France

L'Occident gagné par la panique: le terrorisme l'emporte sans frapper

Temps de lecture : 4 min

Deux mouvements de foule dans le sud de la France et dans un aéroport américain montrent que la terreur s'insinue dans les esprits après les attentats survenus cette année.

​Des passagers à terre après un mouvement de foule à l'aéroport John F. Kennedy à New York le 14 août 2016 | Brigitte DUSSEAU / AFP.
​Des passagers à terre après un mouvement de foule à l'aéroport John F. Kennedy à New York le 14 août 2016 | Brigitte DUSSEAU / AFP.

C'est un hall de l'aéroport Roissy Paris-Charles-de-Gaulle fermé une trentaine de minutes fin juillet après l'attentat commis à Nice le 14 juillet, laissant les vacanciers et leurs valises à la porte, un peu inquiets. Ou des passagers arrivant à Bordeaux au mois d'août et ne pouvant débarquer à cause d'une «alerte à la bombe», dit le pilote. C'est l'été, les gens partent en vacances mais les visages s'assombrissent. Ce n'est pas seulement la crainte de rater son avion que l'on observe, mais aussi l'angoisse de se retrouver au cœur d'un événement comme on en a trop vu ces derniers mois: Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et l'Hypercacher le 9 janvier, Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, Nice le 14 Juillet 2016. Mais aussi Saint-Etienne-du-Rouvray ou Magnanville. Des dizaines et des dizaines de morts.

Les attentats entraînent souvent un renforcement des contrôles et des mesures de sécurité du pays –François Hollande a encore prolongé l'état d'urgence de six mois, après l'attentat qui a fait 85 morts à Nice. Les lieux publics paralysés à cause de colis suspects sont de plus en plus nombreux. Le 26 novembre, moins de quinze jours après les attentats contre le Bataclan, dans les Xe et XIe arrondissements de Paris et à Saint-Denis, le nombre de colis suspects avait été multiplié par quatre en Ile-de-France, selon la RATP. Il avait déjà triplé avec l'attentat contre Charlie Hebdo en 2015.

Mouvement de foule ou attentat

Deux événements survenus ces derniers jours viennent confirmer que les esprits sont durablement marqués, que l'angoisse pèse, que la terreur s'insinue.

En France d'abord, à Juan-les-Pins, ce dimanche 14 août, peu avant 22h30, des dizaines de personnes ont paniqué, pensant avoir entendu une fusillade, raconte France TV Info. 70 personnes ont été légèrement blessées dans la bousculade. Selon Nicolas Vanderbiest, assistant universitaire à l'université catholique de Louvain en Belgique, le premier message signalant que quelque chose se passait dans la cité azuréenne date de 22h27, quand l'internaute @pharaonblanc écrit sur Twitter: «attentat à Juan Les Pins». D'autres messages suivent, certains internautes alertent les chaînes d'info BFMTV et i-Télé, leur demandant de plus d'informations. France Bleu Azur viendra confirmer à 22h50, après un coup de fil à la police, qu'il s'agissait d'un mouvement de foule et non d'un attentat. Toujours selon France TV Info, le bruit qui a alerté les passants, dans cette partie de la ville où il y a de nombreux bars, était en fait celui d'une voiture. Un mois pile après l'attentat de Nice, où un camion avait foncé sur la foule venue assister au feu d'artifice, la panique a pris le pas pendant une heure sur Twitter, a observé l'universitaire.

Mais il n'y a pas qu'en France que l'angoisse vient s'insinuer dans le quotidien. A l'aéroport John F. Kennedy à New York, le même jour, un phénomène assez similaire s'est produit. David Wallace-Wells, un journaliste présent sur place, raconte sur le site du New York Magazine comment tout a commencé dans le terminal 8 de l'aéroport international, où les voyageurs regardent sur les écrans la prestation du coureur Usain Bolt:

«Les applaudissements ont dû produire le bruit d'un tir, pour quelqu'un au moins; il ne suffit que d'une personne. Selon plusieurs comptes rendus, une femme a crié qu'elle avait vu un pistolet. L'effet boule de neige est assez facile à comprendre: quand les gens ont commencé à courir, m'a dit un homme que j'ai rencontré sur le tarmac, ils sont passés entre les colonnes en métal qui structurent l'aéroport, répercutant le bruit sur le carrelage, ce qui a produit le son d'armes à feu.»

Il a ensuite entendu parler de mouvements de foule aux terminaux 1 et 4. L'un avant les douanes parce que le couloir était bondé et que le bruit s'est répandu. L'autre lorsqu'une femme portant un hijab, séparée d'un membre de sa famille dans la foule, a crié en descendant de l'avion, provoquant la ruée des autres passagers vers l'entrée de l'aéroport. «Il y a probablement eu d'autres mouvements de foule, importants ou non, dans le reste de l'aéroport, à en juger les milliers de passagers qui étaient rassemblés sur le tarmac à 23 heures.»

«Le terrorisme fonctionne»

Il raconte comment des passagers couraient partout, essayant de s'enfuir, et sont restés bloqués par les mesures de sécurité prises à la hâte face à ce non-événement. L'un d'entre eux a crié «Ils arrivent par là», rapporte-t-il. Mais il n'y avait pas de «ils».

«Ce qu'il s'est passé à JFK l'autre soir était, à tous les égards à l'exception de la violence, une tuerie de masse. Le fait qu'il n'y ait pas d'attaque derrière est le plus bizarre et le plus effrayant [...] En quelques minutes, tout le lieu et ses infrastructures pensées pour gérer la foule ont cédé face au chaos. Le fait qu'il n'y ait eu aucune raison de paniquer a été source de soulagement ensuite, bien sûr. Mais, pendant quelques heures, nous étions pris dans une vague de panique comme si nous étions au cœur d'un acte terroriste. Il n'y aucune autre façon de le décrire. Que cela n'ait été qu'une réaction démesurée ne compte pas finalement, c'est comme ça que le terrorisme fonctionne.»

La terreur, voilà ce qu'il s'est passé dans cet aéroport américain ce 14 août, résume le journaliste en racontant en détails cette soirée surréaliste passée avec sa femme.

Après l'annulation d'événements publics dans de nombreuses régions de France, de la braderie de Lille et de son semi-marathon aux feux d'artifice du 15 août dans un bon nombres de villes du sud de la France, certains invitaient à ne pas céder à cette terreur, estimant qu'il s'agissait d'une «victoire symbolique pour Daech». A l'approche de l'Euro de football organisé en France au début de l'été, Bernard Cazeneuve avait affirmé qu'il fallait «résister à la terreur». Mais comment l'empêcher d'envahir les esprits? Comment ne pas se poser la question à chaque fait divers quand les revendications des terroristes peuvent prendre des jours à émerger?

«Les sociologues se sont rendus compte que dans les pays qui ne sont pas en guerre mais qui subissent un attentat, il faut six à huit mois à la population touchée pour se préoccuper d'autre chose», rapportait récemment au Figaro Gérôme Truc, sociologue et auteur de Sidérations. Quand les victimes des attentats sont occupées à se remettre et à trouver une nouvelle identité, les autres développent des réflexes à force de devoir réagir aux attaques qui se multiplient depuis 2015. Nous le rappelions début août après les attentats perpétrés en France en juillet, avec le rythme des attentats depuis un an et demi, la population ne peut pas revenir à un état normal. Elle est terrorisée.

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