Culture

La gratuité de la culture a un prix

Temps de lecture : 2 min

Ok, la propriété c’est le vol. Mais faire la manche pour gagner sa vie, c'est pas un avenir radieux.

On entend fréquemment les ennemis de la «riposte graduée», pour lesquels le droit au piratage des œuvres artistiques doit désormais remplacer celui de la propriété comme article 17 de la déclaration des droits de l'Homme, faire l'apologie du spectacle vivant. «Puisque tout ce qui est réductible à un fichier MP3 est, de facto, un bien universel transmissible gratuitement, affirment-ils avec la bonne conscience de combattants de la liberté sûrs de leur fait, chanteurs et musiciens n'ont plus qu'à redécouvrir les joies de la scène pour gagner leur vie!»

On a le droit de ne pas être d'accord avec eux (c'est mon cas), mais on peut au moins leur reconnaître un certain pragmatisme. Dans leur esprit, il n'est en effet absolument pas question d'empêcher qui que ce soit d'être rémunéré pour pousser la chansonnette, du moment que l'argent des fans ne sert plus à engraisser les crapules des multinationales du disque.

Sur la question du piratage de films, les choses sont un poil plus délicates. Si plus personne ne va au cinéma, si les ventes et la location de DVD plongent, on présume qu'il va devenir plus compliqué de faire du cinéma. Qu'à cela ne tienne: les comédiens peuvent, eux aussi, reprendre le chemin des planches. Après tout, ce qui était bon pour Molière et Shakespeare devrait l'être aussi pour Jim Carrey et Dany Boon, non? Allez, tous en scène! Et qu'on ne vienne pas nous parler d'effets spéciaux et autres fariboles technologiques: la comédie, la vraie, n'a pas besoin de ces artifices ridicules. Au contraire. D'autant plus que rien n'empêche Steven Spielberg de se procurer des fumigènes au BHV pour nous faire croire que les Martiens ont réellement débarqué sur la grand-place de Saint-Saturnin-les-Avignon lors de ses représentations de «La guerre des mondes» dans l'arrière-pays provençal...

Mais voici que s'annonce le troisième grand défi lancé par Internet à la communauté culturelle: le piratage des livres. Bon, nous n'en sommes encore qu'au tout début, les e-books ne sont pas vraiment au point et ne vont évidemment pas de supplanter le livre papier dans les mois qui viennent, mais l'on sent bien que le train a déjà quitté la gare. En tout état de cause, des milliers de livres sont déjà disponibles sur les réseaux de peer-to-peer et les hackers s'amusent déjà à craquer les codes des Amazon et autres Fnac.com afin de permettre à tout un chacun de récupérer le dernier Dan Brown sans péage sur son Kindle.

La culture pour tous, c'est formidable, c'est sûr, mais j'attends encore des amoureux de la libre circulation des bits et octets qu'ils suggèrent un «modèle économique» - comme on dit chez les cognoscenti - 100% moderne aux auteurs qui commencent à s'inquiéter. Ils peuvent toujours tenter d'aller, pourquoi, pas déclamer leurs romans en public avant de faire la manche, mais la Grand-place de Saint-Saturnin risque d'être overbookée assez rapidement...

Hugues Serraf

A lire également sur le même sujet mais avec une approche différente: Après 7 ans de piratage, je suis prêt à payer et Société: une jeunesse à l'humeur pirate.

Image de Une: la tablette de lecture numérique iRex Alex Grimm Reuters

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