. La seconde sera un constat: pour pérenniser et faire «vivre» à l'année des salles de plus de 10.000 places, qui, soyons réalistes, ne peuvent sérieusement exister que dans des grandes villes, il faut du sport de haut niveau et des spectacles en continu. Et que pointera Daniel Costantini? Que la structure des sports professionnels pratiqués en salle pose un gros problème en France parce que ces disciplines sont très majoritairement dominées par des villes moyennes ou petites qui n'ont pas les bassins de population pour abriter un grand Palais des Sports.

Villes moyennes ou petites

Quelles villes trouve-t-on dans le championnat de France de basket? Orléans, Le Mans, Nancy, Cholet, Chalon-sur-Saône, Roanne, Vichy... Parmi les dix plus grandes villes françaises, seules Strasbourg, Lyon et Paris y figurent et encore, pour concourir, ces deux dernières sont-elles jumelées à deux autres cités voisines, Villeurbanne et Levallois-Perret. En première division de handball, Montpellier, Toulouse et Nantes sont les seules représentées face à Chambéry, Dunkerque, Tremblay-en-France, Créteil, Istres, Cesson-Sévigné... Au volley-ball, c'est un peu mieux avec Paris, Nice, Rennes, Toulouse et Montpellier. Rien à signaler, en revanche, à Marseille, Bordeaux et Lille.

Difficile donc d'imaginer en France ce qui se passe aux Etats-Unis où les grandes villes rentabilisent leurs grandes salles en abritant généralement deux franchises sportives, l'une de basket, l'autre de hockey. Le Madison Square Garden de New York est ainsi en même temps la «maison» des Knicks (basket) et des Rangers (hockey).

La géographie du football en France est heureusement plus lisible et économiquement plus compatible avec, en Ligue 1, la présence de neuf des dix plus grandes villes à l'exception de Strasbourg. Mais la situation des grands stades de plein air, reprise dans le rapport Besson en 2008, laisse autant à désirer à cause de leur grand âge comme à Bordeaux, où les Girondins, champions de France, jouent la Champions League au Stade Chaban-Delmas inauguré en 1938, même s'il a été, bien sûr, largement toiletté depuis. Si bien que tout le monde prie à genoux pour que soit retenue la candidature de la France pour l'Euro 2016 de football dont le pays organisateur sera désigné en mai 2010.

Euro 2016

Le 11 novembre prochain, la Fédération Française de Football annoncera, en effet, les 12 villes retenues dans son dispositif pour contrer les autres pays candidats (Italie, Turquie et l'association Norvège-Suède). Et parmi les heureuses élues, on retrouvera quatre villes qui présentent le projet de quatre nouveaux stades financés par des fonds publics et privés : Lyon (pour 350 millions d'euros), Lille (320 millions), Bordeaux (140 à 200 millions) et Nice (120 à 180 millions). Les huit autres enceintes seront rénovées à grands frais si, et seulement si, la France va au bout de cette candidature - ce qui est loin d'être gagné semble-t-il - pour rendre inéluctable la concrétisation rapide de ces projets absolument nécessaires.

Regrettons au passage le très faible héritable laissé par la Coupe du Monde 1998 et le manque de vision qui avait prévalu lors de son organisation, avec l'inauguration d'un seul stade flambant neuf, le Stade de France. Lors de la Coupe du Monde 2006, et à titre de comparaison, l'Allemagne n'avait pas, elle, mégoté sur les moyens avec la naissance de cinq nouveaux stades financés essentiellement par le privé et des marques qui se sont ensuite arrogé le nom de l'enceinte comme à Munich avec l'Allianz Arena, stade ultra confortable dédié au sport-spectacle.

Cette culture du privé, très répandue dans les pays anglo-saxons et préconisée par le rapport Besson, tarde, hélas, à se diffuser en France. 2010 marquera, cependant, une grande première en Ligue 1 avec l'ouverture, l'été prochain, de la MMArena, le nouvel antre du Mans Union Club 72 et de son parraineur, la compagnie d'assurances MMA. «Aujourd'hui, lorsqu'un club français génère 1€ de chiffre d'affaires, un club italien génère 1,2 € environ, un club allemand ou espagnol 1,4 €, un club anglais 2,2 €, a détaillé Rama Yade à la Sorbonne. Le stade doit être un lieu de vie mais aussi un centre de ressources, pour les clubs, pour le public.»

Pour certaines autres disciplines, la situation des infrastructures est presque humiliante à l'instar de la natation française totalement privée de piscines dignes de ce nom (y compris à Paris) pour organiser des compétitions internationales alors que les champions et les médailles abondent. Le complexe nautique d'Aubervilliers, qui aurait dû émerger si Paris avait eu les Jeux de 2012, est resté à l'état de vague espoir. Les cyclistes sur piste sont, eux, plus chanceux puisque leur vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, également prévu dans le cadre de la candidature de Paris 2012, devrait sortir de terre, en principe, en 2013. Il est vrai qu'ils attendent un vélodrome en région parisienne depuis... 1972, année qui avait vu Georges Pompidou, Président de la République, en faire la promesse à Daniel Morelon, champion olympique à Munich. Les courses de vitesse, en matière de construction sportive, ne sont décidément pas une spécialité française.

Yannick Cochennec

Image de Une: Palais Omnisport de Bercy, tPaK2007, Flickr, CC

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