Sur le site Quartz, un journaliste se pose à haute voix une question épineuse d’éducation contemporaine: dans quelle mesure peut-on jurer devant ses enfants et, question subsidiaire, ces derniers peuvent-ils être autorisés à employer des gros mots?
Derrière la réponse à cette question se dessine une manière nouvelle de composer avec les normes sociales, de s'y conformer ou de les détourner –à tout le moins, d'en avoir l'air.
Selon Michael Adams, auteur d’une défense des insanités publiée non chez un éditeur spécialisé dans l’humour mais aux Oxford University Press à paraître à la rentrée 2016, les gros mots répondent à une fonction sociale bien précise qui est de renforcer les relations à l’intérieur du groupe. Car on jure entre gens qui se respectent et se font confiance, là où au contraire on se contrôlera pour obéir aux convenances du langage dans des cercles plus formels. «Il y a de l'intimité dans le fait de jurer, écrit l'auteur de l'article, précisément parce que vous savez que vous n'êtes pas censés le faire.»
Source: Oxford University Press.
Les gardiens d’une langue expurgée de ses grossièretés et vulgarités font valoir que la communication verbale peut s’en passer sans perdre une once d’information convoyée par les mots. Mais est-ce réellement le cas? Michael Adams défend à l’inverse de cette conception utilitaire du langage, le charme esthétique des jurons, quand ils sont employés par des orfèvres de la langue qui savent en jouer et en faire une forme de discipline littéraire à part.
Faut-il pour autant encourager les enfants à employer des gros mots? Pas dans les cadres dans lesquels ils sont proscrits, souligne l’auteur en rappelant le paradoxe des gros mots, qui est que leur attrait réside dans leur caractère transgressif. Ils doivent garder une part de leur «innacceptabilité sociale», poursuit l’auteur, car dans le cas contraire ils deviendraient des «mots normaux».
Et de conclure par cette pirouette:
«Si vous enseignez à vos enfants à employer des gros mots, vous devez leur apprendre que ce n’est pas quelque chose qu’ils sont censés faire. Car dans le cas contraire, comment sauront-ils comment le faire correctement?»