«Un travailleur détaché [...] vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place»: cette phrase de Jean-Luc Mélenchon, prononcée dans l'hémicycle du Parlement européen le 5 juillet, symbolise bien le niveau de tension et de violence verbale actuelle de la politique européenne. Si le sujet des travailleurs détachés constitue un vrai problème (le gouvernement français menace d'ailleurs actuellement de ne plus appliquer la directive sur les travailleurs détachés si un alignement des cotisations sociales «par le haut» n'est pas opéré), l'outrance du propos surprend étant donné ses connotations historiques malheureuses (le lieutenant de Jean-Luc Mélenchon Alexis Corbière pointait d'ailleurs il y a quelques années que la dénonciation des «métèques qui viennent manger le pain des Français» est un classique du discours d'extrême droite).
Et le raccourci choque quand on sait que les abus ne sont pas tant le fait des travailleurs en question que de leurs employeurs: en avril 2014, au moment de la réforme de la directive travailleurs détachés négociée au Parlement européen par les socialistes, les libéraux et les conservateurs, Le Monde pointait que «les pays membres ont constaté des abus et contournements divers de la loi par des patrons peu scrupuleux, des travailleurs peu au fait de leurs droits, et des entrepreneurs créatifs érigeant des sociétés boîtes aux lettres domiciliées dans les pays où la législation sociale est moins développée». À l'époque, Jean-Luc Mélenchon avait voté contre un texte qualifié d'«attrape-nigaud», organisant «la poursuite de la concurrence déloyale et de la surexploitation des travailleurs détachés».
Interpellant le président du Parlement européen, Martin Schultz, le candidat à la présidentielle du Parti de gauche a également dénoncé «une Europe de la violence sociale, [...] une Europe de la violence politique [...] et une Europe de la violence guerrière, comme celle que vous êtes en train de préparer face à la Russie». Des propos qui rappellent que l'ancien député PS voit souvent la politique internationale à travers le prisme des positions russes. Sans oublier qu'il tire aussi, par ailleurs, des leçons plutôt particulières de la victoire du «Leave» au référendum brutannique:
«Non, la Grande-Bretagne n'est pas faite de citoyens racistes et xénophobes; non, le vote "non" n'est pas un vote pour la guerre et contre l'Europe. C'est tout le contraire: le vote des Anglais, comme celui de mon propre pays, est un vote pour l'union des peuples, pour la paix et pour la coordination sociale, mais vous n'en voulez pas.»
S'il n'est évidemment pas question de mettre tous les électeurs du «Leave» dans le même sac, la presse britannique a pourtant pointé à plusieurs reprises une très forte augmentation des crimes de haine depuis le vote du 23 juin, estimant qu'on assistait à «une frénésie de haine» et que le Brexit avait «donné une voix au racisme». Les analyses effectuées par les instituts de sondage ont montré que l'immigration avait été la principale question dans l'esprit des votants du référendum. Quant à l'union des peuples, le Brexit est surtout parti pour alimenter les tensions centrifuges au sein du Royaume-Uni.