«Imaginez-le dans le Bureau ovale en temps de crise. Un homme qu’on peut tourmenter avec un tweet ne peut se voir confier les armes nucléaires», a taclé Hillary Clinton à la Convention démocrate en parlant de son adversaire Donald Trump.
Si cette pique a clairement été lancée dans un but politique, elle interroge aussi sur la chaîne de commande de l’arme nucléaire: le président est-il vraiment tout puissant pour décider d’utiliser une bombe H 17.000 fois plus puissante que celle d’Hiroshima ? S'il semblerait qu'il n'y ait «pas de veto possible» d'après Franklin C. Miller, spécialiste du nucléaire, le New York Times s'interroge justement sur le processus d'une telle décision et revient sur les deux fois où les ordres du président ont été contournés.
1.Melvin R. Laird vs Richard Nixon«Vous savez, c'est en test en ce moment»
En 1969, alors que le monde est plongé en pleine Guerre froide et que les États-Unis affrontent idéologiquement leur ennemi sur le sol vietnamien depuis quatre ans, le président Richard Nixon décide de frapper un grand coup: il demande à son secrétaire à la Défense, Melvin R. Laird, de faire passer l’armada nucléaire en alerte maximale pour menacer directement Moscou. Le but? Faire croire aux Soviétiques que les États-Unis vont lancer une attaque sur l’armée nord-vietnamienne.
Laird n’a pas suivi l’avis de Nixon. Pour Scott D. Sagan, auteur de l’essai Les limites de la sécurité, qui traite des accidents nucléaires, il a juste essayé d’ignorer les ordres en utilisant des fausses excuses concernant des exercices en cours, tout en espérant que le président oublierait sa demande.
Nixon a persisté et on n'est pas passé loin de la catastrophe, rapporte le professeur Sagan. De façon assez ironique, un an plus tard, a été appliqué le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui dit que «conformément à la Charte des Nations unies, les États doivent s’abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies [...]».
2.James R. Schlesinger vs Richard Nixon«Transmettez-moi les ordres»
En 1974, Nixon plonge. En plein scandale du Watergate, le président des États-Unis boit beaucoup et ses collaborateurs craignent de plus en plus son instabilité émotionnelle. Pour parer à toute éventualité, son nouveau secrétaire à la Défense, James R. Schlesinger, lui même plutôt belliciste, demande à l’armée de détourner tous les ordres d’urgence émanant du Bureau Ovale –surtout ceux impliquant les armes nucléaires– directement chez lui ou chez le secrétaire d’État, Henry Kissinger.
Sa démarche était, et reste aujourd'hui, totalement illégale, et aurait presque pu être qualifiée de mutinerie, mais à l’époque personne ne l’a remise en question. Pour Eric Schlosser, auteur de Commandes et contrôles, contourner Nixon semblait «être la chose à faire à ce moment-là».