Dans les années 1970, les femmes voulaient brûler leur soutien-gorge, ou c'est en tout cas le mythe qui demeure. Aujourd'hui, les jeunes femmes en portent toujours, mais ne veulent pas rogner sur le confort. Les soutiens-gorge d'aujourd'hui sont pourtant beaucoup plus évolués que ceux que portaient leurs mères et leurs grands-mères.
Il y a cent ans, les femmes se réjouissaient de pouvoir abandonner leur imposant corset, même pour des armatures encore oppressantes. Mais ces évolutions ne suffisent plus: 41% des jeunes femmes disent avoir porté un soutien-gorge de sport au cours des sept derniers jours, selon une étude américaine du NPD Group relevée par Fast Company.
Oser
Peut-on vraiment porter un soutien-gorge de sport tous les jours? Beaucoup de femmes se se demandent si c'est une bonne idée, à l'image de cette internaute qui posait la question il y a un an sur le site communautaire Reddit:
«J'ai l'impression que ma question est stupide, mais ce n'est vraiment pas clair pour moi honnêtement: y a-t-il une raison pour laquelle je ne devrais pas porter de soutien-gorge de sport tous les jours? Je les trouve beaucoup plus confortables, mais pour tout vous dire je ne fais pas très attention à la mode, alors peut-être que c'est ridicule et que je n'en sais rien. Pour info, j'ai des seins assez larges.»
Une femme posait déjà la même question sur un forum du magazine Vogue en 2005. Et il y en a d'autres depuis. Les réponses des internautes à ces appels à l'aide évoquent essentiellement l'aspect esthétique. On peut mais, ce n'est pas toujours très beau. Ils disent tous que ces soutiens-gorge de sport rendent la poitrine uniforme, un «uniboob» (ou sein unique en français).
Uniboob is SO me! pic.twitter.com/8MTSBXCC2b
— Re'yvin Nychole (@ReyvinNychole) May 14, 2016
Les internautes sont moins nombreux à évoquer les éventuelles conséquences pour le corps de femmes de ces accessoires qui maintiennent souvent très haut et d'un bloc la poitrine. Les études se contredisent sur la possibilité de cancer liée au port accru (plus de 12 heures par jour) des soutiens-gorge. Celle-ci augmente avec l'âge sans que l'on puisse associer directement le port de lingerie au développement de la maladie. Il n'y a à notre connaissance aucune étude sur les soutiens-gorge de sport en particulier.
Le soutien-gorge de sport n'est plus moche
Cet «uniboob», la marque Victoria Secret, qui domine le marché de la lingerie aux États-Unis, le prend très à cœur. Jester Turney, l'une de ses dirigeantes, dit même lui avoir «déclaré la guerre». Deux modèles existent: le modèle à compression, qui place les deux seins au même endroit et très près du corps (qui donne cet «uniboob»), ou le soutien-gorge encapsulant qui les maintient individuellement.
Mais la croissance des ventes de ces soutiens-gorge de sport par des marques de mode et l'explosion des lignes de vêtements adaptés à la pratique sportive sont passés par là. Le soutien-gorge de sport n'est plus moche. Le phénomène n'est pas qu'américain. En France, la marque Chantelle en fait, Dim aussi, Princesse Tam-Tam a essayé aussi il y a deux ans. Avec différents modèles, formes, couleurs, comme n'importe quelle ligne de lingerie.
Lorsque l'on pose la question sur Twitter, les quelques réponses que l'on récolte montrent que les Françaises le font, pour le confort, mais aussi l'esthétique, précise la rédactrice en chef adjointe du site pour jeunes femmes Madmoizelle.
@misspress Deux à trois fois par mois j’pense quand j’ai pas envie d’un poom-poom décolleté :)
— Mymy Haegel (@mymyhgl) 5 juillet 2016
De la même manière que les femmes portent des baskets tous les jours, même au travail, les soutiens-gorge de sport ne dénotent plus. D'autant que Madonna avait relancé dans les années 1980 le port du bustier et que les hauts courts reviennent régulièrement dans les collections des grandes enseignes.
L'injonction à la beauté demeure
Pourtant, nous le soulignions il y a un an, les soutiens-gorge de sport ne sont pas parfaits non plus. «Ce n’est jamais seulement un objet pratique mais aussi un accessoire de mode. On attend des femmes qu'elles soient “sexy” même sur une piste d’athlétisme, ce qui rejaillit sur la nature de la demande économique. Et entre la fonction utilitaire et la fonction esthétique, les marques ne balancent pas longtemps.»
C'est en 1977 que le soutien-gorge de sport a véritablement été mis sur le marché aux États-Unis, note le site Racked dans un long article sur l'évolution exponentielle du marché. Quand en 2002, il ne représentait 6% des ventes de soutiens-gorge, soit 4,5 milliards de dollars, aujourd'hui il approche les 15 milliards.
Forever21, marque très prisée des jeunes Américains, explique s'être adaptée à la mode pour ces nouvelles lignes de lingerie adaptées au sport:
«Nos clients veulent avoir un look branché en allant et en revenant de la gym mais même n'importe quel autre jour. Avec la mode actuelle streetwear et sportswear, nous avons vu beaucoup de nos clients s'intéresser à ces pièces et les plus jeunes cherchent à la fois des nouveautés mais qui sont sexys et faciles à porter.»
Les marques suivent
La tendance est telle que les marques de lingerie redoublent d'inventivité et développent des technologies pour supprimer les armatures en fer qui peuvent faire mal. Michelle Lam, patronne de la marque True & Co., l'a constaté auprès de ses clientes qui venaient d'accoucher:
«Nous observons que les femmes, surtout les jeunes mères qui retournent au travail, portaient des soutiens-gorge de sport sous leur robe plutôt que de chercher leur nouvelle taille. Beaucoup d'entre elles le voyaient comme un entre-deux avant que le corps ne revienne à sa taille d'origine, mais souvent elles en portent pendant six mois ou plus.»
Le budget entre aussi en jeu. Cette jeune femme raconte sur le site xojane.com qu'elle a dépensé beaucoup d'argent dans des affaires de sport et ne veut pas «gâcher» ces achats:
«Les soutiens-gorge de sport sont chers et je déteste penser que de l'argent dort dans mon armoire. Pour quelqu'un qui déteste porter des soutiens-gorge, et qui ne fait jamais de sport, j'en possède beaucoup.»
Souvent plus couvrant que le reste de la lingerie, les femmes n'hésitent plus. Mais on est loin de l'aspiration de celles qui voulaient tout abandonner à la fin des années 1960 pour mieux être les égales des hommes, rappelle la commissaire d'une exposition consacrée aux 100 ans du soutien-gorge à Francfort en 2014:
«Cet été, j’ai souvent vu des hommes torse nu dans les supermarchés et je me suis demandée ce qui se passerait si les femmes faisaient la même chose. C’est juste inconcevable. En fait, c’est une forme de discrimination sexuelle.»
Les jeunes femmes en portent donc toujours aujourd'hui, refusant parfois l'injonction à l'esthétisme que la lingerie affriolante, les Wonderbra ou même les soutiens-gorge obus des années 1950 véhiculent. Une forme de victoire, même si beaucoup de femmes aimeraient toujours pouvoir ne pas porter de soutien-gorge du tout, comme en témoigne la popularité de cette étude française sur les potentiels bienfaits de l'absence de soutiens-gorge pour nos poitrines.