Santé

Les sportifs dopés pissent-ils vraiment violet?

Temps de lecture : 3 min

Camille Lacourt et Michael Phelps, 31 ans chacun, ont dénoncé publiquement la présence à Rio de nageurs potentiellement dopés. Le premier a parlé de manière colorée, le second a le «cœur brisé»

Camille Lacourt I Odd Andersen / AFP
Camille Lacourt I Odd Andersen / AFP

«Pisser violet»? La colère peut aider le nageur à dire sa vérité. Ce lundi fut marqué par l’impuissance de Camille Lacourt, 31 ans, à monter sur le podium après sa dernière finale individuelle. Nous assistions alors au 100 mètres dos. Lacourt, le Marseillais, avait terminé quatrième il y a quatre ans à Londres. Il a, cette fois, fini cinquième (52''70) laissant les trois médailles à Ryan Murphy (51"97, deuxième chrono le plus rapide de l'histoire), Jiayu Chu (52"31) et David Plummer (52"40).

C’est alors que, dans la zone mixte, son ire éclata. Écœuré, le Marseillais jeta un gros pavé éclaboussant notamment Sun Yang, 24 ans, un athlète précoce contrôlé positif à la trimétazidine (le dangereux Vastarel ®, un cardiotonique des laboratoires français Servier) en juillet 2014. Suspendu trois mois, Sun Yang avait reçu le prix Fina de Meilleur nageur masculin pour ses trois médailles décrochées lors des Championnats du monde de natation 2015 de Kazan (Russie).

RMC et L’Équipe ont rapporté les propos du nageur français:

«Je suis très triste de voir mon sport évoluer de cette façon. J’ai l’impression de voir l’athlétisme avec deux-trois dopés dans chaque finale. J’espère que la Fina va vite réagir et arrêter ce massacre, parce que ça devient triste. Je n'ai jamais pris de produit interdit moi, mais à voir les autres, ça a l'air. Ils n’ont rien à faire dans un sport. Ils ont qu'à faire une Fédé de chargés et s’amuser entre eux. Ça me dégoûte de voir des gens qui ont triché sur les podiums : sur le 200 crawl, Sun Yang, il pisse violet...»

Changement de couleur

«Pisser violet»? L’image colorée de Camille Lacourt est parlante. On observera toutefois que, comme toutes les métaphores elle prend ses aises avec la réalité. La mémoire de la lutte anti-dopage ne conserve pas de traces laissant penser que des produits dopants ont pu conférer aux urines des sportifs dopés une couleur aussi caractéristique que le violet. Pour autant, la modification de la couleur de ce fluide biologique peut être le reflet de différentes situations, pathologiques ou non. La coloration normale (jaune paille) se modifie sous l’effet des variations de concentration –et ce en fonction des apports et des pertes en eau.

Un faible apport hydrique ou des pertes extra-rénales importantes (transpiration) entraînent une réduction des éliminations rénales et à une concentration des urines qui prennent alors des teintes foncées. À l’inverse des apports hydriques abondants conduisent à une augmentation des pertes. La coloration urinaire évolue alors vers des jaunes de plus en plus clairs allant parfois jusqu’à une pseudo-transparence. Aux premiers stades de la lutte anti-dopage l’idée prévalait qu’en diluant massivement ses urines on réduisait le risque d’être dépisté. Il y a bien longtemps que le sujet n’est plus d’actualité.

Quant aux couleurs très marquées liées à des prises de médicaments, elles sont le plus souvent des symptômes de pathologies lourdes, le reflet de lésions du foie et/ou du rein qui ne sont pas vraiment compatibles avec le sport de haut ou bas niveau.

La fin de l'intimité du sportif?

Dans tous les cas, le temps n’est plus, et de loin, où les seuls contrôles urinaires permettaient de confondre les tricheurs. Les progrès considérables de la pharmacopée autant que l’ingéniosité des médecins marrons ont bouleversé la donne. Les urines peuvent être parfaitement claires donc et les athlètes amplement chargés. L’épais dossier de l’EPO dans le cyclisme a amplement démontré, en trente ans, les difficultés des biologistes à identifier simplement, en routine, les sportifs professionnels qui trichent. Des difficultés amplifiées par la mauvaise volonté (euphémisme) des fédérations nationales et internationales à faire la lumière et à dire la vérité biologique.

Ne plus «pisser violet»? Mille et une solutions ont été proposées (et parfois commencées à être mises en œuvre) pour que la transparence puisse –autant que faire se peut– être approchée. Elles devraient conduire, en toute logique, à organiser une surveillance permanente des constantes biologiques et de la vie des athlètes. Pleinement appliquées, elles imposeraient un contrôle toxicologique et comportemental de type policier, les recherches pouvant être effectuées sur les urines, le sang, les phanères (cheveux et ongles) ainsi qu’à différents échelons cellulaires et génétiques. La fin, en somme, de toute intimité, un contrôle anti-dopage doublé d'une mise en résidence surveillée. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que les spectateurs auraient la certitude que les urines des athlètes ne sont pas «violettes».

À Rio, Camille Lacourt n’est d'ailleurs pas le seul à s’être ainsi emporté sur le sujet. Quelques minutes après lui, le célèbre Michael Phelps, 31 ans, l'athlète le plus titré de l'histoire des Jeux olympiques a «vivement regretté» la présence à Rio de la nageuse russe Yulia Efimova, 24 ans repêchée de justesse après avoir été contrôlée positive à la DHEA et qui, vient de décrocher l'argent sur 100 mètres brasse. «Cela nuit à l'essence-même du sport et c'est ce qui me fait chier», a commenté l'Américain sans prendre plus de gants. Ajouant qu'il avait «le cœur brisé».

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